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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 09:15

 

    Alors, là, ça commence à se corser. Sans doute fallait-il s'en douter. Quand un simple Magasinier prétend se mêler de philosophie, il semble qu'il y ait danger. Non en raison d'un quelconque élitisme qui ôterait,  d'emblée, la prétention à penser à un individu sous prétexte de son appartenance à un univers trop concret, réaliste, éloigné de toute considération intellectuelle. Le problème, c'est qu'avec Jules et sa bande de branquignoles, il y a toujours danger que cela dérape. Et, déjà, avec Labesse c'est certainement pas évident. Car le Magasinier est amateur de tout, friand de connaissances, chatouilleux du côté concept, avec comme un prurit permanent de la réflexion, un eczéma chronique dans les parages de l'imaginaire. Et puis un brin de lyrisme, ça gâte rien ! Et puis vouloir éprouver l'existence à la manière du minéral, du végétal, est-ce répréhensible ?  Quant à la danse de Saint Guy face à la métaphysique, ça empêche pas le monde de tourner. Et le langage, croyez-vous donc qu'il ait tiré un trait dessus ? Eh bien, non. Bien au contraire, il se complaît à fréquenter les désinences des mots, à girer infiniment sur l'orbe étourdissant du grand cercle herméneutique, chaque signification en entraînant  une autre et, ainsi, à l'infini. Ah, je vous le dis, vous vous êtes mis dans un drôle de pétrin. Suivre Labesse, cela demande, pour le moins, une santé gaillarde ! Alors courage ! C'est toujours les premiers pas qui sont les plus durs sur le chemin vers Compostelle. Et puis, tout le long du trajet, il y a des fontaines pour se rafraîchir et des auberges pour boire un canon. Y a pas de quoi désespérer !

Etre relié au Grand Tout.

 

  C'est ça qui est bien, d'être relié directement au Grand Tout, d'être une simple pierre à la face du sol; un arbuste aux racines plantées dans le limon; un gastéropode glissant sur son pied et alors toutes les rumeurs de la terre entrent en toi et tu es toi-même un fragment de la grande planète et tu n'as plus besoin d'intermédiaire, de médiateurs, d'interprètes; tu vibres quand le sol vibre, tu as chaud quand le sol a chaud, tu claques tes dents de pierre quand le gel habite la croûte terrestre; tu as mal à tes racines quand la terre se fend; ton pied long et baveux se rétrécit quand l'air chaud n'est plus que poussière et tourbillon brûlant.

  Oui, bien sûr, je la sens venir votre critique. Vous voulez démasquer la supercherie, débusquer la faille dans le raisonnement. Dans le raisonnement, bien sûr. Eh bien oui, c'est bien là le problème. Le grand saut, celui du troisième millénaire à la préhistoire, c'est, à l'évidence une pirouette, un tour de main d'un prestidigitateur, une astuce de magicien.

 

Etre auprès des choses.

 

  C'était juste pour vous dire que Jules il aimerait bien être auprès des choses en toute simplicité, dans le genre d'une intimité familiale, comme quand on se sent bien au milieu de ses amis. Seulement, pour parvenir à ça, pour être en prise directe, pour vivre la vie dans son dépliement métabolique, il faudrait plonger notre tête dans un bain d'azote liquide, la maintenir en état d'hibernation pendant que le reste de notre corps vivrait sa vie autonome, de façon quasi animale ou végétative et alors nous n'aurions plus en permanence ces espèces d'hallucinations mentales, de fulgurations obsessionnelles, de réflexions en forme de météorites qui pompent si consciencieusement notre substance et nous réduisent en quelque sorte à néant alors même que nous pensons être plus vivants que la plante, l'animal ou le minéral.

  Mais qui donc est allé voir ce que pensait une fougère, ce que ressentait un rognon de silex ? Peut être bien qu'on serait étonnés. Peut être bien que nos petites spéculations en forme de crochets, de parenthèses, de points d'interrogation ne figureraient plus alors qu'à titre d'épiphénomènes. Finalement on préfère ne pas savoir. Finalement on préfère en rester à notre "humaine condition"On préfère se poser le genre de question qui sert strictement à rien mais qui, au moins, occupe les neurones en toute tranquillité.                

 

La Métaphysique.

 

  On préfère se dire : au fait, la désinence des mots en "tude", si ça veut bien dire l'état de ce qui est fini, solitaire, nègre, alors ça a à voir avec l'Etre, ça veut donc dire avec la nature profonde des choses, avec le sens de la vie, l'essence, le fondement, l'assise primordiale, c'est une question éminemment existentielle, "ontologique" comme disent les Philosophes, lesquels ne se préoccupent, comme chacun sait, que de Métaphysique, ce qui veut dire de spéculations intellectuelles sur des choses abstraites qui n'aboutissent pas à une solution de problèmes réels. Les Philosophes, ils sont "après" la physique, "en dehors" de la physique. Et, d'un air de rien, cet"après", cet "en dehors", ça veut pas simplement signifier que tout ce qui est physique ne nous intéresse plus que comme un vulgaire artefact qui aurait trompé nos sens.   

  C'est exactement le contraire, ça veut dire qu'on est déjà passé "de l'autre côté", et "de l'autre côté"c'est des trucs comme l'Absolula Transcendancela Vérité. Vous avez remarqué les trois mots ? Avec des MAJUSCULES.

  Oui, juste pour vous dire qu'on peut pas fricoter avec ces mots comme avec de simples mots, du genre  "chaussette", "déco" ou "Adidas". Ces mots, comme disent les Futés, ce sont des concepts, c'est à dire des idées, et ces idées ce sont des notions, et ces notions ce sont des connaissances intuitives plus ou moins définies, et ces intuitions sont des savoirs directs et immédiats de la Vérité, et la Vérité c'est la proposition qui emporte l'assentiment général, et l'assentiment c'est l'acte par lequel quelqu'un exprime son adhésion, son approbation à une idée et quand ce quelqu'un se nomme Jules Labesse, ça fait en permanence dans le genre d'un shaker où s'agitent et se frappent et rebondissent inlassablement les concepts, les idées, les notions, les intuitions, les vérités, les propositions, les adhésions, les approbations et même souvent les contradictions, les réfutations, les dénégations, les irrésolutions, les aberrations, les objections, les déductions, les explications, les élucidations, les affirmations, les connotations, et je sais pas si vous avez remarqué mais le langage c'est un peu comme un carrousel ou un Grand Huit, c'est une sorte de ronde infernale, de serpent qui avale sa queue, c'est, philosophiquement parlant, un genre de cercle herméneutique, c'est à dire une théorie de l'interprétation des signes qui fonctionne sous la nécessité d'un mouvement perpétuel, ce qui fait que lorsque tu viens d'acquérir une nouvelle connaissance, c'est un peu comme si tu marchais dans la "Cité Interdite"à Pékin, passant d'une porte à l'autre, d'une salle à l'autre, d'un pavillon à l'autre sans qu'il te soit jamais permis d'atteindre la "Salle de l'Harmonie Parfaite"; là où réside le secret des Empereurs chinois.                                                                 

 

 

 

 

 

 

 

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