Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 octobre 2013 1 21 /10 /octobre /2013 08:38

 

"L’aigle, le corbeau, l’immortel pélican, le canard sauvage, la grue voyageuse, éveillés, grelottant de froid, me verront passer à la lueur des éclairs, spectre horrible et content. Ils ne sauront ce que cela signifie. Sur la terre, la vipère, l’œil gros du crapaud, le tigre, l’éléphant ; dans la mer, la baleine, le requin, le marteau, l’informe raie, la dent du phoque polaire, se demanderont quelle est cette dérogation à la loi de la nature. L’homme, tremblant, collera son front contre la terre, au milieu de ses gémissements."

 "Tous, vous la saviez cette révélation joyeuse depuis les rives à partir desquelles vous m'observiez,  m'écoulant dans mon putride égout, rat coiffé de pustules et de bubons souriants, rongeur d'une vie elle-même rongée par son gluant cloaque.  Certes, la Nature a oublié d'être généreuse avec Youri Nevidimyj, lequel, de sa plume maculée d'encre mortelle trace son portrait, l'entourant de bien hasardeux  contours pareils à la démence. Mais, ne craignez rien, affables Lecteurs, généreux déchiffreurs de secrets qui ne consentez à me suivre dans les dédales de ma glorieuse biographie qu'à attendre ma fuite de dos alors que mes omoplates soudées dessineront la cible au milieu de laquelle vous ne tarderez guère à planter vos ferrugineuses canines de vampires. Mais alors, votre ingénuité, votre regard aussi court que votre langue est fourchue, vous auront conduit directement aux portes de l'enfer. Plongeant vos dents cariées dans mon sang putride, la gangrène ne manquera de vous attaquer par le réseau subtil de vos nerfs, votre moelle épinière se métamorphosant soudain en arborescence de feu, laquelle vous comburera lentement afin que votre matière ignée prenne conscience de la vacuité dont toute votre existence aura été le vivant théâtre. Vous aurez alors tout loisir de souder votre front à l'argile nourricière, de la balayer en tous sens de vos lamentations obtuses et, croyant tutoyer le fond de la condition humaine - celle dont je suis moi-même atteint, au cas où ce détail vous aurait échappé -, vous serez  sur le cercle girant autour de son centre, là où le feu est à son acmé, là où la dernière cendre sera votre ultime pirouette à la face du monde."

      "Oui, je vous surpasse tous par ma cruauté innée, cruauté qu’il n’a pas dépendu de moi d’effacer. Est-ce pour ce motif que vous vous montrez devant moi dans cette prosternation ? ou bien, est-ce parce que vous me voyez parcourir, phénomène nouveau, comme une comète effrayante, l’espace ensanglanté ? (Il me tombe une pluie de sang de mon vaste corps, pareil à un nuage noirâtre que pousse l’ouragan devant soi). "

 "Et Toi,  Lecteur inique qui te dissimules au creux de ma mansarde d'effroi, Toi le représentant de tous les autres Lecteurs, mais aussi de tous tes semblables, savants ou analphabètes, hommes de grande stature ou petites gens, je vous sens trembler de tous vos membres devant cette trappe qui s'ouvre à vos pieds  avant que, cul par-dessus tête, vous ne basculiez dans le Néant alors que j'y réside depuis bien avant ma naissance. Et ne vous étonnez donc point de ma cruauté, elle n'est que l'envers de la vôtre, le reflet sanglant de la grande hostilité universelle qui parcourt le monde de ses membranes soufrées de ptérodactyle. Car c'est cela que je suis devenu, Oiseau antédiluvien ouvrant dans l'éther la stupide tenaille de son bec, tirant derrière lui les ergots méticuleux de ses pattes mortelles, dépliant sa voilure glaireuse où, bientôt, tels des drosophiles prosternées, vous vous engluerez  à jamais, ne sachant même pas que votre chute soudaine, vous la devez à la stupidité de vos semblables qui m'ont condamné, sans appel, avant même que j'aie commencé à exister."

      "Ne craignez rien, enfants, je ne veux pas vous maudire. Le mal que vous m’avez fait est trop grand, trop grand le mal que je vous ai fait, pour qu’il soit volontaire. Vous autres, vous avez marché dans votre voie, moi, dans la mienne, pareilles toutes les deux, toutes les deux perverses. Nécessairement, nous avons dû nous rencontrer, dans cette similitude de caractère ; le choc qui en est résulté nous a été réciproquement fatal."

 "Le mal, cette suprême beauté sans laquelle la vie ne serait pas, vous l'avez cultivé comme une fleur vénéneuse, vous l'avez entouré de vos soins méticuleux, ne percevant jamais - votre habituelle cécité vous y conduisait - ses lianes dont vos jambes, votre bassin, votre poitrine étaient envahis à mesure de la progression, de l'expansion du culte qui lui était destiné et dont vous pensiez qu'il vous délivrerait de vos propres angoisses, de votre insuffisance foncière à exister. Le Bien, le Beau étaient à des hauteurs tellement inaccessibles à votre propre incurie - vous ne souhaitiez, du reste, nullement vous hisser à une telle altitude -, qu'il vous était infiniment plus à portée de  main d'enclore en votre nécessiteuse enceinte, la médisance, le jugement biaisé, l'anathème jeté sur le premier Passant venu. Le mal, dont vous vous défendez actuellement - alors que les choses tournent au vinaigre -, de l'avoir volontairement propagé, vous en étiez traversé à la façon dont votre souffle migre dans votre corps, gonfle votre abdomen, dilate vos alvéoles. Vous n'avez jamais été que cette concrétion animée d'humeurs et de projets contraires, d'intentions inadéquates envers vos semblables dont vous perceviez la progression sur la scène du monde à la manière d'une entrave, d'un empêchement, d'une limitation de votre propre ambition cousue des fils ténus d'un massif égoïsme, d'un supposé altruisme lequel, en fait, n'était qu'un monument élevé à votre propre gloire. Oui, c'est bien cela, Vous, Moi, superbes autarcies, nous n'avons fait que progresser sur deux voies parallèles jamais confondues, jamais disposées l'une envers l'autre afin qu'un point de convergence s'ingéniât à en mêler les destins dans une manière d'harmonie  se suffisant à elle-même. Sans doute ma voix, pareille à celle de Simon du désert, se perdra-t-elle dans les mirages du sable, les hommes n'en percevant que l'irritante rumeur à défaut d'en comprendre le sens, la teneur essentielle."

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : ÉCRITURE & Cie
  • : Littérature - Philosophie - Art - Photographie - Nouvelles - Essais
  • Contact

Rechercher