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19 février 2020 3 19 /02 /février /2020 16:18

   Elle qui se penche sur sa propre venue, nous pourrions la nommer « Suppliante », mais alors nous la cernerions d’une inquiétude qui la vouerait aux gémonies pour avoir demandé la vie avec une insistance peu conforme à sa modestie. Nous pourrions la nommer « Curieuse », mais nous apercevrions vite combien ce prédicat offenserait sa naturelle réserve. Nous pourrions la nommer « Désirante », mais nous anticiperions sur un sentiment qui, peut-être, ne bourgeonne point encore chez quelqu’un qui n’est pas réellement née, qui s’annonce seulement depuis les marges éloignées de l’espace et du temps.

   En réalité il conviendrait de ne nullement la nommer, de lui laisser l’entière liberté d’être qui elle sera, dont encore le sceau tremble à l’horizon du pensable sans que, nous-mêmes, soyons bien assurés de penser. Et la Pensée, ce geste à nul autre pareil, est-il en notre possession ou bien est-ce nous qui l’avons posée, là, au bout de notre pinceau, de notre gouge, de notre plume ?

 

Nous redoutons la page blanche

et, en même temps, l’attendons.

Nous n’existons vraiment qu’à en être

le vacillant écho…

écho…

écho…

 

Serions-Nous écho au large des choses ?

L’Art serait-il écho de qui-nous-sommes ?

L’Être serait-il écho de l’Art ?

 

Echos en abyme

qui ne finiraient jamais

de dire le mystère

de la Présence,

oui, de la PRESENCE !

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19 février 2020 3 19 /02 /février /2020 16:15

   Regardée, entendue, reconnue, la chose, quelle différence donc avec nous les hommes qui ne pourrions vivre si de tels actes ne nous visaient et ne nous conduisaient à être qui nous sommes, de tremblantes incertitudes qui, toujours, avons besoin de la confirmation réitérée de notre nature, faute de quoi la page serait infiniment blanche et éternellement divisée quant au destin qui pourrait y figurer ?

Visible, Invisible ?

Parlant, Muet ?

 Présent, Absent ?

 

   Les choses, parfois, sont si éthérées, si diaphanes, si transparentes qui nous communiquent leur fragilité de verre, leur consistance de grésil dans le ciel teinté de gris, leur chute de cendre devant les scories du monde.

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19 février 2020 3 19 /02 /février /2020 16:13

Oui, une œuvre existe au même titre que vous et moi. Elle est insérée dans le réel, elle modifie le monde en un certain sens puisqu’elle en métamorphose le cours paisible. En effet, chaque chose tirée de la nasse insondable du néant, a réelle valeur ontologique.

 

Elle est ici et là

en son incoercible présence.

Elle demande à être regardée.

Elle demande à être entendue.

Elle demande à être reconnue.

A être regardée car chaque chose

ne peut venir en présence qu’à être vue.

Ne le serait-elle qu’elle n’aurait plus de valeur

que cette irisation de brume

s’élevant du vallon et se perdant

sur la vitre lisse du ciel,

surface anonyme

qui ne fait face qu’à l’aune

du nuage qui s’y imprime,

de l’oiseau qui en raie

l’immensité océanique.

A être entendue car le langage est le motif

au gré duquel une chose peut se signifier

et dire le dessein de sa venue.

A être reconnue car il est nécessaire

qu’une altérité témoigne d’une chose,

en déploie l’exister si mince,

il pourrait disparaître

au premier souffle du vent.

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19 février 2020 3 19 /02 /février /2020 16:11

       Commentons, simplement. Il n’est nullement indifférent qu’au bord de la question de la page blanche et de son angoisse constitutive se tienne, comme en retrait, ce genre de Nymphe gracile et éthérée qui constitue l’habituelle représentation des œuvres d’André Maynet. Sorte d’étrange posture narcissique selon laquelle le Sujet de l’œuvre se pencherait sur le mystère de sa propre advenue au monde des formes et des esquisses signifiantes. Cette image transposée dans l’univers des métaphores humaines se donnerait telle celle de la future petite Eve qui, du fond d’un illisible univers, scruterait sa possibilité de figuration parmi le fourmillement et l’incroyable diaspora du monde.

   Elle, Nymphe, est située au passé, encore dans le trouble et l’inconsistance du non-être, attentive à débusquer en quelque endroit de ce visage de neige et d’écume, l’image, fût-elle hallucinée, de qui elle pourrait devenir à la suite de quelques tracés de graphite, de quelques coups de brosse, peut-être de passages de gomme ou d’estompe qui joueraient de son apparition-disparition, bizarre clignotement faisant paraître l’exister et le néant d’exister au rythme de la temporalité artistique. Combien le pouvoir de tout Artiste est prodigieux, lui qui,

d’un seul trait,

d’un seul mot,

d’un seul geste,

décide de destinées qui étaient en réserve et s’impatientaient de se connaître en tant qu’existences neuves et plénières. Mais combien aussi ce pouvoir se constitue en source d’angoisses continûment renouvelées !

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19 février 2020 3 19 /02 /février /2020 16:07

"La fatidique angoisse de la page blanche..."  trouve donc ici le lieu et le temps de sa parution. Serait-elle ôtée de toute expérience que rien ne pourrait se manifester et que les tentatives esthétiques se réduiraient à de simples formes occluses en elles-mêmes, peut-être ne trouveraient-elles jamais le lieu de leur être. Nous pourrions argumenter ainsi, au fil des pages blanches, accumuler les notations abstraites, développer toute une argumentation conceptuelle qui demeurerait, en une certaine manière, hors de visée, au motif qu’elle n’élaborerait que des contours sans déterminer en quoi que ce soit la substance même qui constitue la trame intime du réel, nous voulons dire, de ce réel si singulier, étonnant, qui aboutit au surgissement d’une œuvre. Et tout ceci est si mystérieux, si magique, que l’Artiste même ne pourrait vraiment dire comment tout ceci a été possible, quelles ont été les sources de son inspiration, quel enchaînement subtil de causes et de conséquences ont abouti à tel dessin, telle esquisse, telle forme brillant au ciel comme une étoile.

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19 février 2020 3 19 /02 /février /2020 16:05

   "La fatidique angoisse de la page blanche...", nous dit l’Artiste en cette énonciation pleine de vérité. Et pourquoi donc est-elle « pleine de vérité » ? Sans doute, d’abord, au gré d’une intuition. Nous sentons que ceci est juste mais il nous faut en deviner la source profonde. Pour ceci il suffit de reprendre chaque mot et d’en faire lever le germe.

   « Fatidique » dit combien le destin est à l’œuvre qui nous appelle à être de telle manière et non d’une autre. Donc l’énigmatique Destin a tracé pour nous la voie de l’art qu’il nous est rendu obligatoire de suivre sans jamais différer de ce qu’il est en sa pure essence, la remise d’une grâce, un don à faire fleurir au plus haut de nos pensées.

   « Angoisse » dit ensuite, sous ce don, la crainte qu’un jour, il puisse nous être retiré et alors ce serait comme un vide, un abîme qui traceraient la dimension de notre perte.

   « Page », oui, parce que, dans l’ordre symbolique, l’art nous tend une page et cette page est comme le devoir dont s’acquitte un enfant sage, recouvrant de milliers de signes sa surface. Or, si nous sommes créateurs, nous sommes invités à vivre dans cet univers de hiéroglyphes, de traces, d’empreintes que nous déposons sur le Vergé attendant le dessin, dans le bois ou le bronze sculptés, dans le Journal qui reçoit nos quotidiennes confidences.

   « Blanche », enfin, car cette couleur si absente de toute couleur est la virginale présence, la matrice ouverte à la profusion dès l’instant où se déplie la corne d’abondance dont elle était en attente.

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15 mars 2019 5 15 /03 /mars /2019 09:34

Vision pénétrante de Rubens

 

   Et puisque nous évoquions l’écorché, comment ne pas faire place à cette autre vision dantesque de Rubens, lequel gravant dans le métal les fibres, les tendons, les ligaments, les aponévroses, les faisceaux de muscles, nous livre en sa confondante posture ce qui n’est plus homme, qui n’est encore ce cadavre dont seuls les os subsisteront pour témoigner d’une existence parvenue à son terme. Et quelle technique autre que la gravure aurait pu en restituer l’insoutenable splendeur ? Oui l’effet est saisissant qui nous conduit à manier la figure contrastée de l’oxymore. C’est ainsi, toute douleur exacerbée, toute représentation d’une anatomie souffrante nous offre le luxe de sa  beauté. Or, par « beauté », il faut entendre ici le lieu d’une flamboyante vérité. Cet écorché dont la tension est extrême, résiste de toutes les fibres de son corps (ces hachures, ces croisements de lignes, le jeu du plein et du vide, la précision de scalpel du trait, de son exactitude, de sa rigueur, de sa monosémie)  résiste donc   à l’appel du rien, à l’invite du néant par lesquels faire se dissoudre la présence humaine. Or cet ultime héroïsme est beau à la manière dont une vertu habille celui qui en est le dépositaire  d’une auréole de clarté. Mais quel procédé hormis la gravure aurait permis cette précision chirurgicale, cette brillante dissection, cette turgescence des nervures qui forgent le corps en sa plus essentielle nudité ?

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15 mars 2019 5 15 /03 /mars /2019 09:33

De ce qui se laisse voir dans la gravure

 

   Mais rien ne sert de disserter, il faut montrer. Geste de la monstration ou l’art en sa demeure fondamentale. Et, afin d’expliciter la thèse énoncée, rien ne sera plus parlant que de convoquer quelques gravures des Grands Maîtres de manière à y déceler le drame sous-jacent qui en parcourt les sombres feuillures et entaillures. Que l’on songe simplement  à Albrecht Dürer, à son autoportrait de 1493.

   Y devine-t-on l’espace d’une joie, fût-elle mince ? L’air est sérieux, l’attitude compassée, le regard enfoncé au creux des orbites, pareil à un signe avant-coureur de la mort. Longue mélancolie qui s’égoutte le long de la gouttière du nez, chute sans fin des lianes des cheveux indiquant la force inéluctable du destin, le non-sens que constituerait le fait de vouloir y résister. Peu de détails du visage qui en adouciraient les traits. Seulement quelques lignes de force, seulement quelques hachures disant la cruelle verticalité de l’existence. Nulle complaisance dans cet autoportrait qui est traité telle la rigueur d’une planche d’anatomie figurant la stupeur de l’écorché dans le jour livide d’une salle de dissection. Nous regardons cette image et elle demeure gravée en nous identique à son coefficient d’effroi.

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15 mars 2019 5 15 /03 /mars /2019 09:31

   Homme entre deux écueils

 

   Malgré tout un geste aura été accompli identique à celui du naufragé s’accrochant à son écueil. Peut-être ne s’agit-il jamais que de se soustraire aux eaux diluviennes ! Peut-être l’homme en sa condition n’est-il qu’un égaré flottant entre deux eaux, celles du Fini qui le taraudent, celles de l’Infini qui le condamnent à une révolution sans fin autour de sa propre énigme. Etrange parcours ontologique que cernent deux Néants identiques : celui d’une dissolution, celui d’une douloureuse incomplétude de l’être qui, jamais, ne peut faire se rejoindre ces perpétuels non-sens constitutifs de l’exister en leur angoisse  la plus patente.

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15 mars 2019 5 15 /03 /mars /2019 09:30

   Gravures dans le tissu du monde

 

  Ici le geste d’agression paraît se constituer en cette insoutenable prose iconoclaste qui annonce la mort de l’art lui-même comme ultime essai de proférer ce qui jamais ne peut l’être, cet être insaisissable qui toujours se dérobe et qui, sous de multiples figures, portraits, paysages, natures mortes, abstractions est toujours en fuite pour un illisible destin. Le travail de Fontana est ce geste pathétique reproduisant la longue tribulation de la geste humaine sur des sentiers aux mille fascinations qui, toujours, demeurent imparcourus en leur entier. Seulement des fragments, des oscillations, des clignotements, puis la longue nuit qui se pose comme cet inconnu à déchirer, entailler, hacher (autant de gravures dans le tissu du monde) afin qu’au moins une fois, dans un brusque éclair de la conscience, soit aperçu l’au-delà métaphysique auquel l’homme se heurte depuis des millénaires sans pouvoir en dire quelque chose d’approchant, de cohérent. Au-delà de cet éclair, par définition aveuglant, ne demeure que l’homme en sa solitude, en son éternel questionnement

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