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27 août 2013 2 27 /08 /août /2013 16:35

 

 

eclair-11-000-images-seconde

 Source : Gizmodo.

 

 

 Labesse. -  Suis-moi bien, Aristote, nous arrivons maintenant à une sorte de point de non-retour et c'est à partir d'ici-même que le destin de Robinson bascule. Le "regressus ad uterum", pendant toute sa durée, ne peut que suivre la logique de la pente et de la chute et c'est, soudain, comme si les fleuves remontaient à leur source, les flammes rétrocédaient vers l'étincelle, le vent regagnait l'outre d'Eole, le sable redevenait roche, la lave regagnait les profondeurs de la terre et toutes les aiguilles des montres, des horloges, des pendules, dans leur mouvement sénestrogyre, feraient remonter le temps à ses premiers battements, à ses pulsations primitives et l'on verrait bientôt, au fond de l'univers, un seul point brillant dont le clignotement voudrait dire que l'existence est sur le point de commencer, qu'elle va s'ouvrir bientôt, qu'elle n'attend qu'un signal, qu'un ordre, qu'une invitation à émerger du flou, de l'indistinct, de l'immobile.

Aristote (semblant passablement ennuyé par les métaphores élémentaires et évidentes que je lui assène comme des vérités) :

 - Jules, si tu veux bien, revenons à Robinson...

Labesse. -  Eh bien, l'allégorie de Tournier repose sur des symboles dont la clarté est manifeste. L'ouverture de la grotte, en tant que réceptacle féminin vient à être fécondée par le sexe opposé et complémentaire sous les espèces des rayons de soleil et la durée de l'éclair n'est que le jaillissement de la semence dont l'antre, éclairé jusqu'en ses profondeurs, délivrera la vie au terme d'une gestation secrète.

Aristote. -  Ton explication est exacte, Jules, et ensuite qu'advient-il du destin de Robinson ?

Labesse. -  Le texte continue par une phrase qui ne peut guère se comprendre que sous l'aspect de la polysémie et si l'on s'en tenait à son sens premier et littéral, on pourrait en conclure que l'évènement qui vient d'affecter Robinson est, somme toute, à ranger dans la catégorie de l'ordinaire et du prosaïque, alors que cet "innocent" corpus nous suggère bien plutôt le contraire. Donc, à la suite de l'éclair qui a surgi au fond de la grotte et l'a illuminée dans sa totalité, la révélation est bien mince :

 

"Mais c'en était assez pour que Robinson sût que la première journée s'achevait".

 

...Cependant, Aristote, tu seras d'accord avec moi pour trouver à cette constatation de nature apparemment fataliste, une connotation plus profonde que celle qui consisterait à prendre acte de la fin d'une journée somme toute ordinaire, laquelle, en toute hypothèse, ne saurait être suivie que d'une journée tout aussi ordinaire. C'est exactement le contraire qu'il faut saisir : à savoir qu'à la suite de l'éclair ne peut se dévoiler un fait simplement contingent. L'éclair annonce plus que l'éclair ne pourrait le faire en tant que phénomène naturel, il est de nature céleste, essentielle et j'aimerais, à ce sujet, que tu puisses à nouveau m'apporter tes lumières.

  Aristote ne se fit pas prier pour prendre la relève. Ses plumes tout autour de sa tête témoignaient d'une vive impatience et il se lança aussitôt dans les dédales du savoir, sans bien s'assurer auparavant qu'il me serait loisible de le suivre dans ses explications et références multiples.

Aristote. -  Bien sûr, Jules"l'éclair" n'est pas anodin, il ne peut être assimilé à un simple feu de paille, à quelques étincelles ou à la nuée d'escarbilles que projetaient autrefois les machines à vapeur. Déjà, à la Préhistoire, les premiers hommes le redoutaient comme une divinité étrange et maléfique qui, en tous temps, en tous lieux pouvait décider de leur sort, les blesser, les anéantir même et c'est une des raisons pour lesquelles ils ont investi les grottes comme espaces de sécurité, comme refuge contre la peur immense qui surgissait des ténèbres et enflammait la crête des montagnes.

  L'éclair est devenu un symbole universel, un facteur de vie doué d'un fort pouvoir fertilisant. C'est cette dimension de puissance créatrice qui est devenue sa marque de fabrique et assure la majesté de son rayonnement. Dans de nombreuses cultures l'analogie est évidente entre "l'éclair" et l'émission de sperme. Il est assimilable à l'acte viril dont Dieu s'est investi lors de la création. Dans le même esprit,les aborigènes d'Australie le considèrent à la façon d'un pénis grandissant et fécondant. Les Pygmées(dont le nom vient du grec "pugmaios" : haut d'une coudée), le considèrent comme une arme qui, en même temps, symbolise le phallus divin et participe à la hiérogamie élémentaire Ciel-Terre. Il est aussi associé à l'élément "eau", à la pluie et sa dimension de semence céleste est douée d'universalité. Les taoïstes le relient à la fécondité, pensant qu'il ouvre le sein de la femme enceinte et provoque l'accouchement de même que la foudre fend le sein de la nue pour la métamorphoser en eau.

 

 

 

 

 

 

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