Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 mai 2016 1 30 /05 /mai /2016 13:07
Yasais, fragments de Nature.

野菜

野菜 Yasai est la traduction japonaise de végétal. Et, ici, c’est bien de végétal dont il s’agit, donc d’un fragment de nature envisagé selon l’esprit japonais. Ce peuple a toujours entretenu avec la nature un rapport privilégié dont les bonsais ou l’ikebana sont les déclinaisons les plus connues. Figuration esthétique, beauté des paysages, simplicité des fleurs dont on mettra en valeur le bouton parfait, la pureté de la tige, l’élégance d’une feuille et leur union dans une forme immédiatement saisissable aussi bien pour l’esprit que pour l’émotion.

Les Yasais voudraient s’inspirer de ce même élan en direction des choses simples, le tube d’un bambou, une inflorescence d’ail, la volute d’une mince liane, un pétale de magnolia, l’écorce d’un marron, la modestie d’un bois flotté, le lien d’une fibre de dracaena liant le tout dans une même unité. Il suffit de peu et peu est toujours beaucoup quand il est question d’aller à l’essence des choses, de montrer leur vraie nature. Car ici, il est aussi question de vérité. Le végétal ne triche pas, il se dit en un lexique simple, en une syntaxe limpide, comme si chaque chose à sa place n’en pouvait recevoir d’autre. L’art selon la perspective nipponne est un art de l’exactitude, donc de la juste mesure. Rien ne peut en être enlevé, rien ne saurait s’y rajouter. Simplicité des choses qui les remet au regard dans une sorte d’évidence, de spontanéité, la même que celle qui a présidé à leur confection. Beauté élémentaire du simple et du discret qui constitue son harmonie même. Les sensuels y trouveront une projection directe de leur perception du monde. Les puristes y discerneront les relations complexes existant entre les différentes parties végétales de manière à ce qu’un sens en émerge qui y était latent.

Bien évidemment ces créations sont inutiles, comme toute création en soi. Simplement question de regard et d’imaginaire. Ces modesties sont des microcosmes, de petites parutions de l’être qui font signe vers les grandes, ce macrocosme qui nous interroge parce qu’il nous dépasse. Dans l’anneau de bambou, la forêt des mats d’Orient. Dans le lien de fibre, toutes les textures de l’arbre et l’image du Ciel. Dans le bois flotté toute la complexité des racines et la densité de la Terre. Le shinto ne dit pas autre chose qui place l’homme dans l’univers en tant qu’élément du grand tout. Comment mieux terminer que par cette réflexion de Joan Miró disant en langage ce qu’essaient de dire ces modestes créations en termes végétaux :

"Avec le temps que je mets à travailler une toile, je commence à l'aimer, un amour né d'une lente compréhension. Joie d'arriver à comprendre dans un paysage un petit brin d'herbe - Pourquoi le mépriser? - un brin d'herbe est aussi gracieux qu'un arbre ou une montagne.

A part les primitifs et les japonais, presque tout le monde néglige ces choses divines."

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : ÉCRITURE & Cie
  • : Littérature - Philosophie - Art - Photographie - Nouvelles - Essais
  • Contact

Rechercher