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23 mai 2022 1 23 /05 /mai /2022 09:42
Que serais-je ?

"ma maitresse d'école..."

Image : André Maynet

 

***

 

Que serais-je sans toi,

cette éternelle absence ?

 

Ton corps était Poésie.

Ta chair était Ambroisie.

Ton esprit était Féerie.

 

Tout enfant déjà,

assis sagement sur

les bancs de l’École,

je te nommais en silence,

dans le recueil du jour,

Ma Déesse

Ma Maîtresse.

Tu ne le savais point,

 le devinais seulement,

mes yeux étaient des braises

au seuil d’un temps natif.

Ta voix, je l’aimais tout

comme on aime

 une berceuse.

Tes gestes, je les aimais

 tout comme on aime

 le chèvrefeuille,

ses odeurs intimes.

 

Que serais-je sans toi,

cette éternelle absence ?

 

Ton corps était Poésie.

Ta chair était Ambroisie.

Ton esprit était Féerie.

 

Tout adolescent, déjà,

installé dans le

derme de l’exister,

je te priais comme

on prie le Ciel de nous

prodiguer ses faveurs.

Je te nommais, dans

 le trouble de mon âge,

Ma Prêtresse

Ma Diablesse.

Tu ne l’entendais pas,

l’imaginais seulement.

Mon cœur était une glaise

au seuil d’un temps festif.

Ta voix, je l’aimais,

 tout comme on aime

un miel,

sa subtile douceur.

Tes gestes, je les aimais

tout comme on aime

le nuage au ciel,

trace si légère.

 

Que serais-je sans toi,

cette éternelle absence ?

 

Ton corps était Poésie.

Ta chair était Ambroisie.

Ton esprit était Féerie.

 

Tout adulte, déjà, hissé

au plus visible de l’âge,

je t’invoquais comme

on invoque la Terre

 pour y trouver

quelque repos.

Je te nommais,

dans la haute lumière,

Ma Druidesse

Ma Prophétesse.

Tu ne l’entendais pas,

le supputais seulement,

mon âme était une cimaise

au seuil d’un temps fugitif.

Ta voix, je l’aimais,

tout comme on aime

 une friandise,

sa délicate saveur.

Tes gestes, je les aimais,

tout comme on aime

le ruisseau dans l’ombre,

murmure discret.

 

Que serais-je sans toi,

cette éternelle absence ?

 

Ton corps était Poésie.

Ta chair était Ambroisie.

Ton esprit était Féerie.

 

Âgé, maintenant,

parvenu au

déclin de l’âge,

que me reste-t-il,

Ma Princesse

Mon Enchanteresse,

que ta voix se perdant

dans les coulisses du temps,

que tes gestes armoriant

un amour qui fut grand

de n’être pas connu de Toi,

qui fut brûlant d’être

connu de moi.

De moi avec

 pour horizon,

seulement

 

L’errance,

Oui l’errance.

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20 mai 2022 5 20 /05 /mai /2022 09:57
JUSTE…

Vers Leucate…

entre sel et vent…

Photographie : Hervé Baïs

 

***

 

[Incise – La Poésie a-t-elle un visage particulier ? Doit-elle être bucolique, lyrique, tragique ou bien joyeuse ? Existe-t-il quelque prédicat qui puisse, d’une manière exacte, en définir les contours, en tracer le site singulier ? Non, je ne crois pas qu’il faille circonscrire la Poésie à un genre, à un thème, il fait la laisser libre d’aller à sa guise, là où elle veut, au simple motif que le Langage est premier, que l’Écriveur ne dit qu’à sa suite. Ce qui, d’une manière évidente, selon moi, dicte les mots du poème, ce sont les affinités qui sont les nôtres, déterminent notre « ton fondamental » dont nos créations constituent nos harmoniques.

   Si, agissant en quelque domaine, nous nous éprouvons en tant que libres, il n’est d’autre voie, dans le sillon de l’écriture, que de suivre nos intimes inclinations. Voudrions-nous en sortir et, aussitôt, le texte sonnerait faux, les phrases claudiqueraient. Nous ne pouvons écrire qu’en vérité et chaque Lecteur, chaque Lectrice se donne comme le juge de paix qui dénicherait bien vite nos falsifications.

   Pour ceux et celles qui sont accoutumés à ma prose, il ne vous aura nullement échappé que ma pente naturelle m’entraîne, corps consentant cependant, dans la direction d’un dire orphique, autrement dit du simple témoignage de la perte dont Eurydice est l’incontournable parangon. Il s’agit donc d’une posture existentielle bien plus adoubée au tragique qu’à son contraire. Oui, car chaque mot gravé sur la feuille blanche est, en tout état de cause, perdu. Jamais l’on ne le retrouvera tel qu’en lui-même dans une énonciation qui a été singulière au motif de sa temporalité.

   Je pense que tout acte de création est acte de deuil et, comme après l’amour, l’amant est triste qui médite sur la belle assertion de Gallien de Pergame : « Omne animal triste post coïtum. »  Qui vient de lire un poème et n’éprouve ce genre de longue mélancolie peut être persuadé d’avoir lu une simple prose. Lecteurs, Lectrices, mon vœu le plus cher, après que vous aurez lu les mots qui suivent : que vos yeux soient humides et votre cœur batte la chamade. S’il n'en est nullement ainsi, je devrai faire pénitence, sinon abstinence. Merci de m’avoir accompagné jusqu’ici.]

 

*

 

JUSTE une île de fraîcheur

dans le tumulte du Monde.

Un arbre gris torturé,

un ilot de fleurs blanches.

C’est ce que l’on voudrait depuis

le plus profond du rêve.

 

La nuit, encore,

est partout étendue.

On entend bruire le noir,

on entend les poitrines

qui sont à la peine dans la

lourdeur des chambres.

Cela fait un bruit de forge

qui est bruit de l’Amour

luttant contre la Mort.

La chaleur a cloué sur

place tout essai d’exister.

 Sur les montagnes blanches

des salines, le Soleil

darde, tout le jour, sa

cyclopéenne blancheur.

On vêt ses yeux de

lourdes vitres noires,

on longe la falaise

 des murs,

on cherche l’ombre,

on se cherche Soi,

comme si l’on craignait

 de s’éparpiller,

de disparaître dans

 la rutilante fournaise.

 

JUSTE une île de fraîcheur

 dans le tumulte du Monde.

Un arbre gris torturé,

un ilot de fleurs blanches.

C’est ce que l’on voudrait

dans une gangue de silence.

 

On se lève, on titube

comme pris d’ivresse.

Non loin, sur le lac,

quelques barques de pêche

 jettent leur brindille sombre.

Nul n’est encore levé,

sauf les grands oiseaux de mer

 juchés sur leurs minces tiges.

Ils semblent méditer

tant qu’il est encore temps,

tant que le grand

charivari de la vie

n’a pas surgi

à l’horizon.

 

On se lève, on boit de

longs traits de thé glacé,

cela fait son ruissellement

de fraîcheur dans

 la dune du corps,

 cela amène l’existence

avec tant de douceur.

On voudrait n’être que

cette eau de source

et dormir au creux de

quelque sillon de terre.

Au loin, on entend

les râteaux des paludiers,

on entend le sel crisser

sous l’arrondi du bois,

 on entend le glissement

du sel sur les parois

de neige.

 

JUSTE une île de fraîcheur

dans le tumulte du Monde.

Un arbre gris torturé,

un ilot de fleurs blanches.

C’est ce que l’on voudrait

dans une offrande

faite à la Terre.

 

On est dehors, maintenant,

sous les étincelles du ciel.

La nappe de blancheur

est un plomb en fusion.

Les premiers ruisselets

de sueur dessinent

sur la peau

 leur erratique trajet.

On rêve alors d’une

conque lissée de ténèbres,

on rêve d’une Femme

 aux mains de frimas.

On rêve d’une banquise bleue

sous l’acier du septentrion.

Le long du lac, on marche

 parmi les lentilles mauves

des ophrys miroir,

les palmes du tamaris

font aux chevilles un luxe

dans l’heure levante.

 

JUSTE une île de fraîcheur

dans le tumulte du Monde.

Un arbre gris torturé,

un ilot de fleurs blanches.

C’est ce que l’on voudrait

pour seul emblème,

 pour seule joie.

 

On marche, on marche en Soi,

on marche sur le cercle du Monde.

Dans les villages de blanche torpeur,

les premiers mouvements,

les premières allégeances

à l’exister,

les premières promesses,

les premières trahisons.

 

Dans la fièvre avant l’heure

l’on ne sait plus qui l’on est,

l’on vacille en son intérieur,

 l’on ne connaît plus guère

ses propres frontières.

On est pris du mal de vivre

et l’on croque les premiers

 fruits amers et l’on se dispose

 à être Soi dans le

manque et la stupeur.

 

Au travers des croisées on

aperçoit les taches

 brunes des gravelots,

les robes noires des huîtriers,

leurs becs solaires et c’est

comme l’aube d’un langage

 naissant de l’eau,

 une aire de signification.

Un appel à être homme,

à ne nullement se renier,

à répandre son corps parmi

la multitude des choses,

 leurs plurielles esquisses,

les signes qu’elles

nous adressent

 et que, souvent, nous

ne comprenons pas.

 

Pourquoi cette

soudaine chaleur ?

 Pourquoi ces guerres

 et la chute des innocents ?

 Pourquoi l’Amour

sur fond de Mort ?

 Pourquoi ?

 

JUSTE une île de fraîcheur

dans le tumulte du Monde.

Un arbre gris torturé,

un ilot de fleurs blanches.

C’est ce que l’on voudrait

pour seul viatique,

pour seule louange.

 

JUSTE.

 

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10 mai 2022 2 10 /05 /mai /2022 17:08
Ce que veut la Beauté ?

Entre sel et ciel…

Etang de l’Ayrolle…

Photographie : Hervé Baïs

 

***

 

Ce que veut la Beauté ?

 

Au regard de la Beauté,

l’Homme est

toujours en défaut,

souvent la longe-t-il

sans même l’apercevoir.

Pourtant la Beauté demande,

pourtant la Beauté rayonne

 

Au regard de la Beauté,

l’Homme est

 toujours en excès,

disant à l’envi

qu’il en est, lui,

le Créateur,

 que sans lui,

l’Homme,

jamais la Beauté

 n’existerait,

jamais la Beauté

ne trouverait son site,

seul le regard humain

l’accomplissant,

l’amenant au

prodige de paraître.

Confondante

infatuation

de l’Homme

qui, toujours,

se veut celui

par qui tout arrive,

celui par qui

tout signifie.

Celui autour de qui

tout s’incline.

 

Ce que veut la Beauté ?

 

Se dire en tant que Beauté

N’avoir nul recours

ni à l’Homme,

ni à la Pierre,

 ni à la Plante.

Beauté est Beauté

en l’entièreté de son être.

Beauté est Beauté

sans condition

qui en expliquerait

la venue,

sans préalable

qui l’annoncerait.

Beauté est en Soi,

n’a nul besoin

d’une altérité

pour en révéler

 le royaume.

Beauté est comme la Rose

 d’Angelus Silesisus

Beauté est sans pourquoi,

vit parce qu’elle vit,

n’a cure qu’on la flatte,

qu’on l’encense.

Beauté est un être

de Haute Lignée,

Beauté est événement

que nul ne peut dépasser,

Beauté se dit du Haut

de sa Présence.

 

Ce que veut la Beauté ?

 

L’immédiateté

des choses.

Le surgissement,

à lui-même

 son propre Destin,

Le déploiement

du sens pareil

au flottement

d’une bannière

sous l’étoilement

du Ciel,

au-dessus des sillons

de la Terre

où végètent les Hommes,

cernés qu’ils sont dans

leur enceinte de peau,

limités qu’ils sont

au prix de leur finitude

 

Ce que veut la Beauté ?

 

La venue du Simple

en son Simple,

le Peu et l’aura

de sa Modestie,

la Parole en

son chuchotement

la Chair en

sa forme éthérée

l’Amour en

son illisible fuite.

Ce que veut la Beauté ?

 

Ce Ciel dans la libre

venue de son être,

sa cendre grise,

puis sa patience,

sa chute inaperçue

dans le silence blanc.

 

Ce que veut la Beauté ?

 

Le sombre des collines,

leur lent glissement

 à l’horizon.

 

Ce que veut la Beauté ?

 

Le luxe immense de l’eau,

son doux appui

sur la dalle de limon,

ce calme où les

choses s’éteignent,

cette onde souple,

elle dit l’élégance

de l’instant,

ce pli du gris entre

la toile nocturne,

 l’éclat diurne.

 

Ce que veut la Beauté ?

 

La Pierre,

la Plante,

 l’Homme,

mais à égalité

de Destin

car la Beauté

est Totalité,

jamais adresse

à l’Unique,

à la Singularité

 

Ce que veut la Beauté ?

 

Ces trois lignes

 qui traversent l’eau,

que l’eau accueille

du fond de son mystère.

Trois lignes sans nom,

elles sont le reflet de

 l’Universelle Temporalité.

Au plus proche

 la ligne du Passé,

Au milieu,

 la médiation du Présent,

la présence du Présent

en sa neuve majesté.

Au plus loin,

 le point à peine

visible de l’Avenir,

cette tout juste émergence

de nos futurs desseins.

 

Ce que veut la Beauté ?

 

Le Ciel infini

 en sa haute passée,

la Colline où sont

les Existants,

le Lac où sont

les eaux lustrales,

celles par qui nous

sommes au monde.

Et ceci,

le Monde et Nous,

n’est-ce là le lieu

de toute Beauté ?

Le lieu qui devrait être

celui de notre Sagesse,

car, seuls les Sages

ont assez de sapience

et de considération

de ce qui vient

à l’encontre.

Énoncer la Beauté,

 l’accueillir comme l’aire

de notre propre Liberté.

Rien ne saurait être Beau

qui, jamais, n’aurait

connu la Liberté.

 

Beauté, Liberté :

deux noms pour

une seule Réalité.

C’est ceci que

nous voulons,

nous les Hommes,

mais le plus souvent

ne le savons pas.

 

Ce que veut la Beauté ?

 

La BEAUTÉ !

 

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4 mai 2022 3 04 /05 /mai /2022 10:11
Le sel de la vie

 

Gruissan…le sel…

Photographie : Hervé Baïs

 

***

 

   [Incise – Parfois, il y a loin du Verbe à l’Image. Parfois le commentaire semble tutoyer un autre domaine que celui du visible. Cette poésie, comme bien d’autres, est « Poésie Métaphysique », c’est-à-dire qu’elle ne pose que des problèmes qui paraissent si loin des préoccupations quotidiennes. Et pourtant, si le Noir et le Blanc, loin d’être seulement des teintes que nous rencontrons dans l’horizon de notre regard, s’ourlent de mystérieuses connotations, rien ne vient ni du Noir, ni du Blanc en leur foncière innocence, tout vient de nous, Êtres-de-question dont seule la Mort vient clore le registre itératif.

   Alors, penser en « Métaphysicien », est-ce si grave ? Chacun en ceci, suit sa propre pente, son inclination naturelle. Cependant nul n’est plus aveugle que celui qui se voile les yeux. La conception ancienne de la Vérité chez les Philosophes antiques, se donnait sous les espèces du « Dévoilement ». En effet, cette conception paraît la plus juste pour déterminer le domaine du Vrai, au moins tâcher d’y parvenir.

   Lorsque nous regardons cette régulière et étonnante pyramide de sel, nous en voyons l’endroit, mais ne pouvons ignorer son envers. Il en est ainsi des choses, elles ne nous révèlent jamais qu’une partie de leurs multiples esquisses et il nous faut en faire le tour de manière à en posséder une visée la plus exacte possible. Bien évidemment, au sens strict, le Noir est le Noir ; le Blanc est le Blanc et beaucoup se contenteront de cette rassurante tautologie. Cependant, à énoncer ceci, le débat n’est nullement clos car, toujours le doute existe et la crainte de n’avoir perçu que d’une manière erronée, approximative.

   Sans doute les Choses nous questionnent-elles à notre insu. Alors, autant prendre les devants, la surprise est moins grande dès l’instant où elle est anticipée. Regarder, lire, écrire, penser, tous ces gestes du quotidien ne sauraient se circonscrire à leur propre énoncé, toujours des échos, des réverbérations, des sédiments qui remontent à la surface avec leur charge de mystère. La surface n’est jamais sans la profondeur. Mais nul n’est censé souscrire à cette vision. Il faut faire confiance à son propre « daïmôn » lui seul nous souffle la conduite à suivre. Belle lecture si vous lisez. JP.]

 

“Lorsque votre démon est en charge,

 n’essayez pas de penser consciemment.

Laissez-vous aller, attendez et obéissez.”

 

Rudyard Kipling

 

*

 

Le Blanc fait fond

sur le Noir.

Le Noir fait fond

sur le Blanc.

 

Parfois le Noir se

diffuse dans le Blanc.

Jamais le Blanc

n’altère le Noir.

Règle infrangible

 de l’Exister.

Le Noir est le

domaine de la Mort,

le site du Rien,

l’aire du Néant.

Le Blanc est le

lieu de la Vie,

le surgissement

du Tout,

l’espace

du Réel.

 

Le Ciel est Noir,

la Terre est Noire.

Ils sont le Ténébreux,

l’Impénétrable

par où l’Absurde

vient à nous

et nous cloue à

 notre propre stupeur.

 

La pyramide de sel

est Blanche.

Elle est la sublime Clarté

par où nous venons à nous

le temps d’une Éclaircie.

Le Blanc est Pureté.
Le Blanc est Cristal.

Il rayonne en nous

au plus profond

de notre être.

Il nous dit la Beauté

de ce qui est sous tous

 les horizons du monde.

Il nous dit le Refuge, le Pli,

mais aussi le Dépli.

Il nous dit le Verbe qui,

 un jour, troua le Noir,

donna Signe et Sens

à tout ce qui devait

croître et essaimer.

Le Verbe humain,

non le Verbe divin,

 il est trop loin,

il est trop tissé de songe,

peut-être de mensonge.

 

Le Blanc fait fond

sur le Noir.

Le Noir fait fond

sur le Blanc.

 

Le Verbe humain

brille au cœur

de la sublime Poésie.

Le Verbe humain est l’éclat

de la précieuse Philosophie.

Le Verbe humain, c’est lui

qui porte l’Art au paraître.

Le Sel de la Vie

est Sel du Langage.

Le Sel est l’Esprit

qui se lève,

féconde la

divine Raison.

Le Sel est céleste,

 il est le mercure

des Grands Penseurs.

Le Sel est le médiateur

alchimique entre

 l’Âme et la Pensée.

Le Sel est sacré, il purifie,

il protège des mauvais esprits.

Le Sel est Sel pour autant

qu’il se donne en tant

que rare, essentiel.

Il a la teneur

d’une Essence,

l’éclat de l’Idée.

 

Le Blanc fait fond

 sur le Noir.

Le Noir fait fond

sur le Blanc.

 

L’Image qui nous

raconte ceci est belle.

Elle est Essentielle,

 elle est Fondement.

Ici, une Réduction a eu lieu,

Une condensation s’est opérée.

Tous les prédicats obsolètes

ont été gommés.

Il ne demeure que

cette haute dialectique

 du Blanc et du Noir.
Il ne subsiste que

cette tension élémentaire

de la Vie, de la Mort.

Les fins Nuages disent

la Vie en sa fuite continuelle.

La Terre Noire dit

l’accueil final des Corps.

La pyramide de Sel

tient le milieu,

s’arcboute sous la

taie Noire du Ciel,

ses flancs sont la lisière,

la limite extrême au-delà

de laquelle le Verbe s’éteint,

s’annonce le Silence de l’Infini.

 

Le Blanc de la Vie a

rejoint le Blanc du Silence.

Le Blanc de la Vie

 connaît le Noir comme

ultime étape de son voyage.

Du Blanc nous sommes assurés,

tout comme nous sommes

conscients d’exister,

de parler, d’aimer.

 

Le Blanc fait fond

sur le Noir.

Le Noir fait fond

sur le Blanc.

 

Du Noir nous ne

 connaissons rien,

supputons seulement,

imaginons et c’est pareil

à un mot qui,

depuis une éternité,

n’attendait que

d’être biffé,

de retourner au lieu

de son Origine,

dans cet Invisible qui

nous questionne et nous met

au défi de le comprendre.

 

Mais que comprenons-nous

vraiment ?

Le Ciel en son immensité ?

La Terre en sa fermeture ?

Le Nuage en son

éphémère voilement ?

La beauté en son énigme ?

Le Verbe en son

inépuisable ressource ?

Que comprenons-nous

vraiment ?

 

Telle cette blanche pyramide

qui monte à l’assaut du Ciel

et sans doute ne sait

guère pourquoi

nous tendons nos mains

 vers l’Immense.

Elles sont Blanches,

uniquement Blanches

qu’un suaire Noir, au loin,

pourrait bien recouvrir un jour

si nous n’y prenons garde.

Car, toujours le Noir

veut phagocyter le Blanc.

Là est la loi de l’Exister.

Le Sel est soluble

dans l’eau.

L’eau est l’autre

nom du Noir.


 

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2 mai 2022 1 02 /05 /mai /2022 10:11
De quelle vision Aurore ?

"Aurore cet après-midi..."

Œuvre : André Maynet

 

***

 

De quelle vision, Aurore ?

De quelle vision

 est-elle atteinte ?

Que voit-elle, hormis

 sa propre empreinte ?

 

Son nom est natif.

Son nom est de pure virginité.

Son nom d’Aurore lui va si bien.

Puisque Aurore est qui elle est,

elle se lève dès avant le soleil.

Son premier geste est

d’amour pour la Nature.

Elle descend le frais

vallon empli de brumes,

elle confie son corps

aux fils de la Vierge,

elle le prête à l’eau

cendrée du lac.

L’eau fait, sur sa

mince anatomie,

une pellicule d’argent.

L’eau est son Amie

et lui veut du bien.

L’eau est la première

 lustration

 avant que le jour

ne déplie ses membranes,

ne prenne son essor,

ne vibre pour monter au zénith.

Toujours une déchirure, le jour,

toujours une douleur,

sortir de Soi et s’exposer

au fer du Monde.

Et aller au rythme

qui vous dépasse,

vous sépare de vous,

vous dispose à être

 cet Autre, cette Énigme

 dont vous ne pouvez

même pas connaître l’existence,

c’est si opaque un mystère,

si voilé qui, toujours, se retire

à la mesure de votre regard.

 

De quelle vision, Aurore ?

De quelle vision

 est-elle atteinte ?

Que voit-elle, hormis

son singulier horizon ?

 

Le rituel de l’ablution terminé,

Aurore regagne sa colline,

s’alimente d’une pomme,

de deux noix, d’un rien

et cette quête du peu

est à son image,

une douceur infinie,

une marche de ballerine,

le glissement d’un flocon

dans l’air printanier.

Aurore, jamais, ne peut

se confondre avec

une tâche ordinaire

 que la Nature aurait

déposée en elle,

au hasard de ses semaisons.

 Aurore est, tout à la fois,

une Jeune Femme bien réelle,

une Existante sur Terre

et, tout à la fois,

une manière d’Elfe

flottant au plus haut du ciel,

un oiseau ivre de sa liberté.

Ses occupations ?

Mais le terme est

si mal choisi,

tellement fardé de roture

et de sourde nécessité.

Aurore, tâchons de la dire

 en quelques mots légers.

Visage de blanche porcelaine

qu’entoure la dentelle

des cheveux,

Le nez est droit,

les lèvres légèrement

pulpeuses

que souligne un rose-thé,

une pure délicatesse.

Le cou est discrètement ombré,

 les clavicules minces,

les épaules si diaphanes,

elles se confondent avec la

trace neuve de la lumière.

La poitrine chuchote,

le nombril se noie

 dans une onde invisible,

 les bras s’effacent

 dans la modestie.

Le sexe se dissimule,

les jambes sont évoquées,

le bas du corps nous est ôté

car le sol lui-même,

n’aurait rien à nous dire

qui nous instruirait.

 

De quelle vision, Aurore ?

De quelle vision

est-elle atteinte ?

Que voit-elle qui,

nullement,

ne se signale ?

 

Car nous n’avons

pas parlé des yeux,

ces opales qui disent

 le tout d’Aurore,

le pli de sa conscience,

la faille ouverte de son être.

Ou, du moins, devraient le dire

mais échouent à y parvenir.

Ce-qui-la-regarde est trop vaste,

trop haut, trop loin d’une pensée

 qui prétendrait en atteindre

les rives escarpées.

Les yeux sont si clairs,

au risque de nous y perdre,

 de n’en jamais revenir.

Le regard est oblique,

 transparent,

perdu au fond de quelque

longue méditation.

Que voit Aurore que,

Voyeurs distraits,

nous n’approcherions

qu’à la mesure de

 notre propre vertige ?

« Aurore cet après-midi »,

 mais l’heure, le moment

ont-ils encore

 une importance ?

Aurore ne voit rien

qui pourrait se décliner

sous le nom d’une

chose du Monde.

Ce que voit Aurore ?

 Son écho, sa réverbération,

sa limpidité, le translucide

de qui-elle-est,

une fuite parmi

 le désordre de l’Univers,

 une fugue parmi

les folies de tous ordres,

une évasion, une sortie

de tout ce qui blesse

et porte le destin des Hommes

tout au bord de l’abîme.

Pour cette raison son

regard est insaisissable,

flou, en-elle-au-delà-d’elle

dans un cosmos qui toujours fuit

et ne dit nullement son nom.

En l’existence, se donnent

des distances infranchissables,

des abysses se creusent

emplies des eaux

bleu-marine du doute,

des ravines s’ouvrent

par où s’enfuit le sens,

par où notre peine est infinie

de trouver une voie

qui nous accomplirait en totalité.

Nous regardons dans le miroir

et c’est la fragmentation

qui nous revient

et c’est Aurore

au regard inquiet.

De quelle vision, Aurore ?

Qui donc pourrait le dire

 qui serait encore vivant ?

En quel endroit de la Terre ?

En quelle langue inouïe

qu’une étrange Babel

dissimulerait

dans la complexité

de son édifice ?

Quelle vision ?

 

 

 

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30 avril 2022 6 30 /04 /avril /2022 09:36
Dans le retirement de soi

 

Un homme dans le

crépuscule... croquis

 

Œuvre : Barbara Kroll

 

***

 

On est là, dans

l’indistinction de soi,

on est là dans

 le retirement de soi.

 

Aurait-on d’autre choix

que de s’absenter du monde,

de se dissimuler derrière

sa barrière de peau,

de se réfugier

au plein de sa chair,

de s’abreuver

 à son propre sang,

de se confier à la résille

blanche de ses os ?

On est là,

 mais où est-on vraiment,

ce lieu a-t-il un nom,

ce site une origine,

ce territoire une assise ?

On est là.

Mais où ?

Y a-t-il au moins

 un LÅ ?

 

Y a-t-il au moins une grève

 où allonger le parchemin

de son corps fourbu ?

Y a-t-il une crique

où cacher son désespoir ?

Y a-t-il une conque

où crier sa folie ?

 

On est là,

homme assis sur sa chaise,

pareil au condamné à trépas.

Mais qui donc pourrait

dire que l’on n’est pas

cet individu attendant,

dans le couloir de la Mort,

que sa dernière heure vienne,

que le Bourreau se présente

avec sa hache brillante,

que la lame se dispose

à moissonner cette

épiphanie si risible,

la nôtre, face au vertige

immense de la finitude ?

 

On est là, dans

l’indistinction de soi,

on est là dans

 le retirement de soi.

 

Mais qui donc,

par quel décret du Destin,

mais qui donc,

un dieu de la Mythologie,

 un Prophète à

l’invisible visage,

 un Prédicateur fou,

un Surhomme

du haut de sa Puissance,

qui donc nous incite à exister

puisque dès notre berceau

nous sommes condamnés

à n’être que cette chair dolente,

cette plante portant en soi

le suc qui la détruira,

la rongera de l’intérieur ?

Vérité muriatique qui sape

ses fondements

à même sa question.

 

 Qui donc ?

Y a-t-il, quelque part,

un Seigneur à la haute Parole

 dont le Verbe nous porterait à l’être

à la seule hauteur de son souffle ?

Mais que cesse la comédie,

mais que quelqu’un de sensé

nous dise notre Mirage,

notre Illusion,

que quelqu’un de droit en sa vérité

nous dise l’immense bouffonnerie,

l’incroyable commedia dell’arte

 au gré de laquelle nous ne sommes

que de pitoyables Polichinelle,

 notre bosse nous condamne à n’être

que des Baladins,

des Saltimbanques

dupes du jeu même

qu’ils fomentent

 à leur propre encontre,

auto-mutilation,

 autodafé,

nous sommes des livres

que le feu consume

pour n’avoir pas su écrire

 les phrases exactes du Poème,

nous en sommes restés

 à des langues vernaculaires

qui se sont effondrées de l’intérieur

 de notre inconsistance et nous avec.

 

On est là, dans

l’indistinction de soi,

on est là dans

 le retirement de soi.

 

L’Homme-Mystère,

l’Homme-Scindé,

l’Homme-Fragment

 nous le devinons

 dans cette ombre

qui le confond

 et le reconduit

dans les ténèbres

du Néant.

Voyez son peu de présence.

Voyez sa privation de Langage.

 Voyez son corps de Mannequin,

on dirait le Spectre Métaphysique

tout droit venu des

« Muses inquiétantes »

d’un Giorgio de Chirico.

Simulacre,

simple Simulacre.

Il n’est venu à soi

qu’à s’effacer,

à renoncer à qui il est.

Modestie ?

Arrogance voilée ?

Renoncement à paraître ?

Rien, autour de lui,

ne profère

qui pourrait le sauver.

Les murs ont le gris,

 la réserve du deuil.

Le tableau au mur

ne présente rien que

 l’esquisse d’une angoisse.

La table est vide

que n’habite nul mets.

La vêture se teinte

 d’une lourde mélancolie.

Le pantalon a la couleur livide

de qui a vu l’insoutenable.

En réalité,

n’est-ce l’Homme

qui ne parvient

 à soutenir son effigie,

qui retourne au lieu même

 de son Enigme ?

 Est-ce ceci ?

 

On est là, dans

l’indistinction de soi,

on est là dans

 le retirement de soi.

 

 

 

 

 

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28 avril 2022 4 28 /04 /avril /2022 09:46
Tout est au silence

 

Quand vient le soir …vers Peyriac de Mer…

Photographie : Hervé Baïs

 

***

 

Tout est au silence

Tout est au retrait

 Tout est au repos

L’heure hespérique

 est arrivée

que nul n’attendait

 

L’heure orientale,

l’heure originaire est distante,

elle qui appelait le jour,

appelait les Hommes

 à ouvrir la carrière,

à faire fond sur

le bruit du Monde.

Mais il y a loin

de la coupe

 aux lèvres

et la naissance du jour,

sa mesure de source,

n’a guère plus de présence

que le lampyre dans

l’herbe dense de l’été.

Courte est la mémoire

 des Hommes,

 légère la conscience

d’une dette.

Et pourtant l’aube

est un précieux joyau

remis entre leurs mains,

une pépite qui brille

à l’ombre de leurs

corps oublieux.

C’est dans l’ombre

portée des Hommes

 que se dissimule la clarté,

que végète le sens premier,

cette longue efflorescence

 qui, jamais, ne devrait être

remise à sa peine,

murée qu’elle est

dans le silence cotonneux

 des bouches closes,

infiniment closes.

 

Tout est au silence

Tout est au retrait

 Tout est au repos

L’heure hespérique

 est arrivée

que nul n’attendait

 

L’heure est longue,

immobile,

 dont nul ne perçoit

le mystère,

l’appel, la plainte

au seuil de la Nuit,

cet avant-propos

de la Mort.

Une longue parenthèse

de ténèbres envahira tout,

les fronts soucieux,

les lèvres scellées,

les rêves étroits,

ils seront tels des meurtrières,

des couleuvrines par où rien

ne se laissera voir

que la suie du désespoir,

la perte des projets,

l’extinction des desseins.

Nul ne questionnera

l’avenir des Errants,

il sera d’avance scellé,

 aussi étroit que

la peau de chagrin.

Les Distraits se seront

laissés piéger à confier

leur futur à leur cécité,

à leur surdité natives.

  

Tout est au silence

Tout est au retrait

 Tout est au repos

L’heure hespérique

 est arrivée

que nul n’attendait

 

Et pourtant,

l’heure hespérique

ne porte en soi

nulle malédiction.

Elle ne surgit qu’à

inviter les Fugitifs

à traverser le gué,

mais dans l’ouverture,

mais dans la lucidité.

Les Hommes sont au foyer,

devant leur bol de soupe.

Les oiseaux sont au nid.

Les chiens couchés

dans leurs niches.

Tout autour

une grande beauté

vacante avant que

tout ne s’efface.

Le Ciel passe tout là-haut

dans son suaire d’argent

voilé de noir.

Les Nuages s’attardent,

pareils à des enfants

primesautiers.

La colline,

 badigeonnée

 de sombre

 connaît déjà sa nuit.

L’Eau du lac est

du platine ruisselant

que ponctuent les signes

sourds des flamands,

semés ici et là,

 ils sont les premiers

mots du songe,

l’évasion hors de soi,

l’essai de se distraire

de l’étreinte de la Nuit.

Les Herbes aquatiques

se hérissent de picots,

brumes fuligineuses

 où rien ne se donne

qu’un illisible rébus.

 

Tout est au silence

Tout est au retrait

 Tout est au repos

L’heure hespérique

 est arrivée

que nul n’attendait

 

Dans les anxieuses casemates,

dans les cubes de béton,

des mains se cherchent,

des bouches se devinent,

des sexes entonnent

 un Hymne de la Joie,

mais si léger,

si éphémère.

Que peut-il contre

les morsures de la Nuit,

contre les entailles

de la Mort ?

Pathétiques sont

les mouvements,

 tragiques sont les

gestes qui griffent l’ombre.

Les ongles couleur de

rubis se révulsent,

les boules des genoux

se choquent,

les râles font leur

bruit de râpe,

leurs lancinantes

stridulations.

On dirait une nuée

de sauterelles

 ombrant le Désert

de leur vol serré.

 Bientôt l’Obscur

aura tout phagocyté.

 Bientôt l’Inconscient

 aura commis

ses basses œuvres.

Bientôt le Sommeil

aura glacé jusqu’au

moindre désir.

L’heure hespérique

aura accompli ce qu’elle

devait accomplir,

amener les hommes

tout au bord du jour,

les livrer aux délices

de l’heure nouvelle.

Le temps est un

Éternel Retour.

A nous, les Hommes,

d’en décrypter le sens.

 

Tout est au silence

Tout est au retrait

 Tout est au repos

L’heure hespérique

 est arrivée

que nul n’attendait

 

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26 avril 2022 2 26 /04 /avril /2022 09:42
Être des lisières

Œuvre : André Maynet

 

***

 

Êtres des Lisières

Ils sont nos doubles

Ils sont cette part

Qui nous a désertés

Nous la voulons

Mais jamais n’osons

Lui donner site

Une telle douleur

D’arriver à Soi

 

Êtres des Lisières,

on les devine si peu,

ils nous frôlent

tel un vent léger et déjà

plus rien ne paraît

qu’une vaste vacuité

autour des choses.

Êtres des Lisières,

ne nous sont-ils

chers qu’inaperçus ?

Ils ont l’étoffe

d’une feuille d’automne,

la constance menue

d’une giboulée,

 le vol souple

du papillon.

Ils sont là, au loin,

alors que nous les

attendions ici.

Ils sont d’hier et nous

sommes au présent.

Ils sont de haute volée

et nos pieds sont

lourds de poussière.

 Ils murmurent

tel le ruisseau

et nous sommes assourdis

 de notre propre rumeur,

parfois de notre hébétude.

 

Aux êtres des Lisières,

aux êtres de Passage,

 il faut s’ouvrir,

entailler notre chair,

les loger

au plus précieux,

au plus discret

de qui nous sommes,

des Êtres de Perdition,

nous n’avons plus souvenir

de notre naissance,

notre enfance fuit,

notre vieillesse approche

et nous avons vécu si peu,

harassés par notre sort,

 soumis à la rigueur

de notre destin.

 

Êtres des Lisières

Ils sont nos doubles

Ils sont cette part

Qui nous a désertés

Nous la voulons

Mais jamais n’osons

Lui donner site

Une telle douleur

D’arriver à Soi

 

Nous les pensons

aux antipodes,

Ceux, Celles  

des Lisières,

ils tutoient notre peau

de leurs ailes de gaze.

Nous les croyons absents,

ils font notre siège avec

une merveilleuse douceur,

une attention

de tous les instants.

Moins nous les convoquons,

plus ils vibrent en nous,

un poème dont nous ne savons

percevoir l’exacte mesure.

Être des Lisières,

voici qu’une image s’annonce,

qu’une Blanche Esquisse

ouvre le puits de nos pupilles.

Alors nous accommodons,

alors nous aiguisons

la pointe de notre vision.

Une Silhouette est

discrètement levée.

Elle ne dit rien,

ne demande rien,

n’implore rien.

Elle est en Soi

pour qui la regarde

et la reconnaît pour sienne.

Elle est pure donation

alors que nous ne

sommes que réserve.

Son âme, elle l’a vêtue

de la plus extrême modestie,

une chair si économe, si étroite,

on penserait à la minceur

de la libellule,

au frêle rameau dans le vent,

 à la résille d’eau d’une pluie.

Tout en elle dit la pudeur

 et son ombre subtile

est le témoin

de ce retrait,

de ce silence

qui la constitue,

nous la livre dans

l’espace d’un

dénuement.

Nous la regardons

telle l’Étrangère

mais elle n’est

que notre propre halo,

notre empreinte à peine

appuyée sur les choses,

notre souffle

porté au Monde.

 

Êtres des Lisières

Ils sont nos doubles

Ils sont cette part

Qui nous a désertés

Nous la voulons

Mais jamais n’osons

Lui donner site

Une telle douleur

D’arriver à Soi

 

Qui sont-ils

ces Êtres

des Lisières,

quel mystère

les nimbe-t-il

qui les soustrait

à notre attention ?

Qui sont-ils ?

La mesure inaperçue

 de notre inconscient ?

Notre esprit déserté d’idées ?

 Notre imaginaire à son étiage ?

L’impossibilité de l’amour

à proférer son nom ?

Qui sont-ils ?

 L’invisible césure

entre Soi et Soi,

cette inconnaissance

de notre part de ténèbres,

du vide qui se creuse en nous,

de la béance qui nous vient,

nous ne savons plus

ce qui nous habite,

 l’espoir, le doute,

 la Vie, la Mort ?

Ne redoutons-nous

d’en tracer l’esquisse,

de leur attribuer

des significations,

de les installer dans

 la nécessité du réel ?

 

Êtres des Lisières

Ils sont nos doubles

Ils sont cette part

Qui nous a désertés

Nous la voulons

Mais jamais n’osons

Lui donner site

Une telle douleur

D’arriver à Soi

 

Le lexique est

si menu,

 le bourgeon de la

poitrine si étroit,

 les bras deux sarments,

les jambes deux tiges,

les pieds à peine

posés au sol.

En son dénuement,

en son indigence,

Être des Lisières se manifeste

comme la question que jamais

nous n’osons nous poser,

de peur que la réponse

ne nous conduise

dans les limbes :

 existons-nous vraiment ?

Ou bien sommes-nous

les personnages de

papier d’un livre,

l’aquarelle qu’un Artiste

a ébauchée sur la toile,

 le premier son d’une fugue,

l’entaille dans la pierre,

la goutte suspendue au ciel

qui, jamais, ne tombera,

un simple frimas dans

l’air que l’oiseau traverse,

le dernier mot d’une

histoire qui s’achève ?

Oui, nous questionnons

et demeurons au bord

de la question.

 

Êtres des Lisières

Ils sont nos doubles

Ils sont cette part

Qui nous a désertés

Nous la voulons

Mais jamais n’osons

Lui donner site

Une telle douleur

D’arriver à Soi

 

Un tel vertige

 nous saisirait

 à seulement connaître

 l’épilogue de la fable

que nous sommes.

Un Être des Lisières

nous aussi,

une aventure

sur le point de se clore,

un mince événement pareil

à ces bulles qui remontent

des grands fonds,

chargées d’obscurité

et de néant,

 elles s’évanouissent

dans le jour qui vient,

sans bruit, sans témoin,

mot qui s’éteint

 à même sa venue.

 

Êtres des Lisières

Ils sont nos doubles

Ils sont cette part

Qui nous a désertés

Nous la voulons

Mais jamais n’osons

Lui donner site

Une telle douleur

D’arriver à Soi

 

 

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22 avril 2022 5 22 /04 /avril /2022 09:55
Cette ligne d’oiseaux

Entre sel et ciel…vers Peyriac de Mer…

Photographie : Hervé Baïs

 

***

 

Cette ligne d’oiseaux

Sur le désert du Monde

 

Cette ligne, seul langage

Qui me reste de toi

Vois-tu, j’ai dû m’exiler

De moi-même

M’oublier et n’inclure

Dans mes propres limites

Que cette image

Qui me parle de toi.

 

 

Certes le présent est modeste

Qui t’apporte, en même temps

Te soustrait à qui je suis,

Un homme aux mains vides,

Aux yeux désertés de larmes.

Car, sans doute le sais-tu,

J’ai trop pleuré pour connaître

La pluie bienfaisante

Au seuil de mes paupières.

Et, du reste que

Sert-il de pleurer,

On ne pleure jamais

 Que sur le malheur

De sa propre condition.

 

Cette ligne d’oiseaux

Sur le désert du Monde

 

Tout, autour de moi,

Est dépeuplé,

 Tout m’est solitude,

L’ample paysage vastitude,

La vie devant moi finitude.

Quelle dette ai-je

Contractée à ton égard,

Dont nul acte, jamais,

Ne pourra effacer la trace ?

Ta présence était un Soleil,

Une haute lumière,

Ton absence est de Lune

Et de froide Nuit.

T’imaginer est infinie douleur,

Plus forte que les promesses

Faites entre Amants.

Cruelle image

De dépossession,

Plus je m’éloigne,

Plus un peuple infini

De ruisselets

Me ramène à toi,

Me cloue à demeure

Et le jour sera long

Qui ne connaîtra

Nul crépuscule,

Sauf celui de mon âme

En proie aux hallucinations,

 Aux longues dérives,

Aux flottements entre

 Deux rives oniriques

Pareillement dépeuplées

De toute signification.

 

Cette ligne d’oiseaux

sur le désert du Monde

 

Je ne peux m’empêcher,

Ne serait-ce que

 Par la pensée,

De convoquer l’eau,

Le ciel, la colline,

Les oiseaux qui furent

Les témoins d’une passion

Qui n’eut d’égale

Que le feu de Bengale

 Qui en détruisit

La possible postérité.

 

Le ciel en sa

Poudre noire ?

C’est Toi.

Le ciel qui blêmit

 Et vire à la neige ?

C’est Toi.

La colline de suie

Couchée sur l’eau ?

C’est Toi.

La ligne fuyante

D’oiseaux ?

C’est Toi.

La plaque luisante

De l’eau ?

C’est Toi.

 

Ma litanie, l’évocation

De ce qui, un seul jour,

Fut notre écrin n’a pour but

Que de t’extraire

Du monde des songes,

De te rendre plus réelle.

Deviendrais-tu ainsi saisissable

Et ma joie serait assurée

Au prix de ma folie,

 Certes, de ma folie.

Mais plutôt connaître

 La lame froide de la démence

Plutôt que de te perdre.

 

Si j’y retourne désormais,

 Que me dira

Ce beau paysage lacustre ?

Que me diront

Toutes ces choses

Qui n’avaient de sens

 Qu’à t’approcher,

Å te fêter telle une Reine ?

 

Cette ligne d’oiseaux

sur le désert du Monde

 

Non, ne souris pas

De mon cruel désarroi,

 Il est tissé de ta chair

Et pourrait bien,

 Un jour prochain,

Te métamorphoser

En statue de sel.

Libre ? Tu ne l’es plus depuis

Que j’ai pris possession de Toi,

Depuis que mon regard

t’a aliénée,

Que mes mains

t’ont désirée,

Mes illusions

t’ont fascinée.

Certes tu n’es pas à moi

Mais tu n’es pas plus à toi.

Tu es Celle que mon esprit forgera

Å l’aune de mes rêves les plus fous.

Tu seras Celle que j’aimerai

Au plus haut du ciel,

Celle que j’aimerai

Å la lumière du jour.

Celle que j’aimerai

Sur la terre noire.

Celle que j’aimerai

 Comme j’aime

Cette grise ligne d’oiseaux.

Celle que j’aimerai telle Ophélie

Connaissant sa dernière eau.

Et je serai Celui qui te rejoindra

Au-delà de ta chair

Dans cette âme liquide

Que tu seras devenue.

 

Cette ligne d’oiseaux

sur le désert du Monde

 

 

 

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17 avril 2022 7 17 /04 /avril /2022 10:24
Comme un signe sur l’eau

 

« Entre sel et ciel

Pointe de l’Angle »

 

Photographie : Hervé Baïs

 

***

« Un signe nous sommes,

privé de sens … »

 

Hölderlin

 « Mnémosyne »

 

*

Comme un signe sur l’eau

Un chemin s’ouvre

Nous faut-il le suivre ?

 

Vois-tu, il en est de la vie

comme des choses,

elle passe, suit son cours

et toujours nous sommes

orphelins de son être.

Toujours nous sommes

en avance.

Toujours nous sommes

 en retard.

Y a-t-il eu,

au moins une fois

dans notre existence,

cet instant magique

qui nous eût permis

de coïncider

avec nous-même,

d’être en accord,

de sentir,

au fond de nous,

le fruit d’une plénitude ?

Nous cherchons,

nous lançons nos mains en avant,

mais nous ne saisissons jamais

que notre propre effroi,

notre propre vide.

As-tu- déjà éprouvé,

Toi l’Étrangère,

dans le pli secret

 de ta chair,

plus qu’une once

de solitude,

 une réelle joie

de te percevoir

en ton entièreté,

de ne nullement laisser,

 derrière toi,

ces traces de perdition

qui te déterminent

en ton fond ?

Nous, les Hommes,

vous les Femmes,

sommes des archipels

qu’une eau claire a désertés,

 il ne demeure qu’un

sable infertile qui,

loin de nous réunir,

nous disperse,

pareil à ce pollen printanier

 qui, jamais, ne connaît

le lieu de sa destination.

Il erre, de-ci, de-là,

se confiant à ce qu’il croît

être son destin

 mais qui n’est

que pure perdition.

 

Comme un signe sur l’eau

Un chemin s’ouvre

Nous faut-il le suivre ?

 

Toi l’Étrangère

en ta native étrangeté,

- mais ne sommes-nous déjà

étrangers à nous-même ? -,

Toi qui poursuis

ton chemin à l’aveugle,

aperçois-tu le désespoir

qui nimbe ma tête

d’une auréole floue,

diaphane,

mes yeux y perdent

leur pouvoir de voir ?

 Seules demeurent des larmes

 pareilles à un cristal vibrant.

Non, je ne cherche

nullement

ta compassion.

Non, je ne cherche

nullement

ton amour.

Non, je ne cherche

 nullement

ta considération.

Compassion est inutile.

Amour, jamais,

 n’est exaucé.

 Considération est toujours

considération de Soi.

Ceci, l’Étrangère,

tu le sais,

ceci qui nous désigne

tels des Iliens

dont même l’Île

aurait perdu ses contours,

se dispersant parmi

les flots de l’incertitude.

 Me trouveras-tu

 pessimiste ?

penseur triste ?

 Homme aux

abyssales pensées ?

S’il en est bien ainsi,

tu auras tracé

les limites d’une Vérité,

 tu auras donné

à la Condition Humaine,

dont je suis l’illisible fragment,

ses lettres de noblesse.

L’Humaine Condition est bâtie

autour d’un vide

et les milliers de langages

 de notre hystérique Babel

n’y pourront rien changer.

Jamais le vide

ne s’habille de paroles,

 le vide est silence,

 le silence est le chiffre

du nul et du non avenu.

Le silence est la matière

qui nous habite avec sa

plus constante détermination.

 Parfois nous croyons

proférer des sons,

articuler des mots

mais ce sont les mots,

 les sons qui abusent de nous,

se jouent de qui-nous-sommes,

nous faisant croire

à notre illusoire prestige.

Nous ne possédons

nullement le Langage,

c’est le Langage

qui nous possède

et décide de nous

jusqu’en nos murmures

les plus inaperçus.

 

Comme un signe sur l’eau

Un chemin s’ouvre

Nous faut-il le suivre ?

 

Toi, L’Étrangère,

je vois ton regard se porter

sur ce lumineux paysage.

Je devine, en toi,

ces milliers de ruisselets

d’un espoir qui voudrait

la transparence,

 qui voudrait le SENS,

au moins une fois accompli.

Oui, ce paysage est beau

 qui pourrait se décliner

sous les mots de Joie,

de Félicité, de Bonheur.

Certes, mais tu le sais,

tout comme moi,

un mot s’absente

qui fait s’écrouler

le château de sable

 de nos croyances.

 Ce mot qui manque,

ce mot qui résonne

de sa privation,

je le vois se former

sur la douce pulpe

de tes lèvres,

 je le vois s’inscrire

en lettres Majuscules

 sur le parchemin

 de ta peau :

 

SACRÉ

 

   Ce que disait le Poète Hölderlin,

c’était bien la perte du Sacré,

les dieux nous sont loin

dont nous n’entendons

plus la voix.

Ayant perdu les dieux,

 nous nous sommes perdus

à nous-même,

 nous avons fait

de notre solitude

le lieu d’une geôle.

Mais regardons

tant qu’il est encore temps

et disons la Beauté en son

immédiate signification.

 Le Ciel court là-haut,

tout là-haut,

là où sont les dieux

qui ne cherchent

même plus à nous voir,

le Ciel est leur seule patrie,

le Ciel est leur seule ouverture.

 La Terre est parcourue

de trop de failles,

la Terre est semée

de lézardes dans lesquelles

les Hommes se fourvoient.

 De fins Nuages,

à peine une gaze,

glissent sous la

pellicule du Ciel.

Peut-être ne sont-ils

qu’une joie qui s’efface

 et s’épuise à nous dire leur être,

nous ne le voyons pas.

Blanche est la ligne de l’Horizon.

Pure est la ligne de l’Horizon

qui se dissout dans la résille dense

de notre indifférence.

L’Eau est une grande

plaine neigeuse,

un genre d’âme qui flotte

et ne connaît nulle limite.

L’onde est si claire,

si lumineuse,

nos yeux s’y abîment

et en ressortent éblouis,

égarés.

Ils ne savent plus y lire

la belle mesure de la Poésie,

 ils ne savent plus y déchiffrer

la lettre de ce qui vient à nous

dans la pure faveur,

la grâce infinie des choses.

Et que sont ces Bâtons Noirs

qui émergent du Néant ?

 Et que sont ces Portiques,

 vers quel Mystère

nous conduisent-ils

dont nous avons désappris

le singulier alphabet ?

Nous sommes placés là,

 entre Ombre et Lumière,

 nous sommes d’étranges

Clairs-Obscurs,

 des êtres de Présence

dont une Absence

vient aussitôt ôter

la prétention à être.

Vois-tu, L’Étrangère,

si je peux te rassurer,

c’est à moi que je suis

le plus Étranger.

J’ai perdu le chemin

du Sacré,

celui qui dit l’Être

en sa multiple splendeur.

 Mon propre chemin,

si tu m’as suivi.

M’aideras-tu

à le retrouver ?

Je suis si séparé

 de-qui-je-suis,

je suis la Césure même

 par laquelle le Vers se dit,

 je suis le Milieu du Gué.

Aide-moi à franchir

la distance

qui me sépare de moi.

Là seulement sera

la réponse à l’énigme.

Deux moitiés assemblées

 forment-elles une Unité ?

Es-tu cette Moitié

au gré de laquelle

gagner ma complétude ?

Non, ne réponds pas,

le Silence sera ta réponse,

l’Attente ma Joie.

 

Comme un signe sur l’eau

Un chemin s’ouvre

Nous faut-il le suivre ?

 

 

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