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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 17:33

 

  C'est de cette manière que les symboles vitaux de l'univers se métamorphosent en guenilles dont on ne reconnaît plus la riche origine. Là, dans la déraison de la mine, tout contre le ventre chaud et fétide de la peur, parmi les exhalaisons soufrées de la dynamite (symbole du pouvoir, de l'argent, de la domination), les éléments se délitent, perdent leur sens de symboles, deviennent simples contingences manipulées selon le bon vouloir des hommes. De lustrale, purificatrice, apaisante qu'elle était, l'eau n'est plus qu'un écoulement putride sortant des plaies de la roche. De son esprit président aux activités métallurgiques, le feu ne conserve plus que son pouvoir de destruction, fiché qu'il est au bout du cordon qui fera exploser les entrailles du limon. De l'air libre, volant dans toutes les directions de l'espace, on ne retire plus que des gaz délétères noircissant les poumons. Quant à l'état de délabrement de la terre, il en a été longuement parlé, l'imagination du lecteur suffira.

  Les éléments, l'air, l'eau, le feu, la terre, depuis longtemps on les avait oubliés, depuis longtemps on ne savait même plus leur existence. On était hommes, femmes sur la terre, on déambulait sans trop savoir de quoi on était constitués, sans chercher aucunement à prendre acte de ses propres fondements, sans persévérer dans une connaissance de l'être des choses. Un cheminement à l'aveugle, les mains tendues sur le vide, la tête parmi les étoiles de l'insouciance. On avait gagné le centre des villes, là où la chaude fraternité humaine faisait sa boule d'amitié, son cocon de soie. Le ciel, on ne le regardait plus, rivés qu'on était sur le miroir aux alouettes des rues consuméristes faisant claquer à tous vents les drapeaux de prière de l'immédiate possession. L'air, on le respirait par petites goulées, à la façon dont un jeune chiot lape son lait dans l'écuelle de terre vernissée. Sur les deux orifices anonymes dédiés à la respiration, sur l'éperon étroit du nez on avait assujetti  de bien étranges toiles blanches, des masques sur lesquels s'amassait, dans la totale invisibilité, les atomes lourds de la combustion urbaine. On avançait dans le corridor des rues, comme portés par des nappes de napalm, sans même s'apercevoir que le feu couvait, que l'explosion était proche. On faisait d'épileptiques danses de Saint-Guy, se faufilant parmi les écoulements bitumeux des coques d'acier des automobiles aux vitre teintées. Parfois, dans la densité des carrefours, au milieu des trajets de fourmis de la grande marée humaine, éclataient des étoiles rouge carmin, des corps se dissolvaient en de longues diasporas et les roues portaient l'empreinte de ce que des vies avaient été, là, dans la grande termitière, dans l'immense fièvre de l'exister.

 

 

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 17:31

 

Cela il le sait jusque dans les fibres les plus secrètes de son corps et il ne s’en plaint pas. Pourquoi se plaindrait-il d’être lui-même, d’appartenir par ses racines à ce peuple de parias, d’intouchables qui viennent de si loin ? Pourquoi renierait-il cette si belle diaspora qui porte en elle, aux quatre coins du monde, un sang semblable au sien, une peau, des yeux, des mains, une manière de se déplacer comme le vent, d’aimer avec violence, de danser autour du feu de bois, au milieu des étincelles qui sont comme des parcelles vives de son esprit, de son être ? Tout cela il l’a accepté depuis la nuit des temps et c’est devenu un second souffle, une haleine, une respiration qui n’aurait plus conscience d’elle-même et existerait dans le genre des feux follets ou des bulles irisées qui habitent la face des lacs.

 

  Tout cela il l’admet à la façon d’une fatalité, d’un destin et souvent même il est heureux à la seule pensée de son existence modeste, en marge, glissant dans la rainure de la vie sans faire plus de bruit que la chute des feuilles sur le sol d’automne. Ce qu’il n’accepte pas, ce sont les regards qui le fuient, les mains qui l’évitent, tous les faux-fuyants, les faux-semblants, les dérobades de ceux de la Cité Autan, les attitudes hautaines des habitants de la Bastide, le peu d’intérêt des employeurs à son égard. Alors le chômage enfonce son coin au centre de sa tête, la faim vrille son ventre, l’angoisse fige ses muscles et les journées sont longues et grises à tourner au centre du cercle des caravanes, sous l’œil invisible de la conscience tsigane. Dans la chute lente et oblique des jours, les heures sont des lames acérées, les minutes des aiguilles chauffées à blanc.

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9 décembre 2013 1 09 /12 /décembre /2013 08:47

 

C’est Djamil, le père qui parle le premier et, dans la fraîcheur qui tombe, ses paroles sont des fuseaux de vapeur montant vers le plafond où courent les ombres grises. Ses mots franchissent la barrière des dents, des lèvres, avec lenteur, hésitation, genres de bulles qui éclatent dans la cendre à peine visible du jour. Djamil se plaint de l’usine de bois qui l’emploie si rarement, sauf parfois après les tempêtes, lorsque les grumes sont à terre, encore pourvus d’éclats de branches et qu’il faut enlever les écorces à la plane, les charger au levier sur les remorques puis fixer le chargement avec les cordes de chanvre. Alors les mains sont usées jusqu’à la trame, parcourues de lézardes bleues et deviennent fibreuses, semblables au bois qui les a meurtries. Il n’y a pas eu d’orage cet été, les arbres n’ont pas souffert. Ni hêtres ni charmes à abattre et si peu de troncs à scier.

  Trois, quatre jours de travail par mois. Puis le reste du temps à errer dans le Terrain vague, à donner des coups de pied dans les pierres ponces, à monter vers les carrières, jusqu’au « Volcan », grand trou circulaire où l’on trouve parfois des cartons, de vieilles planches que l’on fait brûler sur place et l’on suit longuement du regard les filets de fumée qui se fondent dans l’air bleu, aspirés par la taie immobile du ciel. Et l’on enfouit les mains dans ses poches et l’on serre ses doigts sur le dernier billet, on joue à user, les unes contre les autres, les rares pièces qui en tapissent le fond. Cette rudesse, cette âpreté de la vie, Djamil les a en lui comme les rochers sont tapissés de mousse et il sait que son quotidien est l’aboutissement de la longue dérive du peuple des tsiganes. En lui sont gravés les stigmates : sur sa peau couleur de brique, dans ses yeux sombres comme la nuit, l’arc charbonneux de ses moustaches, sa façon même de marcher, de parler, de respirer, de faire grincer les cordes du violon, de plier les soufflets de l’accordéon lorsque la grande confrérie des Roms se réunit.

 

 

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9 décembre 2013 1 09 /12 /décembre /2013 08:42

 

 

  Pachamama, déesse-terre, est une émanation de la cosmogonie andine qui avait essentiellement cours dans l'empire inca. En fait elle était une représentation de l'espace-temps et, à ce titre, recevait diverses offrandes, ce rituel étant essentiellement lié à un culte de la fertilité. Elle était signe de féminité, promesse d'abondance, générosité, symbole de prodigalité. Bien évidemment, cette déesse avait une fonction cardinale auprès de peuples dont le destin était entièrement dépendant des récoltes que leurs champs pouvaient leur assurer. Déesse sans temple, on l'honorait de préférence au sommet des montagnes. On y creusait un trou, "la Boca", la bouche qui était censée amener la nourriture jusqu'au cœur de la terre. Ensuite on allumait des cigares dont la fumée avait pour rôle de  chasser les mauvais esprits. Puis on précipitait de l'eau bénite dans l'orifice qu'on nourrissait de céréales, de feuilles de coca, de chicha (bière de maïs). L'alcool, quant à lui, devait symboliser la fête toujours possible pour l'homme à qui la Terre avait fait l'offrande du maïs.

  Si l'on peut tout à fait être séduits par le caractère empreint, tout à la fois de naïveté et d'une disposition à l'accueil d'une des déclinaisons du sacré, ceci cependant ne saurait concerner uniquement les rituels anciens ou peut-être contemporains mais s'effectuant en d'autres lieux, avec l'adhésion à une certaine vérité. Par contre, ce que nous offre actuellement la cérémonie des mineurs de Potosi, dans les sombres boyaux enfumés d'une terre abîmée, sacrifiée, souillée, apparaît comme la forme amplement dégradée d'un rituel qui, anciennement, avait du sens mais qui, aujourd'hui, dans un tel contexte n'apparaît plus qu'à la manière d'une bien piètre palinodie, du retournement dans une figure totalement païenne de ce qui était de l'ordre du sacré. Personne ne pourrait imaginer que des Incas, pieusement attachés au culte des divinités, authentiquement reliés à de telles figures majuscules du cosmos aient, un jour, pu s'adonner à de telles "pantomimes". Ce qui nous est donné à voir, dans le ventre des mines d'étain, alors que les mineurs font mine d'honorer leur déesse, n'est rien de moins que la mise en scène de la pauvreté, la danse de la désespérance, le rituel de la misère sociale, la manifestation de l'exploitation de l'homme par l'homme. Pitoyable comédie humaine qui a substitué à l'image du dieu, celle paupérisée et confondante d'un diable de pacotille (Faust est bien loin !), à la figure riche et signifiante du don authentique, les simagrées alcoolisées au bout desquelles grimace la mort.

 

 

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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 09:12

 

  Mais venons-en au présent et à quelques unes de ses figures caricaturales. Dans les mines de Potosi en Bolivie, de pauvres hères enduits de poussière, les yeux hagards, les joues gonflées de coca, le ventre saturé d'alcool à 95 degrés, ces hommes donc, dans l'odeur âcre de la dynamite, l'atmosphère humide de la terre qui partout suinte, croule, vomit ses filons d'étain, ces sacrifiés de la société font des offrandes à la Pachamama en compagnie  "d'El Tio", le diable de la mine, représentation anthropomorphe au long pénis dressé dans l'antre étroit, comme s'il voulait féconder une terre devenue stérile, écorchée, aux entrailles lourdes, à l'utérus révulsé dans un effort pour dire l'annonce de la mort qui, partout, rôde et souvent, prend des vies alors même qu'elles sont tout juste en voie d'accomplissement. On commence à travailler très tôt dans les mines de la désolation !

  C'est la fin de la semaine, l'épilogue d'un travail éreintant, mal rétribué, aliénant, reconduisant les hommes à une condition animale, ne les assignant qu'à être de vagues tubercules enfouis au fin fond d'une profonde inconscience. Là, on est au cœur du  monde chtonien, tout près des forges primitives de Vulcain, mais la mythologie n'est plus chantée par un rhapsode à la voix harmonieuse, elle n'est plus cette belle fiction qui fait rêver les hommes et rend lyriques les poètes. Tout s'est inversé, la terre a retourné sa calotte, l'utérus s'est étréci aux dimensions de la misère urticante, il ne sera plus fécondé par  quoi que ce soit, fût-ce le ridicule pénis érectile du Tio; il n'y aura  plus de généalogie possible alors que le non-sens s'est invaginé dans le moindre repli de glaise. Offrande à la Pachamama donc, feuilles de coca, giclées d'alcool, filets de bière, cigarettes allumées. Les mineurs sont ivres, ivres d'alcool, de fatigue, d'existence délétère. Les mineurs n'ont plus d'humain que leur addiction à l'alcool frelaté, à la drogue, et leur relation à cette déesse fantomatique est empreint d'une telle étrangeté, d'une telle démesure tragique qu'elle ne peut que mettre mal à l'aise ceux qui en sont, parfois, les spectateurs sidérés.  Mais il faut d'abord rappeler qui est cette Pachamama à laquelle les Boliviens sont encore attachés même si un confondant syncrétisme mêlant religion chrétienne et traditions ancestrales est la plus évidente explication s'offrant à nous afin de comprendre pourquoi cette Terre-Mère, le plus souvent s'enlace avec la figure de la Vierge Marie.

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      Représentation de la Pachamama.

Source : Wikipédia.

 

 

 

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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 09:00

 

CAFE EL PATIO

 

 

5 OCTOBRE

 

  Venu des plaines d’herbe, le vent souffle continuellement depuis plusieurs jours. Un vent blanc, acide, qui balaie les grandes dalles de ciment de la Cité Autan, use la peau, clôt les lèvres, oblige à cligner des paupières. On se terre dans les cubes de béton, serrés autour des poêles et les conversations rougeoient faiblement, comme des braises sous la cendre. Sur le grand parvis de gravier, des chiens errants et faméliques glissent à côté de leurs ombres, marchant de guingois, comme s’ils se méfiaient d’eux-mêmes. Un peu de vie encore du côté des entrepôts où les flèches des grues oscillent en grinçant. Puis le ronronnement circulaire des bétonnières, la chute sourde du sable coulant des bennes. A intervalles réguliers, le claquement des portes de tôle de la cité, quelques bribes de conversations, le choc des boulets de coke dans les seaux de zinc.

   Puis le silence à nouveau, lourd, plombé, arc-bouté sous la meute assidue des rafales. Plus loin, vers la Bastide, le Terrain vague est parcouru de longues ondulations, sortes de sillons d’écume qui glissent entre les roulottes, faisant des remous de poussière et de feuilles et le ciel se couvre de rouille et l’air se tisse de lames aussi drues que des voiles.  Derrière une butte de terre et de goudron, la carriole de planches et de tôles des Stanescu. Il y a peu de mouvement, peu de bruit à l’intérieur, sous la lumière opaque de la lampe à gaz. Juste un grésillement qui se hausse imperceptiblement au dessus des respirations alternées, des toux rauques, des raclements de gorge. L’air dense comme de l’ouate. Si réel, si palpable, qu’on pourrait en faire des boules et les laisser tomber au sol à la manière de flocons de neige. Au travers des rideaux de calicot, on aperçoit le village de roulottes. Circulaire, avec une sorte d’échancrure, d’échappatoire vers la Bastide, ses lourds remparts d’argile. Au centre, le campement rouge et vert de Luana, la doyenne des tsiganes, celle qui détient l’autorité, qu’on consulte pour ses secrets, ses recettes de bonne femme, ses conseils, sa sagesse aussi.

 

 

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7 décembre 2013 6 07 /12 /décembre /2013 09:22
La chute lente du jour - (Texte intégral).

Photographie : JPV

***

La chute lente du jour

 

  

Son premier repos, Elle l’a trouvé au creux du jour, dans le dépliement blanc de la  lumière.

Nul bruit dans la grande pièce claire. Nul mouvement.

Seul rythme du souffle, lent, tendu, semblable au passage du vent sur la cime des pins.

Souffle long venu d’ailleurs, encore traversé de pensées nocturnes, souffle à la recherche de lui-même, continûment, comme une obsession.

Confusément, Elle perçoit, par delà les lames blanches des stores la houle de l’Océan, le cri des mouettes, comme de longues incisions dans la toile grise du ciel. Des rumeurs seulement, très lentes, très calmes, pareilles à un baume qui apaise les meurtrissures du corps, régénère le souffle.

Murmure de l’Océan, longues effusions dans les aiguilles de pin, glissement des grains de sable sur la courbure des dunes. Tout se mêle, se confond, écho profond de son rythme à Elle, de sa respiration, du trajet du sang dans ses veines.

  Lui, son apparition dans la grande pièce aux murs couleur de sable, Elle ne l’a pas perçue. Plutôt sentie. Sorte de présence éphémère, fugitive, "entre chien et loup".

Quelque chose d’imperceptible, de ténu s’est infiltré en Elle. Un léger décalage de l’air, une vibration particulière de la lumière. D’infimes tropismes affleurant à sa conscience.

Tout à coup Elle a su qu’Il était là, près d’Elle, immobile, dans l’attente d’un signe, d’un mouvement, peut-être d’une parole. Entre eux il n’y a eu aucun mot proféré, aucun geste esquissé.

  Elle, retirée depuis longtemps dans le silence de ses yeux, ne possédait plus qu’une image floue de Lui, des souvenirs lointains : le grain serré de sa peau, la finesse de ses mains, la grâce des articulations.

Lui, dans la lumière neuve du jour, perçoit le corps fluet, les cheveux couleur de cendre, les cernes d’ombre autour des yeux vides. La clarté de l’aube dessine comme un étrange halo enserrant le corps très mince, forme énigmatique émergeant à peine de la blancheur du drap.

Il a approché l’unique chaise du lit, ménageant entre eux un espace. Ce territoire où ils déposeraient les mots, était comme la grâce d’un recueil, le point d’incision d’une parole ultime. Chacun en avait le pressentiment, en ressentait le trouble, et grâce à cette inquiétude, à cette tension, y puiserait les forces de l’échange.

  Elle parle la première. Elle dit la douleur des nuits éveillées, la solitude des murs couleur de sable, l’attente de la marée, l’écoute attentive du flux et du reflux, le grondement de l’Océan lors des hautes eaux, la douceur des ciels de pleine lune.

Il écoute la voix très mince, parfois à peine perceptible, le souffle haletant, comme un filet d’eau claire filtrant d’une paroi. Il lui dit son souci, son appréhension des crises qu’Elle doit affronter continuellement, le lien profond du souffle et de la vie, du mouvement des corps, des déplacements, des traversées, des passages. Il lui dit son regret d’être toujours éloigné, son travail d’enquêtes à l’étranger, son goût immodéré des voyages.

  Elle l’écoute. Elle anticipe ce qu’Il dit. Elle le connaît au creux de l’intime.

Une quinte de toux subite. Le souffle comme au fond d’un puits. L’angoisse de la lente ascension vers la clarté, vers le jour.

Il remonte son oreiller. Il lui fait boire quelques gorgées d’eau. Elle dit que ça va mieux, que ça va passer. Le plus sûr pour qu’Elle s’apaise : qu’Il fume comme autrefois une cigarette américaine, longue, fine, à filtre couleur de brique. Elle aime tellement l’odeur de ses cigarettes (des Bridge, croît-Elle), Elle aime tellement sa façon de fumer, de rejeter les volutes, longuement, songeusement, tête légèrement penchée vers l’arrière, dans la lumière qui décline.

  Elle lui disait autrefois sa certitude à Elle du rapport étroit  entre la fumée et la vie. Une métaphore  existentielle en somme. De l’ordre d’une parenthèse, d’un début et d’une fin, d’une consumation, d’un point d’incandescence à un point d’extinction, d’un non-retour.

  Il se souvient de ces échanges. Il lui dit se rappeler ses idées à Elle, ses  idées un peu étranges mais qui résonnent encore en Lui, qui brillent comme des braises.       Il hésite un peu mais Il sait l’importance de la cigarette pour Elle, sa valeur de retour, de réminiscence. Il extrait une  Bridge  de son étui rouge. Il sourit en voyant  l’inscription obscène : FUMER TUEIl sait que, pour Elle, fumer est l’empreinte du souvenir, du désir, de la vie.                                                                Il allume une  BridgeIl souffle de longues volutes vers le plafond. Elle entend le bruit, le passage de la fumée entre les lèvres. Elle l’imagine, comme autrefois, la nuque à la renverse, les pieds croisés sur une chaise, l’air détendu. Elle revoit cette sève qui sort delui, à jets réguliers, empreinte de mystère, auréolée de projets. Autrefois, Elle pensait que cette fumée Lui ressemblait. Légère, insouciante, projetée vers le ciel comme un idéal.                         

Il n’a pas bougé de sa chaise, très attentif  à ne pas interrompre  le voyage. Il allume une seconde  Bridge. Ne pas briser le mouvement, le chemin sur lequel Elle s’est engagée. Nouvelles volutes de fumée. Plus fortes, plus persistantes que les  premières. Eviter qu’Elle ne sombre dans l’amnésie. Poursuivre le voyage jusqu’à la fin du jour s’il le faut, dans la demeure dernière où l'ombre se tapit. Elle parle maintenant. Indistinctement. Comme un murmure. Il se rapproche d’Elle pour saisir des bribes, des éclats, des fragments qu’ll reconstitue.

   Elle lui dit le séjour à La Salina, les roches noires gonflées de soleil, la colline couverte de chênes-lièges et d’oliviers, les terrasses de schiste en surplomb, la blancheur du village en contrebas, la mer avec ses criques vertes, bleues, grises parfois, si variables selon l’incidence de la lumière, le degré d’avancement du jour. Elle Lui dit l’essaim des îles volcaniques, couleur d’obsidienne, jouant avec la blancheur du port, l’outremer des bateaux de pêche, le quadrillage insensé des filets de corde enserrant les plages de galets noirs. Elle Lui dit l’odeur des embruns, surtout le soir, la chute parfumée des capsules  d’eucalyptus, les lumières ourlant les criques dès la tombée du jour.

  Les volutes de fumée emplissent la pièce, font comme un tissu onirique accroché aux fenêtres. Il y a des flottements, des fluides légers pareils aux  soirs d’automne à La Salina quand le vent se retire au fond des grottes marines. Continuer à fumer surtout, jusqu’à l’étourdissement. Ne pas déchirer le voile du songe, du souvenir, de la douleur peut-être. Qu’importe. La  seule certitude : cette ligne invisible, ce fil d’Ariane tendu d’un lieu d’absence à un lieu de mémoire.

  Ce soir, à La Salina, la lumière est tremblante, un peu surréelle. Elle est heureuse de cette lumière, de la blancheur de la terrasse, du mouvement des passants, du glissement des voitures devant le port. Elle dit maintenant l’urgence à profiter de la vie, comme si demain était le dernier jour. Elle sait que ce moment est unique. Elle lui dit la chute lente du jour, cette signifiance de l'instant voilé, de l'heure crépusculaire où les choses se confondent, se mêlent dans une espèce de douce harmonie, d'affinité originelle. Elle lui dit ce bonheur du temps impalpable, oublieux de lui-même qui, peut être,  jamais ne reparaîtra, enseveli sous les cendres du passé. Il  acquiesce avec un  certain détachement, avec la certitude dont l’investit sa première cigarette, symbole superficiel mais tangible de son entrée parmi les  hommes. Elle Lui sourit. Elle le trouve changé.Elle s’applique à le regarder à la dérobée, à faire son inventaire. Réel travail d’archéologue, pareil à la recherche de l’origine, de la source de cette évidente métamorphose. Elle n’avait pas remarqué, dans la perspective fuyante du front, cette ride légère mais non moins évidente,  comme une blessure à la surface de la terre. D’autres sillons étoilés et naissants s’allument et s’éteignent avec la course du regard, pareils à  de rapides comètes. Elle a fixé, au plus profond d’elle-même, ces images fugitives, ces marques insignes du temps comme des empreintes toujours prêtes à resurgir.

      Il se souvient de ce jour précis, de « ce moment unique » comme Elle l’avait nommé, de cette lumière si pure, si longue à se mouvoir, si lente à renoncer à son emprise, accrochée aux cubes des maisons blanches, aux balcons, aux lampadaires, à la lisière de la mer.

Ce jour est ancré en Lui : un moment de pur surgissement, une fenêtre ouverte sur l’horizon. Il se souvient de sa première cigarette, de son plaisir intense à suivre par la pensée le trajet de la fumée. Minces filets bleuâtres se diluant dans la lumière du couchant. De nouveau des quintes de toux, une respiration à la peine. Elle bouge un peu sur le lit, oriente son visage vers la fenêtre, vers le jour qui baisse.

Elle continue à raconter leur vie à La Salina, ses battements, ses outrances parfois, cet automne traversé d’une dernière tentation de la lumière, les reflets sur les feuilles argentées des oliviers, la douceur iodée de l’air marin.

Il écoute les paroles qu’Elle profère avec ferveur, recueillement. C’est comme une incantation, un appel qui résonne le long des murs couleur de sable. La braise rougeoie au bout de la dernière cigarette. Prolonger cet instant, ne pas interrompre le voyage. Maintenant le filtre couleur de brique se consume dans une drôle de fumée âcre; grésillement de l’infime bout de cigarette jusqu’à son point de chute.   Soudain Il sait qu’Il doit quitter cette pièce, qu’Il doit faire provision de  cigarettes, qu’Il doit s’immiscer entre deux urgences, celle du départ, celle du retour.  Il le fait. Il descend l’escalier. Il est dans la rue, dans le bureau de tabac. Il achète un paquet de  Bridge. De nouveau dans la rue, l’air pur, transparent comme à La Salina. C’est une ivresse qui s’empare de LuiIl marche vite, traverse le porche, cherche fébrilement le briquet, allume une cigarette, s’engage dans l’escalier. Par une croisée ouverte parvient la rumeur de l’Océan, de la Mer. Il ne sait plus très bien. Cris aigus des mouettes ou peut-être des sternes, comme une longue déchirure surgissant de la toile du ciel. ll pousse la porte de la grande pièce. La lumière a baissé. Les murs couleur de cendre ne renvoient plus qu’une clarté sourde. Il porte la cigarette à ses lèvres, aspire une grande bouffée qu’Il rejette dans la lumière grise. Il s’assoit sur l’unique chaise, penche la nuque vers l’arrière comme Il aimait le faire autrefois à La Salina. De fines colonnes de fumée tissent dans l’air une trame légère.                      

 

Il lui parle. Il lui demande de raconter encore l’instant magique de La Salina, la lumière sur le village blanc, la sagesse des vieux hommes vêtus de noir, leurs palabres sous le vieil olivier, les joueurs  de cartes de l’Amistad derrière les grandes baies vitrées qui ouvrent sur le port, sur la mer, sur l’horizon infini.

  Il écoute de tout son corps, de toutes les fibres de sa peau la parole qui n’advient pas. Il sait maintenant qu’Elle a repris possession de son langage, que ses paroles sont scellées dans sa chair, qu’Il n’entendra plus les mots magiques résonner dans les ruelles de La Salina. L’ombre avance dans la pièce. Il écrase la braise, le filtre couleur de brique. Quelques volutes de fumée planent encore entre les murs gris, pareilles à des poussières, à d’infimes corpuscules. Il se tourne vers le centre de la pièce. Il n’y a plus de souffle maintenant, plus de douleur, seulement quelque chose qui ressemble à une absence. Retrait des veinules bleues dans les mains marmoréennes, silence des lèvres  closes, blancheur des draps couleur de neige.

  Il se lève. Il ouvre la porte. La lumière est pure, belle, semblable à un mirage. La lumière l’appelle, elle s’ouvre et trace les rives du chemin vers La Salina. Il sait  qu’il n’y a pas d’autre alternative, pas d’autre issue que celle d’une fuite éternelle. Dans la pièce couleur de nuit, dans le déclin du jour, au pli secret de l'ombre, Elle a trouvé son dernier repos, son voyage immobile.

 

*** 

Cette Nouvelle a été publiée :

* Sous le titre "Voyage immobile" dans

"Les Après-midis de Saint-Florentin (Yonne) en 2009.

* Sous le titre "La chute lente du jour" dans le cadre

du Café Littéraire, Philosophique et Sociologique (Calipso)

Fontanil Cornillon (Isère) en  2010

* Sur le Site « d'Exigence-Littérature" en 2011

 

 

 

 

 

 

 

                               

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     

 

                                                                                                                                                                                              

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                                                               

 

 

 

 

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7 décembre 2013 6 07 /12 /décembre /2013 09:05

 

  Mais on ne comprendra jamais mieux la lente ascension de l'homme en direction de sa propre transcendance qu'à la rapporter à l'allégorie platonicienne de "La caverne". Longtemps, les hommes - lesquels n'étaient que des hominidés -, vécurent immergés dans le ventre de la terre, s'y abritant de la nature hostile, de la prédation des animaux, des rigueurs climatiques. Vie infiniment végétative, primitive, grossière, comparable à la flamme tremblante d'un lumignon qu'un souffle de vent aurait pu facilement éteindre. De l'extérieur, du ciel, de la lumière ils ne percevaient que de faibles clartés pareilles à des ombres dansantes, fuyantes. Un genre de réclusion plus ou moins volontaire les retenait prisonniers dans leur geôle étroite. Puis, poussés par la faim, plus tard par les nécessités humaines qui, toujours, appellent en direction de la connaissance, petit à petit, les hommes étaient sortis, (symboliquement et réellement) , de la caverne, avaient façonné  les premiers outils, gravé les figures au seuil des grottes. De l'espace  sensible, dense, têtu dans lequel ils avaient vécu comme des fœtus repliés sur leur germe, soudain, ils passaient à la lumière intelligible du monde, à la pure révélation de ce qui toujours s'annonce comme arche du destin, à savoir la lumière intense du soleil et, avec elle, le rayonnement des Transcendantaux, Vérité, Justice, Beauté, Bien souverain. En contact avec les fondements qui correspondaient à son essence, l'homme parvenait enfin à lui-même, coïncidait avec sa propre nature.

  Là-dessus, sur cet accroissement ontologique majeur, s'édifièrent les œuvres, se construisirent les civilisations, s'adossa l'histoire, s'inventèrent les systèmes philosophiques, politiques, sociaux. Mais il en est ainsi, dans la marche en avant de l'humanité s'intercalent des pauses, des doutes et, parfois, des retours en arrière, des régressions. Le Poète Valéry ne disait-il pas que "nous autres, civilisations, savons maintenant que nous sommes mortelles" ? Cruelle vérité dont, cependant, nous devons être informés afin que notre chemin ne nous apparaisse pas à l'aune d'un parcours linéaire et lumineux, mais pavé d'intentions souvent maléfiques, de bifurcations, de chausse-trapes.  Les hommes n'émergeaient jamais de leur lourde gangue naturelle qu'à y retourner parfois dans le plus consternant des constats qui se pût imaginer. Soubresauts de l'Histoire, barbarie des guerres, inventions diaboliques, enfin le long chapelet des diverses apories qui jalonnent toute marche vers le progrès. Si l'invention de l'outil, la découverte de l'art manifestaient une ouverture inouïe, la suite des événements laissait à penser. Grandement !

 

 

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7 décembre 2013 6 07 /12 /décembre /2013 09:00

 

Soudain Il sait qu’Il doit quitter cette pièce, qu’Il doit faire provision de

cigarettes, qu’Il doit s’immiscer entre deux urgences, celle du départ, celle

du retour.

Il le fait. Il descend l’escalier. Il est dans la rue, dans le bureau de tabac. Il

achète un paquet de Bridge.

De nouveau dans la rue, l’air pur, transparent comme à La Salina. C’est une

ivresse qui s’empare de Lui. Il marche vite, traverse le porche, cherche

fébrilement le briquet, allume une cigarette, s’engage dans l’escalier. Par une

croisée ouverte parvient la rumeur de l’Océan, de la Mer. Il ne sait plus très

bien. Cris aigus des mouettes ou peut-être des sternes, comme une longue

déchirure surgissant de la toile du ciel.

ll pousse la porte de la grande pièce. La lumière a baissé. Les murs couleur de

cendre ne renvoient plus qu’une clarté sourde.

Il porte la cigarette à ses lèvres, aspire une grande bouffée qu’Il rejette dans la

lumière grise. Il s’assoit sur l’unique chaise, penche la nuque vers l’arrière

comme Il aimait le faire autrefois à La Salina. De fines colonnes de fumée

tissent dans l’air une trame légère.

Il lui parle. Il lui demande de raconter encore l’instant magique de La Salina, la

lumière sur le village blanc, la sagesse des vieux hommes vêtus de noir, leurs

palabres sous le vieil olivier, les joueurs de cartes de l’Amistat derrière les

grandes baies vitrées qui ouvrent sur le port, sur la mer, sur l’horizon infini.

Il écoute de tout son corps, de toutes les fibres de sa peau la parole qui

n’advient pas. Il sait maintenant qu’Elle a repris possession de son langage, que

ses paroles sont scellées dans sa chair, qu’Il n’entendra plus les mots magiques

résonner dans les ruelles de La Salina. L’ombre avance dans la pièce. Il écrase la

braise, le filtre couleur de brique. Quelques volutes de fumée planent encore

entre les murs gris, pareilles à des poussières, à d’infimes corpuscules.

Il se tourne vers le centre de la pièce. Il n’y a plus de souffle maintenant, plus

de douleur, seulement quelque chose qui ressemble à une absence.

Retrait des veinules bleues dans les mains marmoréennes, silence des lèvres

closes, blancheur des draps couleur de neige.

Il se lève. Il ouvre la porte. La lumière est pure, belle, semblable à un mirage.

La lumière l’appelle, elle s’ouvre et trace les rives du chemin vers La Salina. Il

sait qu’il n’y a pas d’autre alternative, pas d’autre issue que celle d’une fuite

éternelle. Dans la pièce couleur de nuit, dans le déclin du jour, au pli secret de

l'ombre, Elle a trouvé son dernier repos, son voyage immobile

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6 décembre 2013 5 06 /12 /décembre /2013 09:20

 

                                                                               en hommage à nelson mandela.

 

 

 

 

Symphonie en noir et blanc.

 

 nelson

Source : Wikipédia - Créative commons.

 

 

 

Petite incise : une symbolique des couleurs.

 

Brillants : les diamants de l'envie, de la gloire, de la domination.

NOIRS : Les Hommes soumis, exploités.

BLANCS : Les Hommes qui exploitent, dominent, soumettent.

ARC-EN-CIEL : Les couleurs de la réconciliation. Le nouveau pacte fondateur.

 

[ Le court texte ci-après voudrait, d'une manière symbolique et dans l'extrême pudeur, rendre hommage au grand homme qu'a été Nelson Mandela tout au long de sa vie. Pour tous, il demeurera un modèle d' humanisme à valeur universelle. Ce que, toujours il devrait être, mais qu'il est trop rarement. ]

 

   Toutes les couleurs sont égales. Cependant…

 

  Sur les corps couleur de nuit coulent les ruisseaux de la peur. L'angoisse est là qui fait ses mailles serrées, contraint au silence, à l'immobilité. La nuit est une étoupe, une souricière et les étoiles sont absentes. Le ciel est vide. Le ciel est aveugle.

Dans les baraques, sur les lits de planches,  le sommeil est étroit, traversé de flammes blanches. Les flammes des diamants qui habitent les filons de glaise sourde. Les flammes qui creusent les âmes, ravagent les consciences, allument le désir des hommes.

  Blanc est le désir, noire la peur. Longues zébrures couleur de braise sur les peaux meurtries. Elles disent, en lignes simples, le langage de la domination. Celui de la soumission aussi. Dans les boyaux étroits, dans les galeries brumeuses, les corps d'obsidienne souffrent en silence. La douleur est toujours la plus vive quand elle n'autorise même plus la parole. Au-dessus des sombres venelles où agonise l'espoir, sont les entrepôts avec leurs grandes bâtisses coloniales. Sous des opalines vertes, sur des tapis sombres brillent les gemmes de l'envie.

  Blanc est le pouvoir. Blancs sont les visages fascinés par les éclats pareils aux longs filaments des comètes.  Blanc est le sentiment qui contraint, opprime, réduit à néant l'essence de l'homme. Blanc est l'abîme du néant où le sens se dissout avec sa consistance de brume.

  Noire est la condition des hommes à la peine. Partout où errent leurs effigies d'ébène se révèle la ténèbre, gire l'orbe de la finitude. La nuit est une étoupe et les étoiles sont vides. La nuit est dans les corps et fait son bruissement, son cri assourdissant de chauve-souris. Les membranes de l'incompréhension, de la folie, du désarroi sont partout palpables et les abris de planches et de goudron sont  le refuge des erratiques.  Noir bitume où tout s'englue, où tout sombre et s'incline au désespoir.

 

   Toutes les couleurs sont égales. Cependant…

 

  Le temps est long dans les sillons de terre. Le ventre des choses est comme déserté. Rien n'en sortira qu'une noire solitude. Les pierres, dans l'ombre, allument des convoitises, incisent les regards. La sclérotique des Blancs est une porcelaine dure sur laquelle ricoche la lumière. La pauvreté aussi. La pauvreté est noire, elle ne connaît pas la clarté. Les mains sont noires, noueuses, usées comme de vieilles racines. D'autres mains sont blanches. Lisses. Les feux des pierres s'y allument. Les coupures vertes s'y consument comme des braséros ultimes. Il n'y a d'autre but que cette éternelle combustion. Les pierres sont infiniment précieuses, icônes dans le noir compact des rhizomes souterrains. Les rhizomes enserrent les corps dans une gangue nocturne. Les étoiles ont déserté le ciel et l'immensité est vide.

 

  Toutes les couleurs sont égales. Cependant…

 

  Long est le temps qui fait ses cordes tressées. Longue est la peur qui enserre les ventres. Ventres pareils au ventre sombre et étroit de la terre, là où s'abolit le langage. Longue la couleur noire saturée d'indicible. Noire est la lumière, Noir est l'Homme qui, soudain, surgit au firmament parmi les nuées d'incompréhension. Noir est l'espoir qui se fait jour alors que les Blancs oppressent, divisent, parquent. Noir d'un côté. Blanc de l'autre. Frontière au milieu. Pas de gris qui dirait la perte du Blanc dans le Noir, la perte du Noir dans le Blanc. Certaines couleurs : incompatibles. Métissage : mot interdit, pratique interdite. Il y a des réalités qui ne peuvent avoir lieu, des partages délétères, des actes prohibés. Alors on dresse les murs de la honte, on établit les frontières. La résidence est Blanche. Le taudis est Noir. Et, ainsi, à l'infini, selon l'imaginaire sans fin de la barbarie. "A visage humain", disait avec raison le Philosophe.

 

 

  Toutes les couleurs sont égales. Cependant…

 

Noir est l'homme qui, soudain, inverse la logique des peuples. Noir est Noir. Certes. Blanc est Blanc. Sans doute. Mais comment une humanité pourrait se construire sur cette sommaire dialectique ? Comme si les couleurs, de toute éternité, avaient été prédestinées à ranger les hommes selon leurs mérites, leurs valeurs. Combien tout ceci devient tout à coup détestable, hors jeu, impensable. Noir est l'homme qui crée, à la force de ses convictions, à l'amplitude de son intelligence, à la capacité de visionnaire la Nation arc-en-ciel. Car toutes les couleurs sont égales.

 

    Toutes les couleurs sont égales. C'est cela qu'il nous faut proférer haut et fort afin que Celui qui s'est levé un jour nous entende.

    

 

Sur la courbure infinie des consciences

NELSON,

Nous écrivons ton nom :

 

Négritude.

Espoir.

Liberté.

Solidarité.

Ouverture.

Non-violence.

 

 

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