Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 mai 2020 6 30 /05 /mai /2020 07:48
Esquisse d’une peine

        Œuvre : Barbara Kroll

 

 

***

 

 

Toi l’Esseulée

Comment pouvait-on te rejoindre

Tu semblais si enclose en toi

Plongée dans une méditation

Qui sans doute te dépassait

Où étais-tu donc

Qui ne pouvait se dire

Dans quel lieu d’étrangeté

Dans quel temps tissé de rien

Et ce cruel silence autour

Et cette meute de bruits dedans

Qui devait forer

En ton corps

L’incision d’un deuil

 

*

 

Vois-tu te regardant

Je me reculais insensiblement

De manière à te saisir

En ton entièreté

Mais était-ce au moins

Possible

Aperçoit-on jamais quelqu’un

Avec son passé

Son présent

Son futur

Le temps est cette idée

 En fuite d’elle-même

On cherche l’instant

Et l’on ne trouve

Qu’un peu de poussière

Le gris d’une fumée

Se perdant

Dans le corridor

Des nuages

 

*

 

Te sais-tu au moins

Nommée

Par mes soins

Entourée

 Des plus exactes attentions

Placée dans l’écrin

Qui s’essaie

Au verbe du monde

Il est si étrange

De ne rencontrer

Que la fugue des choses

Un massif de cheveux

Dans le noir

Des épaules d’albâtre

Leur chute dans le jour rare

L’angle des bras

Tel une tristesse

Les mains crochetées

Aux genoux

Suppliantes

Révulsées

Atteintes d’hébétude

Le fût des jambes planté

Dans l’indifférence du sol

Comment aborder tout ceci

Hors les mots de la déréliction

 

*

 

Autour de toi je vois ceci

Qui je suppose te rend

Invisible

A toi-même

Aux autres

Le ciel en coulée sombre

Est-ce un bronze

Un vert-de-gris

Sa nuance est si austère

Son air si dense

Jaune l’horizon

Où ne se découpent

Que des étrangetés

Un temple est posé là-devant

Avec son fronton si régulier

Une horloge y a suspendu

Son heure

Sans doute destinale

Sans doute d’effroi

Puis le noir des arcades

Mystère gonflé d’ombre

Une galerie teintée de cendre

Aux colonnes démesurées

Hautaines

Sidérées

Engluées

Dans leur propre matière

Ombres longues décidées

À entailler

À dépecer

À tuer

Le sang est déjà présent

Le long des coursives de pierre

 

*

 

Deux hommes en discussion

Mais s’agit-il de figures humaines

Leur rigidité est telle

On dirait les Marionnettes

De la Mort

Ne disent rien d’autre

Que leur absence

Des causeries des gens ordinaires

Leur funeste préoccupation

T’attendent-ils

Toi L’Insurgée

Pour te conduire à trépas

Ton immobilité est si grande

La démesure d’un marbre

La fermeture de la statue

A autre chose que son secret

Un triangle

Un rectangle d’ombre

La découpe blanche

 D’une fontaine

Une eau noire y brille

D’un inquiétant éclat

Autour la terre est un tapis

De haute laine

Qui ne laisse passer

Nul son qui viendrait

De l’abîme

En réalité il est

En toi

Vacant

Librement ouvert à ta venue

Il est l’écart qui te sépare

De ta propre présence

Es-tu autre qu’une esquisse

Sur une toile

Nous n’attendons qu’un signe

Pour venir t’y rejoindre

Sais-tu le peu de réel

Qui nous habite

Nous aussi sommes

Des songes

Des scansions que le temps

Aurait dispersées

Au hasard des routes

Longuement

Nous errons

 

*

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : ÉCRITURE & Cie
  • : Littérature - Philosophie - Art - Photographie - Nouvelles - Essais
  • Contact

Rechercher