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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 13:49

 

Honnies soient qui mâles y pensent (8)

 

La thérapeutique du Docteur d’Yvetot s’avéra à tel point magistrale, que Monsieur le Comte, stimulé par la ritournelle moultes fois évoquée, chantée, serinée, ne s’endormait qu’aux aurores naissantes, aux prises avec des rêves concupiscents, où se mélangeaient, dans une joyeuse sarabande, les phantasmes les plus débridés, vêtus ou dévêtus, angéliques ou diaboliques, sournois ou bienveillants, dont l’hôte de La Marline, voyait, morbleuparbleusacrebleu, tantôt les yeux, tantôt les cheveux, tantôt la queue, l’acculant souvent à la panique, l’incitant parfois à prendre ses cliques, le conduisant, toujours, à leur faire la niquela niquela nique.

  Madame la Comtesse qui, au cours de ces nuits follement agitées, percevait on ne peut mieux la lame de fond qui tourneboulait son époux, en profitait quant à elle, pour grappiller quelques miettes, glissant l’index, le majeur, l’annulaire, l’auriculaire et même le pouce, dans la fente conjugale, afin d’y recueillir le lourd et érectile tribut que Fénelon de Lamothe payait à Cupidon. L’étonnante vigueur comtale, le désir, qu’elle, Yvette-Charline, sentait poindre en différentes parties de son corps, y compris les plus secrètes, les images obscènes qui commençaient à envahir sa tête, eurent bientôt raison des dernières barrières et fortifications de son puritanisme et, bientôt, elle s’enhardit, lançant de discrets mais audacieux assauts en direction des territoires anatomiques du " bienheureux "où Satan poursuivait ses œuvres, dans un sabbat que, même l’averti docteur Charles d’Yvetot, n’eût pu soupçonner. Mais la Comtesse dut se rendre bien vite à l’évidence, si quelques mets de choix lui étaient parfois offerts par l’état d’excitation permanent de Monsieur le Comte, elle ne les devait qu’aux épisodes de rêve où il se trouvait alors, et ne résultaient aucunement d’une volonté de ce dernier de lui rendre un hommage appuyé, destiné au culte d’Eros.

  Yvette-Charline n’en fut ni dupe ni affligée et dut bientôt se résoudre à des plaisirs solitaires, navigant de concert avec son licencieux époux, sur les flots agités du lit à baldaquins, héritage du Grand-oncle Eustache-Grandin. C’était à se demander, si le lit lui-même, n’était pas le dépositaire des fantasmes de son ancien occupant, si les montants en chêne de Sologne dont il était fabriqué n’étaient pas la forme matérielle et tangible de la légendaire vigueur physique du Maître de la Scierie. Nulle étude sérieuse ne vint confirmer les supputations de la Comtesse qui, de cette hypothèse fit son deuil, de la même façon qu’elle le fit, provisoirement, espérait-elle, des fougues de son époux.

  Or, si Yvette-Charline, commençait à trouver les nuits fort longues et ennuyeuses, Monsieur le Comte, les estimait trop brèves à son goût et les prolongeait, à pied, à cheval, en voiture et même, le plus souvent, entre les poutres de sa Librairie érudite. Dès lors, jours et nuits se transformèrent en un vaste pandémonium, où satyres, malins et autres génies jonglaient et lutinaient, mêlant à l’envi les fantasmes du Grand-oncle Eustache-Grandin et les phantasmes de son petit neveu, le Comte Fénelon de Lamothe-Najac.

  Mais, afin de ne pas choquer la pudeur bien naturelle des Lecteurs et comptant sur leur imagination fertile en matière amoureuse, il leur sera proposé simplement, à la façon d’une boîte de " Mécano " dont il faut assembler les pièces, quelques éléments fantasmatiques qu’ils voudront bien arranger à leur convenance. Afin de faciliter les manipulations, les diverses pièces dédiées aux fantasmes de tous ordres, seront rangées dans des boîtes, selon des catégories bien distinctes :

 

****************

 

    

 

 

 

        BOITE A : VETEMENTS

 

  A1 : VETEMENTS D’HOMME :

 

Paletot; Pelisse; Macfarlane; Robe de chambre; Souquenille; Redingote; Jaquette; Veston; Frac; Veste; Pet-en-l’air; Spencer; Pourpoint; Carmagnole; Culotte; Caleçon; Haut-de-chausses; Trousses; Houseaux; Rhingrave; Gilet; Soubreveste; Maillot; Pull-over; Chemise; Pyjama; Faux col; Cravate.

 

  A2 : VETEMENTS DE FEMME :

 

  Robe; Tailleur; Amazone; Canezou; Jupe; Jupon; Cotillon; Basquine; Corsage; Casaquin; Caraco; Tunique; Peignoir; Corset; Ceinture; Combinaison; Culotte; Soutien-gorge; Fichu; Guimpe; Pointe; Collerette; Berthe; Bavette; Béguin; Cornette; Voilette; Barbette; Manteau; Mante; Mantille; Boléro.

 

 

   A3 : PIECES ET ACCESSOIRES :

 

  Fond de culotte; Jambe; Entrejambe; Fourchette; Entournure; Taille; Pont; Poches; Gousset; Braguette; Décolletage; Queue; Paniers; Vertugadin; Bouffante; Capuce; Baleine; Coulisse; Nervure; Dentelle; Bouillons; Falbalas; Fanfreluches; Petite oie; Canons; Ruché; Passepoil; Bretelles; Agrafe.

 

   A4 : LEXIQUE ARGOTIQUE :

 

  Robe; Roupane; Serpillière; Pantalon; Bénard; Culbutant;  Falzar; Fourreau; Froc; Futal; Grimpant; Pince; Rofou; Valseur; Costume; Costard; Pingouin; Veste; Alpague; Poche; Fouille; Glaude; Profonde; Vague; Mouchoir; Tire-jus; Tire-moelle; Chemise; Limace; Liquette; Sous- vêtements; Fringues de coulisse; Culotte; Minouse; Maillot de corps; Léotard; Marcel; Soutien-gorge; Sostène; Soutif; Cache-sexe; Cache-frifri; Caleçon; Bénouze; Calbutte; Calfouette; Slibar; Chaussettes; Fumantes; Puantes; Sachets; Bas; Lisses; Tirants; Chaussures; Asperges; Godillots; Grolles; Lattes; Patins; Péniches; Richelieus; Santiagos; Sorlots; Targettes; Tartines; Tatanes; Tiges; Trottinets; Croquenots; Godasses.

 

       BOITE B : CORPS

 

  B1 : LEXIQUE STANDARD :

 

  Tronc; Tête; Cou; Menton; Joues; Lèvres; Poils; Cheveux; Tresses; Chignon; Bras; Jambes; Cuisses; Seins; Sexe; Pénis; Vulve; Vagin; Entrejambes; Coudes; Bassin; Hanches; Mont de Vénus; Petites lèvres; Grandes lèvres; Orteils; Pouce; Index; Majeur; Poignet; Gland; Verge; Testicules; Croupe; Fesses; Poitrine; Aisselles; Genoux; Cou de pied; Fesses; Cul.

 

  B2 : LEXIQUE ARGOTIQUE :

 

  Arche; Arrière-train; Artiche; Baigneur; Brioche; Croupion; Entremichon; Faubourg; Gagne-pain; Joufflu; Meules; Miches; Pétard; Pétrousquin; Prosinard; Tafanard; Troussequin; Turbine; Vase; Bacantes; Baffi; Bâfre; Balaià chiottes; Charmeuses; Moustagache; Rouflaquettes; Badigoinces; Babines; Babouines; Bagougnasses; Limaces; Pompeuses; Balcon; Avant-scène; Bide; Berdouille; Boîte à ragoût; Bouzine; Burlingue; Crédence; Gésier; Gras-double; Lampion; Binette; Bobèche; Bobine; Bouillotte; Chetron; Façade; Fiole; Gaufre; Terrine; Trombine; Tronche; Blair; Aubergine; Blase; Piton; Quart de brie; Ruche; Tarbouif; Tarin; Tasseau; Trompette; Truffe; Boutique; Bijoux de famille; Marchandise; Parties; Service trois-pièces; Cafetière; Boule de billard; Caberlot; Calebasse; Citrouille; Coloquinte; Mansarde; Sinoquet; Sorbonne; Clapet; Dalle; Dégueuloir; Gargue; Gicleur; Goulot; Margoulette; Porte pipe; Saladier; Tire-lire; Doudounes; Airbags; Amortisseurs; Ballochards; Blagues à tabac; Mandarines; Miches; Nibards; Œufs sur le plat; Pare-chocs; Roberts; Rondins; Roploplots; Tétasses; Gambette; Badine; Baguette; Brancard; Calouse; Canne; Compas; Echalas; Flûte; Fusain; Manivelle; Poteau; Quille; Jambon; Gigot; Jambonneau; Menteuse; Bavarde; Calpette; Escalope; Langouse; Languetouse; Mouillette; Tapette; Meules; Crocs; Crochets; Dominos; Grille d’égoût; Mandibules; Piano; Quenottes; Ratiches; Tabourets; Touches de piano; Minette; Abricot; Baba; Bénitier; Berlingot; Boîte à ouvrage; Boîte aux lettres; Boutique; Centre; Chagatte; Chat; Chatte; Choune; Con; Connasse; Cramouille; Craquette; Fente; Figue; Foufoune; Frifri; Greffière; Gripette; Lac; Laitue; Mille-feuilles; Minet; Moniche; Motte; Moule; Panier; Pâquerette; Teuche; Turlu; Clitoris; Bonbon; Bouton; Clicli; Cliquette; Clito; Framboise; Gâchette; Grain de café; Praline; Motte; Barbu; Cresson; Gazon; Tablier de sapeur; Touffe; Paluche; Cuillère; Fourchette; Griffe; Louche; Pince; Pogne; Pinceau; Escalope; Fromage; Fumeron; Nougat; Oignon; Panard; Paturon; Pince; Pinglot; Raquette; Ripaton; Targette; Tige; Trottinet; Pneu; Guitare; Poignée d’amour; Radis; Salsifis;Roustons; Agobilles; Balloches; Bonbons; Burettes; Burnes; Claouis; Coucougnettes; Couilles; Douillettes; Figues; Grelots; Joyeuses; Miches; Montgolfières; Noisettes; Olives; Orphelines; Parties; Pelotes; Précieuses; Rognons; Roubignolles; Rouleaux; Roupes; Roupettes; Valseuses; Yoc; Tifs; Alfa; Baguettes; Crayons; Cresson; Douilles; Doulos; Gazon; Afro; Balayeuse; Choupette; Petite choucroute; Iroquoise; Perruque en peau de fesse; Déboisé; Déplumé; Mouchodrome; Skating à mouches; Boule à zéro; Zob; Andouille de calcif; Anguille de caleçon; Arbalète; Ardillon; Asperge; Balayette; Bambou; Biroute; Bistouquette; Bite; Brandon; Braquemart; Chauve à col roulé; Chibre; Chinois; Chipolata; Chopote; Cigare à moustaches; Clarinette baveuse; Coquette; Dard; Dardillon; Darrac; Défonceuse; Flageolet; Petit frère; Gaule; Goupillon;  Guiguite; Guise; Guizot; Jacquot; Jean nu tête; Mandrin;  Matraque; Paf; Panais; Papillon du Sénégal; Pine; Polard; Popaul; Queue; Quique; Robinet d’amour; Sabre; Tebi; Vipère broussailleuse; Zeb; Zigounette; Zizi; Zobi.

                                                                                                                                                                                               

 

      BOITE D : PERCEPTIONS

 

  D1 : VOIR :

 

  Mirer; Admirer; Regarder; Ecarquiller les yeux; Etre émerveillé; Etre ébloui; Ne pas en croire ses yeux; Reluquer; Zieuter; Mater.

 

  D2 : ENTENDRE :

 

  Gémissements; Chuchotements; Suçotements; Charivari; Sabbat; Tumulte; Tapage; Boucan; Soupir; Supplication; Imploration; Halètement; Inspiration; Expiration; Succion.

 

  D3 : TOUCHER  :

 

  Caresser; Effleurer; Soupeser; Lisser; Masser; Frotter; Frictionner; Presser; Tapoter; Pincer; Faire vibrer.

 

  D4 : SENTIR :

 

  Effluves; Fragrance; Fumet; Parfum; Remugle; Fleurer; Respirer; Répandre.

Odeurs : Alliacée; Aromatique; Forte; Douce; Agréable; Fine; Exquise; Suave; Légère; Tenace; Pénétrante; Fade; Piquante; Amande; Ambre; Anis; Benjoin; Bergamote; Cachou; Camphre; Cardamone; Civette; Eau de Cologne; Frangipane; Héliotrope; Iris; Jasmin; Lavande; Marjolaine; Mélisse; Menthe; Musc; Myrrhe; Néroli; Œillet; Opoponax; Origan; Patchouli; Rose; Vanille; Vétiver; Violette; Ylang-ylang.

 

  D5 : GOUTER :

 

  Exquis; Succulent; Sucré; Doux; Epicé; Relevé; Salé; Amer; Raffiné; Délicat; Iodé; Acide.

 

       BOITE E : AMOUR

 

  E1 : SORTES D’AMOUR :

 

  Feux de l’amour; Passion; Flamme; Transports; Extase; Idolâtrie; Sentiments; Attachement; Penchant; Inclination; Béguin; Flirt; Amourette; Passionnette; Passade; Galanterie; Caprice; Cour; Conquête; Séduction; Amour platonique.

 

  E2 : AMANTS :

 

  Maîtresse; Amoureux; Amoureuse; Galant; Soupirant; Prétendant; Sigisbée; Céladon; Amoureux transi; Jeune premier; Adonis; Objet; Idole.

 

  E3 :ACTION D’AIMER :

 

  S’éprendre; S’amouracher; S’enticher; S’extasier; Adorer; Idolâtrer; S’embéguiner; S’attacher à; Brûler pour; Soupirer; Roucouler; Flirter; Conter fleurette; Offrir son cœur; Faire sa déclaration; Faire les yeux doux; Echanger des serments; Filer le parfait amour; Témoigner son ardeur; Donner des baisers; Faire des caresses; Accorder ses faveurs.

 

  E4 : POESIE :

      

     Vénus; Astarté; Aphrodite; Cupidon; Eros; L’Amour; Bandeau; Carquois; Flèches; Les Amours; Les Grâces; Cythère; Poésie érotique.

                   

       BOITE F : PLAISIR

 

  F1 AMUSEMENT :

 

  Amusette; S’égayer; Se réjouir; Se divertir; Se distraire; S’ébattre; S’ébaudir; Folâtrer; Batifoler; Badiner; Prendre du bon temps; Joie; Gaieté; Entrain; Agrément; Boute-en-train; Délasser; Divertir; Distraire; Détendre l’esprit; Désopiler; Réjoui; Délecter; Menus plaisirs; Récréation; Jeux.

 

  F2 : FETE :

 

  Faire la fête; Festoyer; Etre en liesse; Faire carousse; Vie facile; Bon vivant; Viveur; Faire la noce; Bombance; Frairie; Chère lie; S’en donner à cœur joie; S’en donner à gogo; Faire des folies; Faire ses farces; S’étourdir; Faire des excès; Se dissiper; Jouisseur; Festin; Régal; Se régaler; Se goberger; S’en fourrer; Partie fine; Partie carrée; Partie de plaisir.

 

      BOITE M : CHARCUTERIE

  Lard; Bande; Barde; Lardon; Jambon; Andouille; Boudin blanc; Boudin noir; Saucisse; Saucisson; Cervelas; Mortadelle; Chipolata; Crépinette; Hure; Langue fourrée; Attignoles.

 

      BOITE N : MOUVEMENTS DE LA MER 

       

  Marée; Flux; Reflux; Se retirer; Marner; Flots; Vagues; Lame

de fond; Paquet de mer; Houle; Raz-de-marée; Barre; Mascaret; Courant; Ressac; Tourbillon; Crête. Verbes : Monter; Se briser; Déferler; Clapoter; Ondoyer; Ecumer; Bouillonner.

 

      BOITE O : GEOLOGIE - ARCHITECTURE - FORMES (Creux et bosses)

 

  Gorge; Ravin; Grotte; Caverne; Cratère; Crevasse; Gouffre; Abîme; Précipice; Fosse; Ravine; Fissure; Pertuis; Meurtrière; Chatière; Musse; Couloir; Corridor; Gouttière; Rigole; Fente; Echancrure; Antre; Creux; Fossette; Raie; Sillon.

 

      BOITE P : VERBES ET ACTIONS

 

 Besogner; Coup de main; Energie; Ardeur; Remuer; Avoir le diable au corps; Monter; Soupeser; Ecarter; Entr’ouvrir; Gober; Sucer; Avaler; Mâchouiller; Ronronner; Susurrer; Aspirer; Gémir; Geindre; Relever; S’élancer; Darder; Soupeser; Enlever; Oter; Jeter; Se cambrer; Gonfler; Ondoyer; Osciller; Mouliner; Pédaler; Bourrer; Se déshabiller; Faire glisser; Se débarrasser; Jeter à terre; S’arc-bouter; Tendre; Se plier; Se courber; Monter; Descendre;Osciller; Se retenir; Enfoncer; Reculer; Avancer; Mordre;  Mordiller; Lécher; Léchouiller; Aspirer; Lisser; Torsader; Forer; Tournoyer; Touiller; Mouliner; Travailler; Butiner; Transpercer; S’ouvrir; Attirer.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         

       

     BOITE Q : ADJECTIFS

 

  Long; Large; Etroite; Court; Courte; Gros; Grosse; Epaisse; Immense; Raide; Molle; Erectile; Flasque; Vigoureux; Vigoureuse; Tendue; Gonflée; Humide; Chaud; Chaude; Mouillé; Mouillée; Elastique; Tendu; Tendue; Moite; Fringant; Goulu; Goulue; Béant; Béante; Lourds; Lourde; Pesants; Pesant.

 

     BOITE R : ADVERBES

 

  Voluptueusement; Langoureusement; Amoureusement; Abondamment; Indolemment; Vigoureusement.

 

     BOITE S : INTERJECTION

  La simple pudeur, dans la mise en musique de la gamme des émois nous invite à laisser votre imaginaire libre de ses choix.

Lecteurs, Lectrices, les listes ci-dessus ne sont nullement exhaustives et il vous appartient de reporter vous-même, tout lexique personnel pouvant enrichir de manière significative le contenu des boîtes de jeu. Munis de ce précieux viatique vous ne tarderez pas, à l’instar de Monsieur le Comte, à entreprendre un grand voyage érotico-onirique qui, personne n’en doutera, comportera plusieurs visions d’anthologie, que vous n’hésiterez pas à noter dans les pages de votre Journal Intime.

  Vous êtes donc fortement conviés à plonger dans vos propres  ressources afin d’y extraire le « nec plus ultra » des délices de l’amour.

 

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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 13:38

 

Honnies soient qui mâles y pensent (7)

 

  Le repas parut long et morne à Fénelon de Najac, court et joyeux à Yvette-Charline qui, ce soir-là, était d’humeur mutine, semblant avoir bu plus que de raison, ce qui, d’habitude, la disposait un peu plus aux choses de l’amour, assertion qui se confirma dans la soirée, après les ablutions rituelles, se glissant dans le grand lit à baldaquins à demi habillée d’une nuisette de percale qui laissait deviner les timides mamelons, une demi coudée environ à l’aplomb des bretelles, la toison relativement fournie, située, à peu près trois pieds et demi au-dessus de l’ourlet de dentelle brodée par sa grand tante, tous détails habituellement affriolants, que le Comte ne vit point ou plutôt affecta de ne pas voir, pas plus qu’il ne sentit le genre de pédalage discret que tentait, en vain, sa chaste épouse, escaladant les mollets conjugaux de la pointe de ses orteils, vernissés pour l’occasion; laissant errer ses pointes de doigts sur le jabot plissé en forte toile de lin qui terminait la chemise de nuit maritale; tentant même, en désespoir de cause, et au mépris de sa pudeur naturelle, de lancer avec prudence et retenue, un doigt, l’index de la main droite, le plus expert, en direction de la fente longitudinale qui, partant de la ceinture de l’époux, descendait en direction de ses parties les plus nobles, non dans le but de les exposer à la vue, mais de favoriser leur passage lors des mictions nocturnes, sur le vase de nuit en porcelaine de Sèvres, hérité de son père, Alphonse-Bernardet, l’index, donc, au moment de s’introduire ô, après bien des hésitations et de multiples reculades, dans la fente sans doute prometteuse, du moins l’avait-elle toujours été jusqu’à ce fameux soir où le Comte, émoustillé par les histoires lubriques de son Grand-oncle, décida de couper court à l’assaut du prédateur, amorçant sur lui-même une vrille vigoureuse qui surprit l’Aimée dont l’index, pris en tenaille par le resserrement soudain de la fente de lin, subit un fort pincement, comme celui résultant du serrement de la mâchoire d’un étau, se retenant pour ne pas crier de douleur, et surtout de dépit, en entendant les ronflements de l’amant qui l’avait éconduite, ronflements, vous l’aurez deviné, qui, pour sembler réels, n’étaient que simulacres cherchant à feindre le sommeil, lequel n’était pas près de l’assaillir, tout livré qu’il était à la tyrannie du journal intime d’Eustache-Grandin, dont les phrases résonnaient dans sa boîte crânienne, laquelle faisait une sorte de bruit sado-masochiste qui l’occuperait désormais le plus clair de son temps, y compris sous les poutres de sa vénérable Librairie. Il venait, sans le savoir, de découvrir un nouveau pan de la connaissance, mais ce dernier était plus organique qu’intellectuel, se nommait "FANTASMES ", mot qu’il écrivait plus volontiers " PHANTASMES ", le « PH » initial, issu de la racine grecque, donnant aux "basses œuvres " dont il se composait, de plus nobles assises. De ce jour datèrent les insomnies du brave Fénelon de Najac qui consulta la Faculté sous les traits avenants du Médecin de famille, le Docteur Charles d’Yvetot, lequel, fort expérimenté, convoqua la science médicale la plus récente, associée aux traditionnels remèdes de " bonne femme ".

  Ainsi se succédèrent, potions, bains de pieds et de siège, saignées, suppositoires au tilleul et au houblon, Crataegus Peyotl en dilution homéopathique, préparations magistrales à base de poudre de corne de cerf et de bile de sanglier, cataplasmes d’argile verte, alternés avec ceux à la feuille de saule, frictions au vinaigre de pommes rainettes; toute la pharmacopée y passa, la française, l’espagnole, l’italienne et même celle des Pays Baltes, mais force fut de reconnaître les limites des différentes thérapeutiques et la persistance des symptômes qui étaient alimentés, primo par les phantasmes personnels de Fénelon de Lamothe, secundo par feu les fantasmes d’Eustache-Grandin qui agissaient sur les phantasmes de son petit neveu, lesquels, dans une sorte de "cercle vicieux ", s’alimentaient derechef aux fantasmes de son grand-oncle, lesquels à nouveau … , tant et si bien que le Docteur d’Yvetot cherchait la façon de s’introduire dans cette sorte d’écheveau pour y créer une rupture, mais l’écheveau n’avait plus de début ni de fin et la pathologie récente de Fénelon de Najac menaçait bientôt de se transformer en un genre de mouvement perpétuel, qui amena le représentant d’Esculape, connaissant l’amour de son patient pour les adages, la poésie et les chansons populaires, à inventer la ritournelle suivante, que son patient devait répéter ou chanter, à l’heure du coucher, en lieu et place de l’habituel comptage des moutons et autres brebis :

 

  1)  Quand du phantasme

Je vois les yeux

Morbleu

Morbleu

Je prends panique

Je prends panique

 

 

      2)  Quand du phantasme

Je vois les cheveux

Parbleu

Parbleu

Je prends mes cliques

Je prends mes cliques

 

3)  Quand du phantasme

Je vois la queue

Sacrebleu

Sacrebleu

Je lui fais la nique

Je lui fais la nique

 

4)  Quand du phantasme

Je vois les yeux

Et les cheveux

Et la queue

 

5)  Morbleu

     Parbleu

     Sacrebleu

 

6)  Je prends panique

Panique

Je prends mes cliques

Mes cliques

 

7)   Je lui fais la nique

La nique

La nique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 12:47

 

Honnies soient qui mâles y pensent (6)

 

 

 Il fit donc le serment de ne jamais révéler à Yvette-Charline ses variations libidinales sur les sentences populaires, réservant à plus tard de telles confidences pour les belles locataires des meublés parisiens qui, pour l’instant, n’étaient que des signes noirs et blancs dans le Petit Livre au maroquin rouge.

  La forte embellie amoureuse de Monsieur le Comte de La Marline de Clairvaux eut pu en rester à ce niveau déjà fort honorable si, au cours d’une des déambulations dont il était familier, autour et à l’intérieur de la Scierie de son grand-oncle Eustache-Grandin, il n’était tombé, par le plus grand des hasards, sur un carnet recouvert d’une grossière toile noire, qui avait glissé derrière les tiroirs du secrétaire en bois de merisier, couverture portant une étiquette à demi effacée, qu’il ne put déchiffrer que grâce au renfort d’une loupe de philatélie, au travers de laquelle apparurent deux mots : " JOUR "et "TIME ". La première hypothèse de Fénelon de Najac, sous l’emprise de l’émotion, fut la suivante : le premier mot, en français, faisait penser à un éphéméride; le second mot, anglais, ne pouvait se traduire que par TEMPS. Il se crut d’abord l’inventeur de quelques vers apocryphes que son Grand-oncle, poète à ses heures, avait dû dédier au Temps, par l’intermédiaire des Nymphes et qu’il avait tenus secrets, sous l’épaisse couverture de toile, derrière les tiroirs de merisier aux boutons de nacre.

  Pensant découvrir quelques sonnets en alexandrins, qui rehausseraient le blason familial d’une inscription au fronton des Belles Lettres, le Comte s’empressa de feuilleter le petit ouvrage, avec la même ardeur, il dut bien se l’avouer, que celle consacrée, tout récemment, à la lecture du Petit Livre Rouge. Or le rapprochement des deux ouvrages n’était pas aussi fortuit qu’il y paraissait au premier abord et l’on pouvait même établir, entre les deux, de troublants rapprochements, le petit livre à la couverture noired’Eustache-Grandin, semblant, en quelque sorte, dialoguer avec le Petit Livre à la couverture rouge qui voyageait dans le cabriolet, aux abords de la Comédie Française.

  A sa grande stupéfaction, doublée, cependant, d’un contentement qu’il ne put feindre longtemps, le Comte découvrit, dans les feuillets jaunis de l’opuscule de feu son Grand-oncle, force dessins obscènes (étaient-ils de sa propre main ?); quelques vignettes à caractère pornographique; des extraits, soulignés, de textes de Donatien-Alphonse-François Marquis de Sade, dont "Justine " et " La philosophie dans le boudoir ", une liste d’adresses personnelles, où ne figuraient que des sobriquets féminins du genre : Lili, Sucette, Chatamoureuse, Rebelote, Toboggan; des pages, en assez  grand nombre, écrites à la plume, où s’étalaient, en toute impudeur, tout un inventaire de frasques et de fantaisies, visiblement sous l’influence du pervers Marquis, qu’il semblait même parfois dépasser, en imagination et en cruauté.

  Afin de ne pas outrager la mémoire du Cher Disparu, avec lequel il se comportait en voyeur sans scrupules et sans morale, le Comte referma soigneusement le livre, rabattit la couverture noire, non sans y jeter un dernier regard, loupe vissée à l’œil, comprenant dès lors sa méprise. " JOUR " n’était que le début de JOURNAL, dont la finale avait été partiellement effacée. " TIME " n’était que la fin d’INTIME, dont l’initiale n’apparaissait qu’à condition de chasser la poussière qui la recouvrait.  JOURNAL INTIME, telle était donc la mystérieuse inscription tracée à la plume, en pleins et en déliés, qu’Eustache-Grandin avait pris soin de noter, l’agrémentant sur les côtés de sortes de culs-de-lampe du plus bel effet, et Monsieur le Comte, tout à la contemplation de la sublime calligraphie, se demandait s’il y avait une loi, un texte, un règlement qui interdît qu’on pénétrât les secrets d’un journal intime que, visiblement on n’avait pas cherché à dissimuler à la postérité, car, si tel avait été le cas, il eût suffi de livrer ledit journal à un autodafé et l’existence de ces quelques pages, derrière un tiroir de secrétaire, eût été réduite à néant. Quant au fait de savoir si le glissement du petit ouvrage derrière le tiroir avait été fortuit ou volontaire, ne changeait en rien la nature du problème et Fénelon de Najac, rassuré par le cours de ses cogitations, libres de tout remords ou d’un quelconque sentiment de culpabilité, s’installa dans une bergère confortable, quoique usée, y feuilleta distraitement les premières pages, pour s’absorber dans une lecture attentive et passionnée du "vrai " journal intime de l’ancien Maître des lieux. Il ne referma la couverture de toile noire qu’à l’approche de la nuit, regagna le Manoir où l’attendait Yvette-Charline au bout de la longue table en chêne de Sologne, sur laquelle les mets étaient servis près de verres et de couverts étincelant sous les feux des bougeoirs de cristal. Tout cet apparat, pas plus que les inhabituelles prévenances de son épouse, ne lui rappelèrent que ce jour était une des dates anniversaire de leur mariage.

 

 

 

 

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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 12:43

 

Honnies soient qui mâles y pensent (5)

 

 

  Aussi, Monsieur le Comte traversa-t-il une période essentiellement consacrée à relire ses poutres armoriées en y trouvant des sens divers et, force nous est de reconnaître, prosaïques, pour ne pas dire lubriques.

  "Montrer son béjaume. ", qui, en fauconnerie désigne le fait d’exhiber un jeune oiseau, symbole de l’inexpérience, sonnait, pour Fénelon de Najac, comme le fait d’exposer, avec toute l’impudeur qui l’accompagne, une partie anatomique habituellement dissimulée par le port de la culotte.

 " S’agiter comme un diable au fond d’un bénitier. ", évoquait en lui la vigueur d’un amant auprès de son amante.

  " Dans les petites boîtes, les bons onguents. ", était l’évidence même du plaisir promis par les jeunes filles en fleur.

 " La bourse ouvre la bouche. ", lui faisait penser à des pratiques dont Yvette-Charline n’était pas coutumière, du moins ne le sût-il jamais, si telles furent certaines pratiques de son épouse qui, alors, ne purent être qu’extra conjugales.

 " Mettre la bride en main. "ressortait à l’onanisme, sans autre forme de procès.

 " Mettre la bride sur le cou. ", malgré l’attrait que cette formule représentait, lui paraissait une impossibilité anatomique pour l’amant, à moins qu’il ne s’agît du cou de l’amante.

  " Il n’est si petit buisson qui ne porte son ombre. ", décrivait avec bonheur et poésie l’intime Mont de Vénus.

 " Trouver buisson creux. ", était selon lui, la condition même du refuge amoureux, car, faute de creux, il ne voyait pas comment dénicher le paradis promis.

" La belle cage ne nourrit pas l’oiseau. ", adage qui devenait plus évocateur sous la forme : "C’est l’oiseau qui nourrit la belle cage ".

  " Avoir des chambres à louer dans la tête. ", habituellement interprété comme le fait de n’avoir pas sa raison entière, s’amendait sous la forme du Petit Guide avec son répertoire des chambres réservées à Cupidon.

 " Brûler la chandelle par les deux bouts. ", lui paraissait anatomiquement peu réalisable, sauf à trancher la chandelle avant de l’offrir aux activités orgiaques.

" Il n’est si petit saint qui veuille sa chandelle. "relevait, pour lui, d’une confusion homonymique, correction que Monsieur le Comte effectua à même la poutre, biffant"saint ", le remplaçant par " sein ".

  " Le mou est pour le chat. "ne s’expliquait que par un fautif manque d’érection, ou par les vertus insuffisantes du félin.

 " Chat échaudé craint l’eau froide. "voulait attirer l’attention sur la nécessité du bon degré des ablutions avant qu’Eros ne décoche sa flèche.

 " Avoir un pied dans deux chaussures. "posait, pour le Comte, le problème des curiosités anatomiques qu’on ne voyait guère que sur les foires et qu’il résolut, par l’existence inconnue à ses yeux, de sexes bifides.

 " Chose défendue, chose désirée. "ne méritait, par son évidence, aucun commentaire particulier.

 " Un clou chasse l’autre. ",  lui paraissait la condition sine qua non que les hommes devaient appliquer pour faire valoir leur droit d’entrée et éviter, ainsi, une inconfortable cohabitation.

 " Trop tirer rompt la corde. "revenait à reconnaître que les excès en amour comportaient toujours des risques.

  " Il y a loin de la coupe aux lèvres. "lui semblait surtout dépendre de la position qu’on adoptait sur la couche avant de se disposer aux jeux de l’amour.

" Tailler des croupières à quelqu’un "Monsieur le Comte, dont la culture était pourtant étendue, ne savait pas qu’une pipe s’appelait également une croupière.

  " Il vaut mieux être percée d’une épée luisante que d’une épée rouillée. "Mieux valait dégainer souvent que laisser son épée dans son fourreau.

 " En limant on fait d’une poutre une aiguille. "sonnait à son oreille comme un avertissement, jurant qu’il consommerait sans commettre d’excès, préservant ses vieux jours d’une aiguille à chercher dans une botte de foin.

  Monsieur le Comte, érotisant ses proverbes entre les incunables qui ornaient sa bibliothèque; sachant bien que ni Rousseau ni Voltaire ne vendraient la mèche, prit tout de même l’habitude de clore ses méditations par l’adage suivant :

 

"Jamais homme sage et discret

Ne révèle à femme son secret. "

 

 

 

 

 

                                                                                                                                                                                                

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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 12:41

 

Honnies soient qui mâles y pensent (4)

 

 

  Le Comte regagna donc Labastide avec, en poche, d’appréciables contrats - les coupes de bois, il les ferait exécuter sans tarder parmi les grands arbres de La Devinière, autre propriété héritée d’Hugues-Richard - , en poche, également, le "précieux " viatique à la couverture rouge, qu’il avait pris soin de dissimuler dans le double fond de sa malle de cuir de Russie, non que la Comtesse eût l’habitude de fouiller dans les affaires du Comte, mais ce dernier voulait éviter qu’une hypothétique recherche livrât aux mains de son épouse le Petit Guide dont il aurait eu tout le mal du monde à expliquer la présence, défaut d’explication qui eût mis en péril une confiance réciproque qu’il était hors de question de sacrifier.

  A la fois rassuré par la mise au secret du petit guide, par la justesse de ses sentiments vis-à-vis de son épouse, le Comte vaqua à ses occupations habituelles qui se déclinaient en chasse, pêche, billard français, promenades à cheval, lecture, méditation des proverbes et dictons qui égayaient les poutres de sa Librairie. Les jours passant, ces multiples occupations occultèrent le Petit Guide qui menait une vie anonyme et secrète au fond du bagage du Comte dont le maroquin de cuir rouge " béguinait "avec le cuir de Russie. Cette promiscuité entraîna, chez Monsieur le Comte, une association d’idées qui, le plus naturellement du monde, le fit penser au proverbe " Il ne faut pas mêler les torchons et les serviettes ". Cet adage, fort répandu au XIX° Siècle, utilisait une habile mais désobligeante métaphore, qualifiait les domestiques de " torchons " et les bourgeois de " serviettes ".

  L’hôte de La Marline, de tradition humaniste, ouvert à la mixité des classes sociales, pensa, avec un plaisir non dissimulé, qu’il avait enfreint le code moral du siècle précédent par le simple fait de mettre en relation le "prolétaire" Petit Livre Rouge et " l’aristocratique" cuir de Russie.

  Le Lecteur averti aura bien sûr compris que la psychologie du Comte, du plus profond de son abîme, envoyait vers le conscient, quelques habiles sémaphores, mélangeant en toute impudeur, les Modestes et les Nobles.

  Cependant, si la conscience du Comte plongeait ses racines dans des motivations difficilement avouables, tout du moins auprès des éminentes familles solognotes qui étaient les hôtes habituels de La Marline de Clairvaux, pour autant son attitude n’avait nullement changé, pas plus auprès de ses fréquentations habituelles, que de ses domestiques ou de son épouse Yvette-Charline.

  Plusieurs semaines s’étaient écoulées depuis le retour de la Capitale, lorsque Monsieur le Comte s’aperçut qu’il manifestait plus d’empressement vis-à-vis de son épouse qui en avait ressenti, avant lui, les prémisses, du tréfonds de son intuition féminine. Les entreprises de Fénelon de Lamothe ne se heurtaient jamais à des fins de non-recevoir, Yvette-Charline ayant trop le sens du devoir, mais réservait à son époux un accueil dont la tiédeur s’expliquait par une éducation religieuse stricte lors de l’enfance, et qui l’avait peu disposée aux choses de l’amour.

  Le Comte, ayant pour sa femme, la plus grande estime, n’en tira aucune acrimonie et tout se passa alors, comme si son conscient, troublé par cette évidente retenue amoureuse, se fût réfugié dans les plis du subconscient où l’avait entraîné, à son insu, " La Vie Parisienne ", qu’il se mit alors à feuilleter assidûment, au milieu des livres de Voltaire et de Rousseau, accompagnant ce dernier, dans ses déambulations de " Promeneur solitaire "dont, toutefois, il ne partageait l’enthousiasme pour la botanique qu’à condition qu’elle accordât une attention suffisante aux simples en général, aux aphrodisiaques en particulier. Car, il faut bien l’avouer, et Rousseau nous pardonnerade ne pas suivre à la lettre les préceptes de son ouvrage "Emile ou de l’Education ", Monsieur le Comte, tout entouré de ses sentences et autres aphorismes, Monsieur le Comte bandait à leur seule évocation, ce qui l’étonna, faute de le troubler. Ce qui, surtout, le questionna, c’est que ces manifestations bien naturelles n’étaient aucunement comparables aux réflexes matutinaux qui visitaient tout homme normalement constitué, dès le lever du jour, le transformant en aimable angelot, papillonnant de ses ailes éphémères et diaphanes autour des fleurs féminines en vue de les butiner gentiment. Non, chez Monsieur le Comte, la bandaison était totale, sans compromission avec quelque autre forme que ce fût. Monsieur le Comte érectait dans la démesure, à tel point que le périscope de notre bon Jules Vernes dans "Vingt mille lieues sous les mers ", n’eût constitué qu’une aimable palinodie du phénomène qui habitait, tout le jour durant, son haut-de-chausse.

 

 

 

 

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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 07:46

 

Pour servir d'introduction à

 

"Honnies soient qui mâles y pensent".

 

 

   Ici vous est proposé un long texte à finalité essentiellement ludique. Au fil des jours, parmi la "mornitude" ambiante, les inconséquences de tous ordres, les essais de révolution, les progrès avortés, souvent le besoin se fait sentir de la nécessité d'une vigoureuse oxygénation des neurones, en même temps que d'une ouverture du corps à quelque chatoiement intérieur. Or ces mouvements intimes, ces menues trémulations épidermiques, ces intransigeances corporelles, nous n'oserions en faire l'aveu à quiconque, simplement en raison de leur tyrannie qui, souvent,  nous assigne à résidence. Nous sommes alors comme des gisants de pierre au creux de sombres cryptes ou bien enfermés dans une geôle identique à celle que Tommaso Campanella prit pour assise afin d'écrire sa merveilleuse utopie "La Cité du Soleil".

  Ce Soleil, celui de la connaissance platonicienne, pour prendre une autre métaphore pratique, nous le désirons, nous le souhaitons ardemment alors que, plongés dans l'obscurité de notre allégorique caverne, nous nous débattons continuellement avec les ombres, les illusions de toutes sortes dont notre vue est saturée. Mais ce que, de toute éternité,  nous voulons saisir  à la force de nos ténébreuses gesticulations, de nos somatiques syncopes, de notre architecture de chair, ce sont ces merveilleux fragments de lumière, ces minces irisations, ces rythmes de phosphènes qui sèment sur la toile désirante de notre peau les mille feux de la séduction. Car nous ne souhaitons que cela,  être séduits, séduites, - en ceci il n' existe aucune ligne de partage entre les sexes - afin qu'éclairés de l'intérieur nous puissions nous féconder selon une manière de parthénogénèse, comme si nous étions en mesure, par une sorte de grâce, de nous reproduire à l'infini sans que le principe de complémentarité nous soit nécessaire.

 Le récit érotique  n'agit guère autrement qui, touchant le Lecteur, la Lectrice, ne suppose aucune mixité pour parvenir à ses fins, à savoir créer de l'être. Merveilleux hermaphrodisme de gastéropode assurant lui-même sa propre descendance sans qu'il soit aliéné, pour ce faire, à  quelque altérité que ce soit. Car le Lecteur, la Lectrice, bien à l'abri dans leur cabinet de lecture ne désirent rien d'autre que la présence de leur précieux viatique imprimé afin de connaître une mince joie, laquelle, parfois, peut imiter l'assomption rendue possible par l'orgasme lui-même.

  On conviendra cependant que la poésie, la littérature peuvent se révéler capables de tels prodiges alors même que le corps, la jouissance ne sont nullement en cause. Certes. Mais qui donc, au fin fond de son ombilic, n'a jamais tricoté quelque fantasme capable de soulever les tables ? Et ceci sans qu'il soit besoin de convoquer un médium. L'énergie orgastique est de telle nature que, bien souvent, elle prend des allures de tornade ou bien de cyclone et il y faut tout le poids de la censure morale et des interdits bourgeois afin d'en neutraliser les effets. Alors nous nous plions aux fourches caudines du dictat social, alors nous rétrocédons vers une vie végétative où, sous les cendres, couve la braise.

  Le texte qui vous sera livré bientôt s'essaie à souffler sur les braises, à raviver cela qui s'était invaginé dans quelque repli épidermique mais n'attendait que l'occasion d'un tremplin pour, à nouveau, coloniser l'air, tout comme le fait, dans une magnifique turgescence métaphoriquement existentielle, la si belle crosse de fougère.

  Donc, cette fiction, entièrement  livrée à l'imaginaire, mettra en scène toute une aristocratie bien pensante dans le cadre d'une magnifique demeure solognote aux environ des années 1750. Jouera en contrepoint la faune rustique des Halles avec son inévitable bistrot auverpin. Et, pareillement au vaudeville ou au théâtre de boulevard, les amours seront pimentées  grâce à la rencontre de la roture et de la haute bourgeoisie. En quelque sorte le percheron tutoyant le yearling. Mais ceci dans le cadre de sentiments vrais, l'amour transcendant toujours tout ce qu'il touche. Le dialogue sera donc constant entre le milieu de la prostitution, les interventions des mères maquerelles, le monde feutré des affaires. Et Madame la Comtesse, sans même se douter un seul instant des frasques de son mari avec une Fille de joie, se livrera à d'étranges sabbats, en présence du gratin féminin provincial, dans des postures qui feraient pâlir d'envie ce bon John Cleland en personne. Le tout se déroulant dans la bonne humeur, la facétie, le saugrenu, manière d'attitudes non seulement libertines mais aussi libertaires, donc empreintes de l'esprit subversif de toute révolution, fût-elle sociale ou bien visant les mœurs. Un indispensable fil rouge permet à l'ensemble de tenir : sentences, soties, citations, proverbes, dictons émaillent le récit en maints endroits.

  Il s'agit donc d'une fable érotico-littéraire, genre de pastiche des romans érotiques du XVIII° siècle.

  Que votre lecture soit parsemée de bonne humeur, inventive, libre surtout des conventions de tous ordres. Condition sine qua non pour en déguster l'épineuse et "fornicatoire moelle".

  

PS : Puritains : s'abstenir - Libres Penseurs & assimilés : Entrer.

NB : Certains passages sont chauds, très chauds, dits certes dans une langue des plus  

         classiques, laquelle, cependant, n'atténue pas forcément la force naturellement  

         "éjaculatoire" de la petite sotie. Vous serez prévenu(e)s !

                                                                                                                                                                                          

 

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4 mai 2013 6 04 /05 /mai /2013 07:45

Il a plu cette nuit

mercredi 11 janvier 2012, par Jean-Paul Vialard 
©e-litterature.net

 ***
Le thème de l'eau, s'il est largement évoqué au cours de l'histoire, dans la peinture, au travers des toiles de Constable (L'écluse et le moulin de Dedham -1820); des Marines de Claude Lorrain (1645-1649); des célèbres estampes japonaises de Hiroshige (Le Fuji vu de la mer); des paysages de  Paul Cézanne (Le Golfe de Marseille vu de l'Estaque - 1886) ; s'il est un domaine d'étude de la philosophie, notamment chez Bachelard (L'eau et les rêves), une de ses terres d'élection semble bien être celle de la Littérature, mais aussi de la Poésie, du Théâtre.

Ce thème est largement évoqué dans un article publié sur ACTA FABULA par Catherine d'Humières le 10 Juin 2007, dont on voudra bien trouver la référence ci-dessous :

"Écrire sur l’eau", Acta Fabula, Mai-Juin 2007 (Volume 8, numéro 3), URL : http://www.fabula.org/revue/document3370.php

Nous en reproduisons quelques extraits afin de situer ce thème de l'eau dans le cadre du colloque qui lui avait été consacré en 2005 :

In aqua scribis. Le thème de l’eau dans la littérature.

   L’expression latine In aqua scribis se réfère à l’inanité de l’action, écriture ou autre, de l’interlocuteur auquel on s’adresse. Mais ce n’est pas dans cette acception qu’il faut comprendre le titre de cet ouvrage: il ne s’agit pas de l’eau comme support, mais de l’eau comme sujet de travail ou de création, et plus particulièrement de l’eau lorsqu’elle est mise en scène par l’écriture. En effet, de nombreux écrivains ont choisi d’utiliser dans leur œuvre, de façon plus ou moins manifeste, des références aquatiques positives ou négatives selon la fonction qu’ils voulaient leur donner. Le livre présenté ici réunit cinquante-trois articles qui étudient les relations entre l’eau et la littérature de langue française, fruit d’un colloque international qui s’est tenu à Gdansk.

Le titre "In aqua scribis" invite aussi à la réflexion sur les rapports de l’eau, élément liquide, et de l’écriture elle-même. Il invite à « mêler l’encre à l’eau », pour reprendre la belle expression de Danièle Chauvin. En effet, il semble bien qu’il existe ou que l’on puisse établir un lien étroit entre ces deux liquides « nourriciers ». C’est pourquoi l’ensemble des articles se penche sur la symbolique de l’eau telle qu’elle apparaît dans de nombreuses œuvres littéraires, quelle que soit la forme sous laquelle elle se présente : source, puits ou fontaine, ruisseau, rivière ou fleuve, lac, étang ou marécage, mer ou océan, glace, pluie ou brouillard, et même larmes ! Car depuis l’Antiquité, l’élément liquide a toujours fasciné les écrivains, et c’est l’écho de cette fascination que l’on retrouve dans les textes littéraires étudiés ici.

Cet ouvrage au fil de l’eau suit le fil du temps car il est organisé selon un parcours chronologique qui commence à la création du monde (...),propose une approche des eaux dans la Bible, mais qui s’accélère ensuite singulièrement puisqu’il s’agit essentiellement d’explorer la littérature française : (...) symbolique de l’eau chez Chrétien de Troyes, (...) fonction de l’eau dans le roman à la Renaissance à travers la traduction d’Amadis de Gaule, et on arrive ensuite rapidement au xviiie siècle avec un article (...) sur Bernardin de Saint-Pierre. Une dizaine d’articles porte ensuite sur le xixe siècle et mettent en valeur les images aquatiques, empreintes d’une bivalence de vie et de mort selon qu’elles sont vives et limpides, ou lentes, noires et troubles, dans les romans de Nerval, Michelet, Zola, Mirbeau et Rachilde, ainsi que dans la poésie de Rimbaud et Rodenbach.

Mais ce sont les œuvres contemporaines sous toutes leurs formes qui se taillent la part du lion puisque une bonne trentaine d’articles leur sont consacrés. En ce qui concerne la poésie, la mer tient une place importante dans l’œuvre de Cendrars, de Saint-John Perse et de Supervielle, et elle s’allie à la rivière ou au fleuve chez Reverdy, Eluard et Ponge. Signalons l’originalité de l’article deDanièle Chauvin qui propose un parcours poétique sur la pluie et de celui (...) qui étudie le thème de l’eaudans le très récent haïku français.

La symbolique de l’eau et sa fonction onirique sont également bien présentes dans le roman, depuis Pierre Loti jusqu’aux auteurs qui font le lien avec le xxie siècle : Ben Jelloun, Darrieussecq, Le Clézio, Makine, Poulin et Tournier, en passant, bien entendu, par Alain-Fournier, Rolland, Giono, Camus, Butor, Duras et Robbe-Grillet. L’ensemble des articles offre d’ailleurs un hommage appuyé à L’eau et les rêves de G. Bachelard et aux Structures anthropologiques de l’imaginaire de G. Durand.

***

  L'article qui vous est proposé aujourd'hui sous le titre "Il a plu cette nuit", voudrait à sa manière, dans une certaine modestie de l'écriture, apporter sa contribution à un vécu de l'eau tel qu'il peut être ressenti par chacun de nous dans les minces aventures quotidiennes qui nous font partager la générosité de cet élément fondamentalement "humain" . Une mince phénoménologie de l'élément liquide dont nous provenons tous, que nous célébrons chaque jour sans même y prêter attention.

****

 Il a plu cette nuit. D'abord ça n'a été qu'une douce insistance, une manière de caresse venue du ciel, couchant les herbes, polissant la terre. Etendus dans leurs cubes de ciment, les hommes devinaient la pluie plus qu'ils ne l'entendaient. La pluie comme une discrète effraction, une trace à peine lisible, un signe du ciel pareil au clignotement de l'étoile. Sur les nattes encore prises de sommeil cela faisait de lentes ondulations, de sombres replis et l'on aurait pu songer aux convulsions de la lave avant qu'elle ne s'écoule sur la pente du jour. Tout dans l'indéterminé, tout dans la confusion. On tendait l'oreille, on cambrait les reins, on étalait sa peau afin de la mettre à disposition de ce qui allait advenir. Mais les gouttes mettaient longtemps à se rassembler, à faire leurs tresses, à glisser selon les nervures du ciel.

  On imaginait un ciel gris, lourd, couleur de graphite ou d'ardoise avec les griffures obliques et blanches de l'eau, sa chute vers la terre qui l'appelait, la désirait, comme les hommes désirent l'outre gonflée de liquide sur les dunes clouées de soleil. La pluiela pluie et la répétition de ces mots magiques pour inverser le cours des choses, pour dire aux sources souterraines la venue proche de la nappe miroitante au travers des concrétions du calcite; pour dire aussi aux arbres le crépitement sur les lames polies des feuilles ; pour dire aux herbes aiguës l'avancée des gouttes de rosée. 

   Il a plu cette nuit Cela faisait si longtemps que l'eau habitait le grand dôme de lumière et l'on pensait qu'elle avait déserté les hommes. Peut-être un châtiment ! Les hommes sont tellement insouciants, affairés au quotidien, aux déplacements rapides, aux repas derrière les serres chaudes des restaurants, calfeutrés dans les salles obscures où l'on refait le monde avec son vent, sa pluie, ses orages, ses scènes d'amour et, alors, on oublie tout ce qu'il y a autour, et alors on oublie les nuages qui font leurs boules d'écume bien au-delà du regard et, parfois, quand la terre fait ses fissures étoilées qui lézardent le monde, on repense à l'eau , l'instant d'un éclair, et l'on se hâte de remettre ses mains au profond des poches et l'on continue d'errer sur des chemins de hasard.

  Il a plu cette nuit . Cela faisait si longtemps, on avait oublié son bruit, ses reptations, ses cascades. On avait oublié ses grains fins comme le brouillard, ses colonnes mobiles le long des troncs d'arbres, ses étalements lacustres dans les plaines, ses cataractes au fond des ravines étroites. On devait à nouveau prêter l'oreille à cette subtile harmonie, repérer sa course parmi les feuilles des gouttières, sa chute du toit, son rebondissement sur le sol en une multitude de gouttes étoilées pareilles à une couronne. Du fond des abris où on attendait les premières lueurs de l'aube on percevait comme un chant de la terre. C'était à la terre qu'on pensait d'abord. A la terre comme recueil de cette eau si pure, si claire, tellement semblable à l'idée du rien, de l'infinitésimal, du souffle inaperçu.

  Il y avait tellement de temps que ce don du ciel s'était dissimulé et les lèvres des hommes étaient parcourues de crevasses, de gerçures, de sillons profonds comme le doute. C'est cela, la privation d'eau, c'est l'ouverture de l'abîme en forme de piège, c'est la peau qui se racornit comme un vieux cuir, comme un carton et les cellules ne tiennent plus et le vivant est privé d'enveloppe pour contenir ses germinations, ses efflorescences. C'est un retour sur soi des choses en leur dénuement, c'est le fruit dépouillé de sa peau, abstrait de sa chair, réduit à son noyau, écorce ridée n'ayant même plus conscience qu'elle existe. Oui, la terre depuis des mois de pénurie, était devenue ce fruit sec dont on pensait qu'il se dissoudrait bientôt dans les volutes d'air, cet oiseau blanc qui plonge dans la brume de mer et que jamais on ne revoit. Il faut, à l'homme, la menace d'un gouffre, le profil de l'inconcevable néant pour que, parfois, il prenne l'essentielle mesure des choses.

  Bien sûr, se promenant sur les sentiers de poussière, tout au bord des champs où béaient les crevasses, où la terre semblait rassemblée sur elle-même en quête d'une improbable goutte d'eau, les hommes pensaient à ce qu'avait de terrible cette raréfaction du liquide destiné à la fertilité, à l'ensemencement, à la croissance, à la profusion. On s'en remettait alors à la providence divine ou à la puissance de quelque dieu païen qui suppléerait aux manquements de la Nature. Tout disait cette perte de l'eau : les arbres aux feuilles éteintes; l'herbe semblable à la savane; l'étiage des rivières; les ruisseaux aux lits livrés aux cailloux et aux plantes sauvages. C'étaient ces ruisseaux qui inspiraient le plus d'inquiétude, sinon de l'angoisse, comme la perte d'une personne amie dont nous ne verrions plus la trace.

  Sur les fleuves, on naviguait encore; les écluses s'ouvraient et se refermaient; dans les rivières on pêchait patiemment dans des trous d'eau et les moulins tournaient leurs roues; les canaux aux rives boueuses faisaient miroiter leurs flaques éteintes au fond de leur chenal. Mais les ruisseaux !  On n'en avait plus trace. Ces si beaux ruisseaux faisant leur chant limpide sur de modestes cailloux, laissant couler leurs filets brillants au milieu des bouquets d'aulnes, serpentant selon des courbes au tracé si parfaitement bucolique. Privés de ces minuscules repères qui donnent au paysage son âme et déterminent son essence, les hommes étaient comme de jeunes chiots aveugles à la recherche de mères bien abstraites. Une manière de perdition et plus jamais l'on ne retrouverait le chemin conduisant à une terre apaisée s'abreuvant à de multiples sources.

  A observer cette désolation on se rabougrissait soi-même, on se perdait dans de sinueuses failles dont le sens se retirait à mesure qu'on en découvrait les perspectives sans issue. C'était cela que disait l'absence de l'eau : la fin d'un langage, la perte des mots, la confrontation à la mutité, la chute irrémédiable dans un genre d'aphasie. Un non-sens. Car la terre ne peut jouer seule le jeu de la vie. Il lui faut son réseau de ruisseaux secrets, mais qui sont ses capillaires, sa respiration, le souffle grâce auquel elle s'invente en milliers de facettes, en milliers de générosités.  Il a plu cette nuit . C'était tellement inattendu et pourtant il n'y avait pas de doute, cette petite musique ne pouvait provenir que des nuages, de leur dissémination en une multitude de gouttes. Au début, tout à fait au début, on n'y croyait pas. Cette légère percussion sur le sol durci, tendu comme la membrane du tama, le "tambour-parlant", on n'y prêtait guère attention. Puis le bruit avait cru, gonflé et l'on entendait sa dilatation depuis les antres où la respiration se faisait plus rare, plus éphémère afin de laisser à la révélation qui viendrait l'espace suffisant à sa croissance. Dans leurs casemates étroites, les mains des hommes étaient moites et leurs fronts ruisselaient de milliers de perles. Une sorte de mimétisme, de demande silencieuse.

  L'air se tissait de liens ténus, et ses nappes s'empilaient, strates étroites, laborieuses. C'est comme si la mousson allait venir qui, bientôt, s'abattrait en trombes, transformerait les rues en flots impétueux. Puis le vent avait forci, sorte de présage s'imprimant à même la conscience des hommes. On avait poussé, sur la fin de la nuit, de minces croisées. A peine une fente, juste une discrète paupière aux aguets. Il lui fallait archiver ce qui allait se produire et s'imprimerait à jamais dans les mémoires. C'était là, tout près de survenir, on l'avait tant souhaité cet instant de la venue de la pluie. On était dans une grande crainte. Un espoir aussi. Un peu à la façon des millénaristes qui attendent l'heure fatidique dans une tension ambiguë, peu dicible, manière de primitivisme  ne parvenant nullement à sortir de sa gangue. Un savoir qui voudrait se construire mais dont les fondements sont sapés par une ignorance, une pensée dans les limbes.

  C'est ainsi, l'homme confronté à la Nature pêche toujours par excès ou bien se réfugie dans la cécité. Et c'était bien de refuge dont il s'agissait. Les hommes régressaient dans une angoisse native et leurs corps s'étaient alourdis, étaient devenus massifs, semblables à la pierre, pareils aux formes à peine ébauchées de l'homo erectus. Ils étaient ramassés en une forme ovoïde, repliés autour de leur ombilic où la vie battait faiblement, simple luciole en voie d'extinction. Seul le râle de la respiration faisait son raclement de forge et la Terre était  le réceptacle de cette incurie. Qu'avaient donc fait le peuple des bipèdes pour empêcher que cette issue n'advienne ? S'étaient-ils au moins préoccupés de l'eau des fontaines, de celle des fleuves étincelants; de celle dormante et maternelle des lacs souterrains ? Avaient-ils réservé à leurs ablutions le strict nécessaire à la façon des nomades du désert ? N'avaient-ils pas, plus que de raison, commis le précieux liquide à d'autres usages que celui de la vie domestique, de l'hygiène ? N'avaient-ils pas confondu le superflu et l'essentiel ? N'avaient-ils pas été dans l'insouciance, pareils à des enfants mangeant le jour même les friandises de demain ?

  Toutes ces questions assaillaient leurs têtes dans une manière de confusion dont ils n'arrivaient pas à élaborer une vision claire. C'était une sorte de maelstrom, de giration sans fin d'où rien de précis ne sortait. Des remous, des bouillonnements, des cataractes se dissolvant dans l'air saturé d'humidité.  Il a plu cette nuit. Ces paroles comme une antienne; ces paroles comme seule survivance d'un langage dont ils auraient perdu la syntaxe, oublié l'alphabet. Une suite de sons "in-signifiants", résonnant dans le vide, comme la peur ricochant sur les parois des grottes anciennes. Pourtant, leurs abris, les hommes les avaient toujours choisis près des sources, des rivières, des étendues lacustres. Fallait-il que la mémoire soit courte, que l'idée de la dette soit perdue au fond de quelques puits asséché ! 

   Il a plu cette nuit.  Ça a commencé au basculement de la nuit, sur le premier versant du jour. Comme si la faille entre l'ombre et la lumière se voulait l'illustration d'une vérité : coup de scalpel sur la sclérotique durcie des hommes. D'abord ce n'étaient que des gouttes qui rebondissaient sur le ciment des trottoirs, sur le bitume des rues avec des éclatements semblables à de minuscules baudruches. Puis les gouttes s'étaient élargies, sortes de vastes feuilles couvrant le sol de leurs mains invasives. Puis l'eau n'avait été qu'une sorte de violente dramaturgie tombant des nuages, dissolvant les premières brumes de clarté. Dans les grottes primitives, les hommes tremblaient, les hommes pleuraient, les hommes imploraient. On refermait les croisées, on calfeutrait les vitres, on obturait les portes : on voulait oublier.   

  Mais la pluie, elle, n'oubliait pas. Du fond de sa longue mémoire, elle savait qu'elle était là pour éteindre le feu, faire plier le vent, gorger la terre de son suc nourricier. Elle en avait abstrait les hommes, leurs soucis, leurs tâches laborieuses et jusqu'à leurs destins en forme d'argile, de limon. La boue courait partout, faisait ses lacs, ses ramures, ses filets aux doigts multiples. Les maisons n'étaient plus que des sortes de fétu de paille environnés de tourbillons, de démesure. Dans les pièces étroites à l'atmosphère lourde, moite, on rétrécissait son espace vital, on se rassemblait en grappes et il n'y avait plus que des emmêlements de troncs, de membres, de têtes hirsutes.

  C'était le Radeau de la Méduse perdu sur les flots, avec le ciel ourlé de vert sombre, avec la mer couleur d'encre et de suie, avec l'horizon animé de lueurs assassines. On gisait parmi les vies éparpillées, on râlait, on attendait le secours de quelque Mont Ararat dont aurait pu espérer l'élévation salvatrice. Partout, sur la surface de la Terre, dans les rues, au bas des maisons ce n'étaient que confluences de choses diverses dont on ne reconnaissait même pas les formes; ce n'étaient que cris indistincts ; hululements sinistres. Vraiment il n'y avait plus d'espoir, plus d'horizon, plus de projet. La Grande Bonde du Néant s'était ouverte par laquelle surgissait le Rien, vers laquelle se précipitait le Déluge.

  Il n'y avait plus d'anatomies visibles; plus de pensées; plus de souffle, plus de vie. Le grand magma originel avait tout repris en son sein pour dire aux hommes la vanité de leur existence, la vacuité de leurs buts, la légèreté de leur inconscience. Bien au-dessus des flots où ne palpitaient plus que des pelures existentielles, le Démiurge jouait aux dés avec insouciance. Il ne savait pas vraiment s'il avait le désir de créer la Grande Roue de la Vie. Il s'y était déjà essayé à maintes reprises et, à chaque fois, ç'avait été de Charybde en Scylla, les hommes avaient fomenté les conditions de leur disparition, avaient provoqué le Déluge, par négligence ou simplement par jeu. Le Démiurge s'assit confortablement, le dos appuyé à des nuages ronds comme des certitudes. Il alluma un Havane en hommage au Grand Serge. Il prit son calame et écrivit dans le ciel, en guise d'épitaphe en direction des hommes qui dormaient pour l'éternité : "Le monde est un enfant qui joue". Ce fragment d'Héraclite lui semblait convenir au si beau et si désolant spectacle qu'il lui avait été donné de voir. Il rangea son calame sur un cirrus, éteignit son cigare sur un autre, s'allongea sur un troisième et s'endormit du sommeil des bienheureux. Tout en bas, il n'y avait plus que du Rien partout. Ni vent, ni eau, ni terre, ni hommes et l'on se demandait même si tout cela avait pu exister. 

  Il a plu cette nuit.  C'est ce que je me disais ce matin en ouvrant mes volets. Je me suis placé derrière le carreau pour voir tomber la pluie. Ça faisait une éternité que ça n'était pas arrivé. Depuis le Déluge peut-être. Les gouttes glissaient sur les vitres en dessinant des cheveux, des fils, des étoiles. C'était si beau, je serais resté toute ma vie à simplement écouter les gouttes faire leur bruit de grelots sur les feuilles mortes, à les regarder glisser sur le toboggan des herbes, à les observer se mélanger à la poussière, à couler en minces ruisselets couleur de brique. Je serais resté mais il me fallait prendre la mesure de l'eau, suivre son cheminement et surtout voir ses points d'ancrage, ses trajets, ses résurgences. 

   Je suis allé au Lac,  vous savez celui qui s'étale sous le ciel immense, tout près d'une forêt de pins, avec, tout autour, d'anciennes carrières d'argile, un peu comme à Roussillon en Provence. Les chevreuils viennent y boire à la tombée du jour et, à la période du rut, on peut entendre le brame du cerf à des lieues et c'est comme si la Nature disait sa puissance par la voix des animaux. La surface était claire, pareille à une grande voile blanche et les rives s'abreuvaient à une eau neuve, généreuse. Dans l'anse, tout au fond, là où se jette le ruisseau qui l'alimente, le héron gris avait repris sa pêche; les martins habillés de corail et turquoise sillonnaient l'air de leur vol effronté; les cormorans, étendus dans leurs vêtures noires, faisaient des allées et venues incessantes.

  Et les traces, les si belles traces du passage de la vie, pattes d'oiseaux, sabots, empreintes diverses étaient encore présentes, luisantes, gorgées d'eau, à la manière d'une sève qui aurait jailli du sol pour témoigner, pour venir en aide à l'humus, à la terre, à tout ce qui faisait son menu tumulte à l'abri du regard des hommes et, pourtant, était si important. Veines d'argile brunes; rouges pastel; sanguines; vert-de-gris; parmes; jaunes; blanches, ravivées, magnifiées par le long travail du ruissellement. Illustrations de la beauté multiple, de son foisonnement, de son expansion pareille à l'éclatement des bourgeons.

  Et la boue craquelée, encore visible sous la pellicule claire, vivante métaphore de la douleur que serait venu apaiser un subtil onguent. Et les longues racines des aulnes, encombrées de radicelles, de brindilles, semblables à de modestes palétuviers cherchant, par leur élévation, à savoir quelle sorte de vérité pouvait bien leur adresser, le chant de la terre, le glissement de l'eau, la fuite du vent. Et cette empreinte de pied dans la boue, sorte d'écho à la trace primitive des premières errances de l'homme à Pech-Merle; à Niaux, comme un dessin ouvert à la grande aventure anthropologique.  

 Je suis allé à la Rivière,  vous savez celle qui fait son chemin de flaques et de bulles; de stagnations verdâtres et de chutes soudaines en un si humble parcours qu'on l'oublierait, qu'on la longerait sans même s'en apercevoir. Les herbes envahissent ses berges; les noisetiers font, au-dessus d'elle, leurs voûtes à claire-voie; les carpes dorment au creux de ses vasières; les ragondins fendent sa surface de leurs pattes palmées; les poules d'eau s'y dissimulent dans leurs robes noires. Toute une symphonie qui ne dit pas son nom. Toute une palette qui ne révèle sa gamme qu'aux curieux et aux poètes. Son cours est capricieux, tantôt réduit à quelques rares filets éparpillés parmi les lentilles et les plantes aquatiques; tantôt sorte de torrent impétueux alimenté par nombre de petits affluents qui descendent des collines abruptes.

  Aujourd'hui, elle a repris son cours, ses flots ont gonflé mais avec la réserve qui sied à un écoulement  bien discipliné; elle progresse lentement vers l'aval, pareille à une rêverie, à une méditation. Au passage de l'écluse elle bondit avec vivacité dans une gerbe d'écume qui s'auréole de vert sous le couvert des arbres. Elle contourne l'île de ses deux bras remplis à ras bord, dans un ondoiement incitant au repos, au calme. "Elle a retrouvé son lit" comme on le dit communément et, d'ailleurs semble s'y complaire. Elle s'étale en de lents tourbillons tout le long du chenal qui conduit au Moulin. Puis elle ressort sous des bouquets de saules et de mûriers-platanes avant de se jeter dans le Fleuve qui l'attend depuis des temps immémoriaux parmi ses eaux boueuses teintées d'argile et de fer.

  C'est de sérénité dont il s'est agi le long de cette promenade. Sans doute faudrait-il évoquer ce bon Jean-Jacques, herborisant, se reposant au frais des ombrages, y méditant quelque sentence savante sur l'éducation; la vie en société; le devenir des peuples. Car, si cette Rivière ne pousse ses ondes qu'avec la discrétion qui convient aux humbles, elle ne saurait mieux nous servir qu'à nous disposer à la philosophie. Avec parcimonie, sans doute, mais avec la nécessaire lucidité que ne manquent jamais d'imprimer en nous les manifestations de la Nature.

  Et plus elles sont inapparentes, plus elles nous poussent à nous questionner. Qu'en serait-il de "l'étonnement", dont on sait qu'il fonde la philosophie, s'il ne se manifestait à nous que sous la figure de la démesure ? A côtoyer quotidiennement les Montagnes nous finissons par ne plus les apercevoir. C'est bien dans le menu,  l'indicible, l'invisible que les choses nous apparaissent avec le plus d'acuité. Le moucheron signifie tout autant que l'éléphant. Peut-être même nous interroge-t-il plus ? Le menu langage de la Rivière nous parle avec la même amplitude que les majestueux discours du Rhône. Le langage demeure langage quel que soit son degré de manifestation. Mais il est temps de revenir à plus d'existence réelle; il est temps de s'immerger encore dans ce qui peut l'être avant que ne s'épuise l'eau féconde des résurgences. Car, à force de toujours disparaître, elle pourrait bien se lasser et se dispenser de voir le jour, lui préférant le ventre obscur de la terre. Bien des eaux sont fossiles, dont nous ne soupçonnons même pas l'existence.

 Enfin, je suis allé près du Ruisseau Certes, la Rivière que je viens de quitter à l'instant paraîtrait un fleuve à côté. N'allez donc pas vous ingénier à en rechercher le cours sur quelque carte de géographie. Je ne sais même pas si cet habitant des sous-bois et des maigres végétations, porte vraiment un nom. Sans doute les autochtones l'ont-ils baptisé, comme ils l'ont fait de chacun de leurs enfants; comme ils l'ont fait également de chacun de leur champ et peut-être aussi des moindres cailloux qui parsèment le Causse alentour. Ici, la vie est rude, rêche comme le lichen, épineuse à la façon du genévrier, rugueuse à la manière de l'écorce du chêne. 

  Le Causse est un espace laborieux usé par les rafales de vent et les pierres gélives du calcaire y éclatent en mille fragments sous les morsures de l'hiver. Ici la vie est minérale, monolithique, pareille à l'élévation hésitante du cairn face au noroît. Ici la vie sécrète ses parcimonieuses richesses, gemme à gemme, comme on égrène un chapelet. Sauf le vent, sauf le froid, tout y est rare. Parfois le plateau de pierres se creuse pour accueillir une minuscule doline où l'eau se recueille en un ovale blanchâtre fréquenté par les moutons à la laine hirsute. La pluie y est rare, souvent asséchée par les remous de l'air. C'est le pays des corbeaux, des corneilles qui crient dans le ciel leur coassement semblables à un appel du vide.    

  Aussi l'eau est-il un bien précieux qu'on rassemble à l'abri des murs de pierres sèches, dans le rond imparfait de quelque mare. Quant à l'idée de forer un puits, personne n'y songerait. Les nappes sont si profondes, tellement inaccessibles. Pourtant l'on sait les lacs souterrains, les barrages de moraines, les retenues de calcite et l'onde si claire, si disponible : il suffit de tendre la main. Seulement ce domaine est celui des poissons aux yeux soudés et des larves antédiluviennes. Aussi a-t-on fait son deuil du précieux liquide. Il brille de son éclat d'ambroisie au fin fond de sombres cavernes : réservé aux dieux de la terre seulement. Le Ruisseau, on ne le vénère pas à proprement parler, on ne l'élève pas au rang d'une divinité. On le côtoie avec respect. On longe son cours lorsque, parmi les feuilles, sinuent les courants livrés au clair-obscur des arbres. On le longe quand il n'est plus qu'une mince ligne en voie de disparition, se réfugiant dans les failles des pierres. On est auprès de lui les jours sombres où il n'apparaît aux yeux des hommes qu'à la façon des oueds parsemés de poussière. On espère, alors le voir reparaître, le voir rythmer les saisons; on espère pouvoir manger, en sa compagnie, les noix que son maigre cours ont portées à la croissance.  

  Il a plu cette nuit. Le Ruisseau je l'ai retrouvé bondissant parmi les pierres, cascadant vers la vallée dans une myriade de bulles qui disaient comme l'amorce d'un nouveau cycle. Une métamorphose. Sublime processus de la métamorphose qui, de l'œuf à la chenille  en passant par la chrysalide, donne naissance au merveilleux papillon : une ode à la vie. Seulement, comme l'eau du Ruisseau, l'existence du papillon est éphémère.  Il a plu cette nuit.  Ce n'est pas un rêve, n'est-ce pas ?, ce n'est pas un rêve ?

 

 

 

 

 

 

 

 

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1 mai 2013 3 01 /05 /mai /2013 20:11

 

Calder : un dessein d'enfant.

 

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                                                                            Source : Google Images.

 

  Calder. L'évocation de ce seul nom et, déjà, le rêve est à portée de main. Nous voulons dire par là que nous pouvons le toucher, nous l'approprier comme un enfant le ferait d'une poupée faite de rafles de maïs et de quelques bouts de chiffon. Car, évoquer Calder, c'est faire immédiatement référence à une manière de jeu, à une existentialité ludique, à une vision ingénue et colorée de la vie. Tout y est joyeux, comme chez son ami Miro, tout y est animé, prêt à se mouvoir, à imiter les fragments de verre du kaléidoscope. Tout y est simple, combinaison des trois couleurs primaires comme chez Mondrian.

  Soudain, la sculpture est devenue facétieuse, spontanée, biomorphique, pareille aux pétales, aux feuilles sous la risée du vent. Et ces minces effigies de tôles, espiègles, volatiles,  réunies par un fil arachnéen, tellement inapparent. C'est comme si un cerf-volant peinturluré avait soudain envahi le ciel, y imprimant ses arabesques colorées. Une douceur en acte. Un glacis à l'usage du vent. Une aquarelle qui, d'aventure, pourrait se fondre dans les coulures de pluie. Des ailes d'oiseau, disons de diamants à tête rouge, pris dans les remous d'air au-dessus des mangroves. Mais peu importent les métaphores, elles seraient innombrables et, jamais ne remplaceraient l'original.

  Mais comment donc Calder, partant de simples bouts de tôle qu'il relie par des tiges de fer parvient-il à tant de légèreté, à tant d'élégance ? Mystère de l'art sans doute. En tout cas nous regardons ces mobiles avec des yeux d'enfants, un peu comme on le fait des jouets en bois de Torres-Garcia ou bien de quelques poupées polychromes inventées par le génial Picasso.

  L'œuvre de Calder est simplement fascinante. Nous ne nous en lassons pas. Nous pourrions demeurer, longtemps, face à ces merveilleux objets en mouvement, tant l'analogie avec la figure du carrousel est hautement visible. Or, a-t-on vu quelqu'un, enfant ou bien parent, se soustraire de bonne grâce à sa bienveillante giration. Le rêve n'est fait d'autre chose que de cette ivresse, de ce "perpetuum mobile" dont , nous-mêmes, sommes tissés jusqu'en la moindre de nos cellules.

  Et, comment ne pas évoquer alors, les splendides Stabiles, monstres monumentaux d'acier peint, lesquels, malgré leur gigantisme, nous invitent pareillement à l'évasion, à l'émerveillement. Là est la marque insigne du grand artiste qui, d'un matériau usuel, banal, parvient à faire une œuvre indépassable dans le temps. Car ce Maître du fer est inimitable, tout comme le sont, avant lui, César avec ses magnifiques compressions ou bien Anthony Caro assemblant avec un rare bonheur poutrelles d'acier et grilles ouvragées. Parfaite maîtrise de la matière qui, dans un même empan du geste, réunit l'infiniment grand à l'infiniment petit. Jamais cosmologie ne trouve meilleure application. Merci Calder de nous procurer autant de bonheur !

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1 mai 2013 3 01 /05 /mai /2013 18:34

 

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                                                                     Source : Musée du Quai Branly.

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1 mai 2013 3 01 /05 /mai /2013 13:44
 Contre toutes les barbaries qui peuplent la Terre,
    ce si beau poème de Jacques Prévert.
Barbara

 

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas
Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abimé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.

Jacques Prévert  Paroles

 

(Source : Le Bac de Français.)   

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