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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 14:03

 

Honnies soient qui mâles y pensent (10)

 

  Fidèle à ses principes, Monsieur le Comte souhaitant établir une hiérarchie dans sa connaissance plébéienne, la seconde soirée fut consacrée au quartier des Halles, dont il avait toujours entendu dire qu’il était fort peu recommandable mais haut en couleurs et le pittoresque dont on le peignait n’était pas pour déplaire à l’hôte de La Marline habitué, il est vrai, à de plus bourgeois protocoles. Soucieux d’éviter la rencontre avec le cocher de la veille, Fénelon de Najac décida de gagner à pied le quartier de la gare Saint-Lazare, point de départ de nombreuses lignes de  voitures à cheval. Vêtu d’une façon encore plus modeste que lors de son incursion vers la porte Saint-Martin, les mains libres de canne à pommeau d’argent, laquelle eût pu éveiller les soupçons du peuple modeste qu’il se disposait à découvrir, le Comte chercha une diligence, souhaitant fondre sa propre silhouette à l’anonymat d’un déplacement collectif. Il trouva une place libre, un peu en arrière du cocher, où il pouvait à son aise observer le spectacle des rues. La diligence s’engagea dans la Rue du Havre, tourna Boulevard Haussmann, vers les grands Magasins. Une foule dense, à la fois bourgeoise et populaire, essaimait les trottoirs de mouvements multiples et colorés. Les boutiques s’apprêtaient à fermer leurs portes, libérant dans la rue les derniers clients.

  On emprunta la Rue Auber, on longea l’Opéra devant lequel les premiers spectateurs commençaient à déambuler, attendant l’heure de la représentation. On y jouait " Carmen " de Bizet. On descendit l’Avenue de l’Opéra. Les passants y étaient plus clairsemés, certains regardant au travers des vitrines des gravures de voyages au milieu d’objets exotiques; d’autres, sans doute de passage à Paris, regagnaient leurs hôtels dont les fenêtres, à l’agencement régulier, rythmaient l’avenue. On aperçut le Palais Royal. La Comédiefrançaise faisait relâche. On gagna, par la Rue de Rohan, la Rue de Rivoli, dont les arcades multiples étaient encore pénétrées par les derniers rayons du soleil. On longea la façade longue et grise du Louvre.

  La diligence s’arrêtant à l’angle du Pont-Neuf, Monsieur le Comte en descendit, estimant l’endroit satisfaisant pour gagner, à pied, le quartier des Halles, prenant le temps de consulter auparavant le programme des soirées affiché devant le Théâtre du Châtelet. Il remonta ensuite le Boulevard de Sébastopol, se mêlant à une foule nombreuse et populaire qui, en quelque sorte, offrait à Fénelon de Najac, une transition de circonstance avant que d’aborder le lacis des rues autour des Halles, qu’il imaginait bruyantes, certainement sales et encombrées de déchets, peut être livrées à la canaille - n’aurait-il pas été préférable qu’il se munît de sa canne à pommeau ? -, mais le promeneur ayant obliqué sur sa gauche par la Rue Berger, fut plutôt rassuré par le fait d’y rencontrer des chalands qui, pour modestes qu’ils fussent, n’en étaient pas moins rassurants, leurs visages étant même empreints d’une certaine bonhomie qui paraissait le gage d’une soirée fort agréable, fût-elle des plus inhabituelles. Au fur et à mesure de sa progression vers les Halles - il en apercevait déjà les pavillons dessinés par Baltard - , il s’imprégnait progressivement, des bruits, des mouvements, des remugles. Il ne tarda pas à croiser, pêle-mêle, des négociants, des marchands des quatre-saisons venus s’approvisionner, poussant leurs carrioles aux roues cerclées de fer qui résonnaient sur les pavés; des poissardes à l’étonnante faconde; de fortes femmes aux poitrines arrondies comme des barbacanes, qui hélaient les passants de manière fort délurée, et dont Monsieur le Comte, dans sa naïveté provinciale et solognote ne s’aperçut point, tout au moins au début de sa déambulation dans les rues qu’éclairaient les becs de gaz, qu’elles étaient des femmes de " petite vertu "; des Forts des Halles poussant devant eux des ventres proéminents dissimulés, non sans mal, par de grands tabliers bleus, dont la plupart, tachés de sang, de traces de fruits, décorés parfois d’écailles de poissons, constituaient, à leur façon, une enseigne dont les braves hommes étaient porteurs, genre d’hommes sandwiches faisant la publicité de leur état. A cette constatation, Monsieur le Comte, dont l’intention était toujours de dissimuler sa noble origine, se félicita de ne s’être point muni de quelque signe aristocratique que ce fût, lesquels l’eussent fait repérer aussi sûrement qu’une pièce portant son identité et sa photographie.

  Lors des premiers pas de sa pérégrination, il évita que ses chaussures, cirées par les soins du personnel du Grand Hôtel, ne vinssent heurter les trognons de choux, les os sanguinolents que des chiens venaient dépecer, les queues de morues abandonnées par des chats faméliques, des bouteilles brisées, des cornets de papier gras, des pommes frites écrasées, des écorces d’orange, des pluches, pelures et déchets divers. Mais, ce faisant, l’élégant solognot, voulant à tout prix dissimuler son état, courait, à tout moment, le risque de le révéler au prix de vaines et fastidieuses attentions. De cette constatation naquit aussitôt, dans la tête du Comte, un petit couplet, en forme de dicton :

 

« Si nous voulons

À la lumière du phare

Exposer le bouton,

Sous le fard

Dare-dare

Le cachons. » 

 

  Voulant, sur-le-champ, mettre à l’épreuve la morale de l’histoire, il baptisa sa chaussure gauche, la déposant au beau milieu de plumes de poulet ornées de fientes, baptisa aussitôt la droite, qui abandonna le haut du pavé pour le caniveau encombré d’une flottille de détritus. Par ce simple geste, aussi rapide qu’efficace, il se sentait, à sa façon, un peu « homme des Halles », geste qu’il voulut compléter, poussant la porte aux vitres dépolies, grasses et enfumées, d’une sorte d’estaminet surmonté de l’enseigne, décorée à l’ancienne, deux verrats tenant dans leurs pattes porcines une sorte de médaillon où, en lettres couleur sanguine, figurait l’intitulé :

 

Au pied de cochon

 

Et, au dessous en lettres noires, de plus petite taille :

 

« Qui, pied de cochon

Visitera,

Mouton

Entrera,

Verrat

sortira »

 

 

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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 14:00

 

Honnies soient qui mâles y pensent (9)

 

  C’est ainsi que, muni des divers assemblages de son « Mécano pour Célibataires, Vieux Garçons, Epoux frustrés et autres Dilettantes de l’Art Amoureux », Le Comte décida, un beau matin, ayant d’abord vérifié la présence du Petit Livre Rouge au fond de sa malle en cuir de Russie, de rejoindre la gare de Labastide, d’y prendre l’express de 11 heures 48 qui le conduirait en quelques heures à la gare d’Austerlitz où il s’assurerait les services d’une diligence pour aller du Jardin des Plantes à l’Opéra, en longeant les quais de la Seine. Bien sûr, je ne doute pas, bienheureux Lecteur, bienheureuse Lectrice, qu’après les assemblages de l’Art Amoureux, vous n’ayez en tête, dans quelque coin secret, de lubriques intentions que, généreusement, vous offrirez à Monsieur le Comte, afin que ce dernier, les mettant en pratique, vous permette d’en jouir en retour. C’est là rien que de naturel, me direz-vous et, entre nous, lequel parmi vous ne tire jamais l’oreille à un fantasme qui ne veut pas aller là où vous l’attendez ? Je sens bien que je suis, là, dans le droit fil de vos espoirs et avant que votre déception ne tourne en frustration, laquelle n’est jamais bien loin des états de langueur et de dépression, je vous ferai l’aveu que j’aborderai les fantasmes avec ou sans « PH », en leur temps et avec les détails qui conviennent, mais sachez que pour l’heure, souhaitant respecter la moralité et la bonne tenue des de Lamothe-Najac, je ferai descendre Monsieur le Comte à son Hôtel de la Rue Meyerbeer, demanderai au personnel de service de déposer la malle en cuir de Russie contenant le Petit Livre Rouge vous vous souvenez, n’est-ce pas ? -, que Monsieur le Comte n’oubliera pas, mais ne consultera point, ni sur le lit Napoléon III en ébène, ni sur le fauteuil Empire situé près de la croisée encadrée de lourdes tentures de velours brun, se contentant de faire un brin de toilette, de défroisser les basques de sa jaquette d’alpaga, de sonner la Femme d’étage (non pour qu’elle sacrifie aux besoins intimes de l’hôte de la Suite Alexandre Dumas, dont vous attendez le savoureux dénouement), mais dans le but de mander une voiture à cheval que monsieur le Comte empruntera pour se rendre, une fois n’est pas coutume, à la Gare Saint-Lazare.  

Dans la serviette de cuir que Fénelon de Lamothe emporte toujours dans ses déplacements hors de Sologne, dorment présentement quelques volumineux contrats, lesquels assureront encore pour longtemps les parties de chasse, réceptions et autres menus plaisirs de La Marline de Clairvaux, car, Monsieur le Comte, fidèle à la réputation des différents rameaux composant son arbre généalogique, vient, pour sa part, de porter à l’actif de son négoce, la vente de milliers de stères de bois de chêne pour la France et pour l’Etranger, dont : 5000  pour la voie Paris-Marseille ; 3500 pour Paris-Brest ; 15000 pour Moscou-Vladivostock ; 10000 pour Pékin-Shangaï ; 3000 pour Londres-Newcastle ; Monsieur le Comte voyageant ainsi, par traverses interposées, sur les voies de Provence, de Bretagne, de Chine, de Russie et d’Angleterre, ceci sans qu’aucune gêne ou fatigue particulière vînt ternir les agréments liés aux diverses villégiatures.

  Fort satisfait de la tournure que les affaires avaient pris, mis en verve par l’agitation parisienne, le Comte regagna son hôtel de fort bonne humeur, disposé, cette fois, à " mettre au pied du mur " les propositions du Petit Livre Rouge, et d’adopter progressivement, les fort honorables recommandations que ses pages semblaient contenir. L’on s’étonnera peut être du calme et de la pondération dont Fénelon de Najac fit preuve alors même qu’il était libre de toute préoccupation liée à ses biens, à son épouse, au Domaine de La Marline de Clairvaux où officiait, en toute rigueur et dévouement, un personnel affable et toujours prompt au service de Monsieur le Comte, suivant à la lettre, avec dynamisme et disponibilité les consignes dont le Régisseur, Anselme Gindron, à peine âgé de trente ans et dans la pleine possession de ses moyens, leur demandait l’exécution.

  Sa première soirée, Monsieur le Comte souhaita la réserver, non sans avoir préalablement consulté son Petit Viatique, à la découverte, tout en douceur et, comment dire, dans la forme d’une approche qui, du moins dans la perception personnelle qu’il en avait, présentait des similitudes avec la chasse, l’affût plus précisément, où le chasseur surveille plus sa proie qu’il ne désire en faire son bien propre et immédiat, le plaisir résidant surtout dans l’attente elle-même.

  Après une toilette minutieuse, le Comte choisit, dans sa garde-robe, les effets les plus modestes qu’il put y trouver, de fort belle tenue néanmoins mais dont la relative sobriété rassurait Fénelon de Najac qui souhaitait se mêler à la foule des quartiers populaires avec la discrétion d’un quidam ou d’un simple badaud voulant profiter des effluves printaniers. Roturier il voulait paraître, roturier il parut, quoique sa démarche racée fut moins celle d’un percheron dela Beauce que d’un yearling de Deauville. La seule concession que le Comte fit à sa "panoplie " aristocratique fut d’emporter sa canne à pommeau d’argent, portant dans le métal, les armoiries des de Lamothe-Najac. Ce faisant, son intention n’était nullement d’arborer un genre de "sceptre" qui le distinguât du commun des mortels, en lui signifiant la qualité de son rang, et bien que Fénelon ne fût ni poltron ni timoré, il préféra se munir de la canne qui, à l’occasion, pourrait mettre en fuite bien des gredins qui eussent pu en vouloir à sa bourse de riche propriétaire solognot. Du reste, celle-ci fut soigneusement dissimulée sous le plastron empesé, Monsieur le Comte irait subrepticement aux toilettes prélever quelques écus dans son "argentier "dès que le besoin s’en ferait sentir.

  Après un dîner d’une exemplaire sobriété, le Comte sortit de son hôtel, héla une voiture qui remontait la rue Meyerbeer en direction de La Chaussée d’Antin. Au cocher qui s’enquit du trajet à suivre, de Lamothe précisa qu’il souhaitait emprunter les Grands Boulevards, en direction de la République, souhaitant s’arrêter à la Porte Saint-Martin où l’attendait un courtier avec qui il était en affaires. La Porte Saint-Martin ayant, pour le Comte, un relent par trop populaire, du fait de sa situation à mi-chemin des Gares du Nord, de l’Est et du quartier des Halles, l’hôte de La Marline préféra donner au cocher un motif "vraisemblable " qui justifiât sa halte à cet endroit, ce qui, finalement, le fit sourire, au simple motif que le brave cocher devait fort peu se soucier des destinations de ses passagers dont il devait oublier la physionomie sitôt que déposés sur la chaussée. Rasséréné par la discrétion de son voyage, le passager se cala sur les coussins de cuir de la calèche et se disposa à regarder les mouvements de la ville. La voiture s’engagea sur le Boulevard des Italiens où de fort belles jeunes femmes en crinolines, des messieurs en habit, déambulaient dans les derniers rayons du couchant. Des consommateurs attardés riaient aux terrasses de café, bénéficiant des premières douceurs du printemps. Puis on atteignit le boulevard Montmartre, le Boulevard Poissonnière où se mouvait une foule plus bruyante, plus bigarrée; le Boulevard de Bonne Nouvelle, on longea la Porte Saint-Denis, on traversa le Boulevard de Sébastopol où se bousculaient ouvriers, commis d’administrations, voyageurs qui remontaient, charriant de lourdes valises, vers les gares du Nord et de l’Est. Le cocher fit claquer son fouet à la hauteur de la Porte Saint-Martin, tendit la main pour recevoir le prix de la course et souhaita, à Monsieur le Comte, de la chance en affaires. Ce à quoi ce dernier répondit "qu’on n’avait que la chance qu’on méritait " et, sur cette sentence qui n’appelait pas de réplique, descendit sur la chaussée, s’engagea dans la Rue Saint-Martin que des groupes de jeunes gens, bruyants et mal attifés, remontaient pour se rendre aux théâtres des Grands Boulevards.

  A sa grande satisfaction, le Comte s’aperçut qu’il pouvait fouler les trottoirs populaires sans que la "faune "qui l’empruntait,  et qui lui parut d’emblée sympathique, s’offusquât ou même s’étonnât le moins du monde de sa présence en ces lieux. Ce sentiment lui fut agréable. Il sentait déjà, d’une façon toute intuitive, que le Comte de La Marline, qui rejoindrait dans quelques jours sa campagne solognote, ne serait pas tout à fait le même que celui qui en était parti, il y a peu, malle de cuir de Russie à la main. L’idée de la malle le fit sourire, celle du contenu de son double fond, surtout, dont il était le seul à connaître l’existence. Il passa devant le Conservatoire National des Arts et Métiers, descendit le boulevard jusqu’à la Rue de Turbigo, qu’il prit, sur sa droite, ignorant volontairement le quartier des Halles, laissant l’investigation de ce dernier à plus tard, remonta une partie de la Rue Etienne Marcel et regagna, par la pittoresque Rue Montorgueil et la Rue Poissonnière, les Grands Boulevards où il héla une calèche. Il indiqua au cocher l’adresse de son hôtel, Rue Meyerbeer, après quoi le conducteur de la voiture, qui était celui de l’aller, accomplissant son trajet de retour, lui demanda si les affaires avaient été aussi fructueuses qu’espéré. Ce à quoi, l’érudit répondit, non sans une pointe d’humour, citant un proverbe de Rousseau, extrait de " Julie " :

   " On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère ".

Ce à quoi le non érudit répondit, avec un fort accent marseillais :

   " Mazette, on en sait des choses en Sologne ! "

  Monsieur le Comte, tout juste parachuté sur le trottoir par son perspicace cocher, se gratta la tête, geste dont il était, il faut bien l’avouer, fort peu familier, pénétra sous le lustre de cristal du hall du Grand Hôtel, monta l’escalier recouvert de velours rouge - il avait négligé l’ascenseur - , manqua de se tromper de porte, essayant d’introduire sa clé à breloque aux armoiries du Grand Hôtel, dans la Suite Victor Hugo, trouva finalement la sienne, s’assit sur le fauteuil Empire près de la croisée aux rideaux de velours brun, se gratta derechef le chef, ce qui eut pour effet de déclencher chez lui, une sorte de réflexe, dont sortit une phrase en forme de maxime, de sentence ou de proverbe, il ne savait plus tellement établir la différence, et qui, sortant de sa bouche, s’étala dans le silence ouaté et dispendieux de la suite comtale :

 

« Cocher

Bien informé

                             Fait Pied de nez                             

  Solognot

   Sous son chapeau

  Tombe de haut »

                 

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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 13:49

 

Honnies soient qui mâles y pensent (8)

 

La thérapeutique du Docteur d’Yvetot s’avéra à tel point magistrale, que Monsieur le Comte, stimulé par la ritournelle moultes fois évoquée, chantée, serinée, ne s’endormait qu’aux aurores naissantes, aux prises avec des rêves concupiscents, où se mélangeaient, dans une joyeuse sarabande, les phantasmes les plus débridés, vêtus ou dévêtus, angéliques ou diaboliques, sournois ou bienveillants, dont l’hôte de La Marline, voyait, morbleuparbleusacrebleu, tantôt les yeux, tantôt les cheveux, tantôt la queue, l’acculant souvent à la panique, l’incitant parfois à prendre ses cliques, le conduisant, toujours, à leur faire la niquela niquela nique.

  Madame la Comtesse qui, au cours de ces nuits follement agitées, percevait on ne peut mieux la lame de fond qui tourneboulait son époux, en profitait quant à elle, pour grappiller quelques miettes, glissant l’index, le majeur, l’annulaire, l’auriculaire et même le pouce, dans la fente conjugale, afin d’y recueillir le lourd et érectile tribut que Fénelon de Lamothe payait à Cupidon. L’étonnante vigueur comtale, le désir, qu’elle, Yvette-Charline, sentait poindre en différentes parties de son corps, y compris les plus secrètes, les images obscènes qui commençaient à envahir sa tête, eurent bientôt raison des dernières barrières et fortifications de son puritanisme et, bientôt, elle s’enhardit, lançant de discrets mais audacieux assauts en direction des territoires anatomiques du " bienheureux "où Satan poursuivait ses œuvres, dans un sabbat que, même l’averti docteur Charles d’Yvetot, n’eût pu soupçonner. Mais la Comtesse dut se rendre bien vite à l’évidence, si quelques mets de choix lui étaient parfois offerts par l’état d’excitation permanent de Monsieur le Comte, elle ne les devait qu’aux épisodes de rêve où il se trouvait alors, et ne résultaient aucunement d’une volonté de ce dernier de lui rendre un hommage appuyé, destiné au culte d’Eros.

  Yvette-Charline n’en fut ni dupe ni affligée et dut bientôt se résoudre à des plaisirs solitaires, navigant de concert avec son licencieux époux, sur les flots agités du lit à baldaquins, héritage du Grand-oncle Eustache-Grandin. C’était à se demander, si le lit lui-même, n’était pas le dépositaire des fantasmes de son ancien occupant, si les montants en chêne de Sologne dont il était fabriqué n’étaient pas la forme matérielle et tangible de la légendaire vigueur physique du Maître de la Scierie. Nulle étude sérieuse ne vint confirmer les supputations de la Comtesse qui, de cette hypothèse fit son deuil, de la même façon qu’elle le fit, provisoirement, espérait-elle, des fougues de son époux.

  Or, si Yvette-Charline, commençait à trouver les nuits fort longues et ennuyeuses, Monsieur le Comte, les estimait trop brèves à son goût et les prolongeait, à pied, à cheval, en voiture et même, le plus souvent, entre les poutres de sa Librairie érudite. Dès lors, jours et nuits se transformèrent en un vaste pandémonium, où satyres, malins et autres génies jonglaient et lutinaient, mêlant à l’envi les fantasmes du Grand-oncle Eustache-Grandin et les phantasmes de son petit neveu, le Comte Fénelon de Lamothe-Najac.

  Mais, afin de ne pas choquer la pudeur bien naturelle des Lecteurs et comptant sur leur imagination fertile en matière amoureuse, il leur sera proposé simplement, à la façon d’une boîte de " Mécano " dont il faut assembler les pièces, quelques éléments fantasmatiques qu’ils voudront bien arranger à leur convenance. Afin de faciliter les manipulations, les diverses pièces dédiées aux fantasmes de tous ordres, seront rangées dans des boîtes, selon des catégories bien distinctes :

 

****************

 

    

 

 

 

        BOITE A : VETEMENTS

 

  A1 : VETEMENTS D’HOMME :

 

Paletot; Pelisse; Macfarlane; Robe de chambre; Souquenille; Redingote; Jaquette; Veston; Frac; Veste; Pet-en-l’air; Spencer; Pourpoint; Carmagnole; Culotte; Caleçon; Haut-de-chausses; Trousses; Houseaux; Rhingrave; Gilet; Soubreveste; Maillot; Pull-over; Chemise; Pyjama; Faux col; Cravate.

 

  A2 : VETEMENTS DE FEMME :

 

  Robe; Tailleur; Amazone; Canezou; Jupe; Jupon; Cotillon; Basquine; Corsage; Casaquin; Caraco; Tunique; Peignoir; Corset; Ceinture; Combinaison; Culotte; Soutien-gorge; Fichu; Guimpe; Pointe; Collerette; Berthe; Bavette; Béguin; Cornette; Voilette; Barbette; Manteau; Mante; Mantille; Boléro.

 

 

   A3 : PIECES ET ACCESSOIRES :

 

  Fond de culotte; Jambe; Entrejambe; Fourchette; Entournure; Taille; Pont; Poches; Gousset; Braguette; Décolletage; Queue; Paniers; Vertugadin; Bouffante; Capuce; Baleine; Coulisse; Nervure; Dentelle; Bouillons; Falbalas; Fanfreluches; Petite oie; Canons; Ruché; Passepoil; Bretelles; Agrafe.

 

   A4 : LEXIQUE ARGOTIQUE :

 

  Robe; Roupane; Serpillière; Pantalon; Bénard; Culbutant;  Falzar; Fourreau; Froc; Futal; Grimpant; Pince; Rofou; Valseur; Costume; Costard; Pingouin; Veste; Alpague; Poche; Fouille; Glaude; Profonde; Vague; Mouchoir; Tire-jus; Tire-moelle; Chemise; Limace; Liquette; Sous- vêtements; Fringues de coulisse; Culotte; Minouse; Maillot de corps; Léotard; Marcel; Soutien-gorge; Sostène; Soutif; Cache-sexe; Cache-frifri; Caleçon; Bénouze; Calbutte; Calfouette; Slibar; Chaussettes; Fumantes; Puantes; Sachets; Bas; Lisses; Tirants; Chaussures; Asperges; Godillots; Grolles; Lattes; Patins; Péniches; Richelieus; Santiagos; Sorlots; Targettes; Tartines; Tatanes; Tiges; Trottinets; Croquenots; Godasses.

 

       BOITE B : CORPS

 

  B1 : LEXIQUE STANDARD :

 

  Tronc; Tête; Cou; Menton; Joues; Lèvres; Poils; Cheveux; Tresses; Chignon; Bras; Jambes; Cuisses; Seins; Sexe; Pénis; Vulve; Vagin; Entrejambes; Coudes; Bassin; Hanches; Mont de Vénus; Petites lèvres; Grandes lèvres; Orteils; Pouce; Index; Majeur; Poignet; Gland; Verge; Testicules; Croupe; Fesses; Poitrine; Aisselles; Genoux; Cou de pied; Fesses; Cul.

 

  B2 : LEXIQUE ARGOTIQUE :

 

  Arche; Arrière-train; Artiche; Baigneur; Brioche; Croupion; Entremichon; Faubourg; Gagne-pain; Joufflu; Meules; Miches; Pétard; Pétrousquin; Prosinard; Tafanard; Troussequin; Turbine; Vase; Bacantes; Baffi; Bâfre; Balaià chiottes; Charmeuses; Moustagache; Rouflaquettes; Badigoinces; Babines; Babouines; Bagougnasses; Limaces; Pompeuses; Balcon; Avant-scène; Bide; Berdouille; Boîte à ragoût; Bouzine; Burlingue; Crédence; Gésier; Gras-double; Lampion; Binette; Bobèche; Bobine; Bouillotte; Chetron; Façade; Fiole; Gaufre; Terrine; Trombine; Tronche; Blair; Aubergine; Blase; Piton; Quart de brie; Ruche; Tarbouif; Tarin; Tasseau; Trompette; Truffe; Boutique; Bijoux de famille; Marchandise; Parties; Service trois-pièces; Cafetière; Boule de billard; Caberlot; Calebasse; Citrouille; Coloquinte; Mansarde; Sinoquet; Sorbonne; Clapet; Dalle; Dégueuloir; Gargue; Gicleur; Goulot; Margoulette; Porte pipe; Saladier; Tire-lire; Doudounes; Airbags; Amortisseurs; Ballochards; Blagues à tabac; Mandarines; Miches; Nibards; Œufs sur le plat; Pare-chocs; Roberts; Rondins; Roploplots; Tétasses; Gambette; Badine; Baguette; Brancard; Calouse; Canne; Compas; Echalas; Flûte; Fusain; Manivelle; Poteau; Quille; Jambon; Gigot; Jambonneau; Menteuse; Bavarde; Calpette; Escalope; Langouse; Languetouse; Mouillette; Tapette; Meules; Crocs; Crochets; Dominos; Grille d’égoût; Mandibules; Piano; Quenottes; Ratiches; Tabourets; Touches de piano; Minette; Abricot; Baba; Bénitier; Berlingot; Boîte à ouvrage; Boîte aux lettres; Boutique; Centre; Chagatte; Chat; Chatte; Choune; Con; Connasse; Cramouille; Craquette; Fente; Figue; Foufoune; Frifri; Greffière; Gripette; Lac; Laitue; Mille-feuilles; Minet; Moniche; Motte; Moule; Panier; Pâquerette; Teuche; Turlu; Clitoris; Bonbon; Bouton; Clicli; Cliquette; Clito; Framboise; Gâchette; Grain de café; Praline; Motte; Barbu; Cresson; Gazon; Tablier de sapeur; Touffe; Paluche; Cuillère; Fourchette; Griffe; Louche; Pince; Pogne; Pinceau; Escalope; Fromage; Fumeron; Nougat; Oignon; Panard; Paturon; Pince; Pinglot; Raquette; Ripaton; Targette; Tige; Trottinet; Pneu; Guitare; Poignée d’amour; Radis; Salsifis;Roustons; Agobilles; Balloches; Bonbons; Burettes; Burnes; Claouis; Coucougnettes; Couilles; Douillettes; Figues; Grelots; Joyeuses; Miches; Montgolfières; Noisettes; Olives; Orphelines; Parties; Pelotes; Précieuses; Rognons; Roubignolles; Rouleaux; Roupes; Roupettes; Valseuses; Yoc; Tifs; Alfa; Baguettes; Crayons; Cresson; Douilles; Doulos; Gazon; Afro; Balayeuse; Choupette; Petite choucroute; Iroquoise; Perruque en peau de fesse; Déboisé; Déplumé; Mouchodrome; Skating à mouches; Boule à zéro; Zob; Andouille de calcif; Anguille de caleçon; Arbalète; Ardillon; Asperge; Balayette; Bambou; Biroute; Bistouquette; Bite; Brandon; Braquemart; Chauve à col roulé; Chibre; Chinois; Chipolata; Chopote; Cigare à moustaches; Clarinette baveuse; Coquette; Dard; Dardillon; Darrac; Défonceuse; Flageolet; Petit frère; Gaule; Goupillon;  Guiguite; Guise; Guizot; Jacquot; Jean nu tête; Mandrin;  Matraque; Paf; Panais; Papillon du Sénégal; Pine; Polard; Popaul; Queue; Quique; Robinet d’amour; Sabre; Tebi; Vipère broussailleuse; Zeb; Zigounette; Zizi; Zobi.

                                                                                                                                                                                               

 

      BOITE D : PERCEPTIONS

 

  D1 : VOIR :

 

  Mirer; Admirer; Regarder; Ecarquiller les yeux; Etre émerveillé; Etre ébloui; Ne pas en croire ses yeux; Reluquer; Zieuter; Mater.

 

  D2 : ENTENDRE :

 

  Gémissements; Chuchotements; Suçotements; Charivari; Sabbat; Tumulte; Tapage; Boucan; Soupir; Supplication; Imploration; Halètement; Inspiration; Expiration; Succion.

 

  D3 : TOUCHER  :

 

  Caresser; Effleurer; Soupeser; Lisser; Masser; Frotter; Frictionner; Presser; Tapoter; Pincer; Faire vibrer.

 

  D4 : SENTIR :

 

  Effluves; Fragrance; Fumet; Parfum; Remugle; Fleurer; Respirer; Répandre.

Odeurs : Alliacée; Aromatique; Forte; Douce; Agréable; Fine; Exquise; Suave; Légère; Tenace; Pénétrante; Fade; Piquante; Amande; Ambre; Anis; Benjoin; Bergamote; Cachou; Camphre; Cardamone; Civette; Eau de Cologne; Frangipane; Héliotrope; Iris; Jasmin; Lavande; Marjolaine; Mélisse; Menthe; Musc; Myrrhe; Néroli; Œillet; Opoponax; Origan; Patchouli; Rose; Vanille; Vétiver; Violette; Ylang-ylang.

 

  D5 : GOUTER :

 

  Exquis; Succulent; Sucré; Doux; Epicé; Relevé; Salé; Amer; Raffiné; Délicat; Iodé; Acide.

 

       BOITE E : AMOUR

 

  E1 : SORTES D’AMOUR :

 

  Feux de l’amour; Passion; Flamme; Transports; Extase; Idolâtrie; Sentiments; Attachement; Penchant; Inclination; Béguin; Flirt; Amourette; Passionnette; Passade; Galanterie; Caprice; Cour; Conquête; Séduction; Amour platonique.

 

  E2 : AMANTS :

 

  Maîtresse; Amoureux; Amoureuse; Galant; Soupirant; Prétendant; Sigisbée; Céladon; Amoureux transi; Jeune premier; Adonis; Objet; Idole.

 

  E3 :ACTION D’AIMER :

 

  S’éprendre; S’amouracher; S’enticher; S’extasier; Adorer; Idolâtrer; S’embéguiner; S’attacher à; Brûler pour; Soupirer; Roucouler; Flirter; Conter fleurette; Offrir son cœur; Faire sa déclaration; Faire les yeux doux; Echanger des serments; Filer le parfait amour; Témoigner son ardeur; Donner des baisers; Faire des caresses; Accorder ses faveurs.

 

  E4 : POESIE :

      

     Vénus; Astarté; Aphrodite; Cupidon; Eros; L’Amour; Bandeau; Carquois; Flèches; Les Amours; Les Grâces; Cythère; Poésie érotique.

                   

       BOITE F : PLAISIR

 

  F1 AMUSEMENT :

 

  Amusette; S’égayer; Se réjouir; Se divertir; Se distraire; S’ébattre; S’ébaudir; Folâtrer; Batifoler; Badiner; Prendre du bon temps; Joie; Gaieté; Entrain; Agrément; Boute-en-train; Délasser; Divertir; Distraire; Détendre l’esprit; Désopiler; Réjoui; Délecter; Menus plaisirs; Récréation; Jeux.

 

  F2 : FETE :

 

  Faire la fête; Festoyer; Etre en liesse; Faire carousse; Vie facile; Bon vivant; Viveur; Faire la noce; Bombance; Frairie; Chère lie; S’en donner à cœur joie; S’en donner à gogo; Faire des folies; Faire ses farces; S’étourdir; Faire des excès; Se dissiper; Jouisseur; Festin; Régal; Se régaler; Se goberger; S’en fourrer; Partie fine; Partie carrée; Partie de plaisir.

 

      BOITE M : CHARCUTERIE

  Lard; Bande; Barde; Lardon; Jambon; Andouille; Boudin blanc; Boudin noir; Saucisse; Saucisson; Cervelas; Mortadelle; Chipolata; Crépinette; Hure; Langue fourrée; Attignoles.

 

      BOITE N : MOUVEMENTS DE LA MER 

       

  Marée; Flux; Reflux; Se retirer; Marner; Flots; Vagues; Lame

de fond; Paquet de mer; Houle; Raz-de-marée; Barre; Mascaret; Courant; Ressac; Tourbillon; Crête. Verbes : Monter; Se briser; Déferler; Clapoter; Ondoyer; Ecumer; Bouillonner.

 

      BOITE O : GEOLOGIE - ARCHITECTURE - FORMES (Creux et bosses)

 

  Gorge; Ravin; Grotte; Caverne; Cratère; Crevasse; Gouffre; Abîme; Précipice; Fosse; Ravine; Fissure; Pertuis; Meurtrière; Chatière; Musse; Couloir; Corridor; Gouttière; Rigole; Fente; Echancrure; Antre; Creux; Fossette; Raie; Sillon.

 

      BOITE P : VERBES ET ACTIONS

 

 Besogner; Coup de main; Energie; Ardeur; Remuer; Avoir le diable au corps; Monter; Soupeser; Ecarter; Entr’ouvrir; Gober; Sucer; Avaler; Mâchouiller; Ronronner; Susurrer; Aspirer; Gémir; Geindre; Relever; S’élancer; Darder; Soupeser; Enlever; Oter; Jeter; Se cambrer; Gonfler; Ondoyer; Osciller; Mouliner; Pédaler; Bourrer; Se déshabiller; Faire glisser; Se débarrasser; Jeter à terre; S’arc-bouter; Tendre; Se plier; Se courber; Monter; Descendre;Osciller; Se retenir; Enfoncer; Reculer; Avancer; Mordre;  Mordiller; Lécher; Léchouiller; Aspirer; Lisser; Torsader; Forer; Tournoyer; Touiller; Mouliner; Travailler; Butiner; Transpercer; S’ouvrir; Attirer.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         

       

     BOITE Q : ADJECTIFS

 

  Long; Large; Etroite; Court; Courte; Gros; Grosse; Epaisse; Immense; Raide; Molle; Erectile; Flasque; Vigoureux; Vigoureuse; Tendue; Gonflée; Humide; Chaud; Chaude; Mouillé; Mouillée; Elastique; Tendu; Tendue; Moite; Fringant; Goulu; Goulue; Béant; Béante; Lourds; Lourde; Pesants; Pesant.

 

     BOITE R : ADVERBES

 

  Voluptueusement; Langoureusement; Amoureusement; Abondamment; Indolemment; Vigoureusement.

 

     BOITE S : INTERJECTION

  La simple pudeur, dans la mise en musique de la gamme des émois nous invite à laisser votre imaginaire libre de ses choix.

Lecteurs, Lectrices, les listes ci-dessus ne sont nullement exhaustives et il vous appartient de reporter vous-même, tout lexique personnel pouvant enrichir de manière significative le contenu des boîtes de jeu. Munis de ce précieux viatique vous ne tarderez pas, à l’instar de Monsieur le Comte, à entreprendre un grand voyage érotico-onirique qui, personne n’en doutera, comportera plusieurs visions d’anthologie, que vous n’hésiterez pas à noter dans les pages de votre Journal Intime.

  Vous êtes donc fortement conviés à plonger dans vos propres  ressources afin d’y extraire le « nec plus ultra » des délices de l’amour.

 

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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 13:38

 

Honnies soient qui mâles y pensent (7)

 

  Le repas parut long et morne à Fénelon de Najac, court et joyeux à Yvette-Charline qui, ce soir-là, était d’humeur mutine, semblant avoir bu plus que de raison, ce qui, d’habitude, la disposait un peu plus aux choses de l’amour, assertion qui se confirma dans la soirée, après les ablutions rituelles, se glissant dans le grand lit à baldaquins à demi habillée d’une nuisette de percale qui laissait deviner les timides mamelons, une demi coudée environ à l’aplomb des bretelles, la toison relativement fournie, située, à peu près trois pieds et demi au-dessus de l’ourlet de dentelle brodée par sa grand tante, tous détails habituellement affriolants, que le Comte ne vit point ou plutôt affecta de ne pas voir, pas plus qu’il ne sentit le genre de pédalage discret que tentait, en vain, sa chaste épouse, escaladant les mollets conjugaux de la pointe de ses orteils, vernissés pour l’occasion; laissant errer ses pointes de doigts sur le jabot plissé en forte toile de lin qui terminait la chemise de nuit maritale; tentant même, en désespoir de cause, et au mépris de sa pudeur naturelle, de lancer avec prudence et retenue, un doigt, l’index de la main droite, le plus expert, en direction de la fente longitudinale qui, partant de la ceinture de l’époux, descendait en direction de ses parties les plus nobles, non dans le but de les exposer à la vue, mais de favoriser leur passage lors des mictions nocturnes, sur le vase de nuit en porcelaine de Sèvres, hérité de son père, Alphonse-Bernardet, l’index, donc, au moment de s’introduire ô, après bien des hésitations et de multiples reculades, dans la fente sans doute prometteuse, du moins l’avait-elle toujours été jusqu’à ce fameux soir où le Comte, émoustillé par les histoires lubriques de son Grand-oncle, décida de couper court à l’assaut du prédateur, amorçant sur lui-même une vrille vigoureuse qui surprit l’Aimée dont l’index, pris en tenaille par le resserrement soudain de la fente de lin, subit un fort pincement, comme celui résultant du serrement de la mâchoire d’un étau, se retenant pour ne pas crier de douleur, et surtout de dépit, en entendant les ronflements de l’amant qui l’avait éconduite, ronflements, vous l’aurez deviné, qui, pour sembler réels, n’étaient que simulacres cherchant à feindre le sommeil, lequel n’était pas près de l’assaillir, tout livré qu’il était à la tyrannie du journal intime d’Eustache-Grandin, dont les phrases résonnaient dans sa boîte crânienne, laquelle faisait une sorte de bruit sado-masochiste qui l’occuperait désormais le plus clair de son temps, y compris sous les poutres de sa vénérable Librairie. Il venait, sans le savoir, de découvrir un nouveau pan de la connaissance, mais ce dernier était plus organique qu’intellectuel, se nommait "FANTASMES ", mot qu’il écrivait plus volontiers " PHANTASMES ", le « PH » initial, issu de la racine grecque, donnant aux "basses œuvres " dont il se composait, de plus nobles assises. De ce jour datèrent les insomnies du brave Fénelon de Najac qui consulta la Faculté sous les traits avenants du Médecin de famille, le Docteur Charles d’Yvetot, lequel, fort expérimenté, convoqua la science médicale la plus récente, associée aux traditionnels remèdes de " bonne femme ".

  Ainsi se succédèrent, potions, bains de pieds et de siège, saignées, suppositoires au tilleul et au houblon, Crataegus Peyotl en dilution homéopathique, préparations magistrales à base de poudre de corne de cerf et de bile de sanglier, cataplasmes d’argile verte, alternés avec ceux à la feuille de saule, frictions au vinaigre de pommes rainettes; toute la pharmacopée y passa, la française, l’espagnole, l’italienne et même celle des Pays Baltes, mais force fut de reconnaître les limites des différentes thérapeutiques et la persistance des symptômes qui étaient alimentés, primo par les phantasmes personnels de Fénelon de Lamothe, secundo par feu les fantasmes d’Eustache-Grandin qui agissaient sur les phantasmes de son petit neveu, lesquels, dans une sorte de "cercle vicieux ", s’alimentaient derechef aux fantasmes de son grand-oncle, lesquels à nouveau … , tant et si bien que le Docteur d’Yvetot cherchait la façon de s’introduire dans cette sorte d’écheveau pour y créer une rupture, mais l’écheveau n’avait plus de début ni de fin et la pathologie récente de Fénelon de Najac menaçait bientôt de se transformer en un genre de mouvement perpétuel, qui amena le représentant d’Esculape, connaissant l’amour de son patient pour les adages, la poésie et les chansons populaires, à inventer la ritournelle suivante, que son patient devait répéter ou chanter, à l’heure du coucher, en lieu et place de l’habituel comptage des moutons et autres brebis :

 

  1)  Quand du phantasme

Je vois les yeux

Morbleu

Morbleu

Je prends panique

Je prends panique

 

 

      2)  Quand du phantasme

Je vois les cheveux

Parbleu

Parbleu

Je prends mes cliques

Je prends mes cliques

 

3)  Quand du phantasme

Je vois la queue

Sacrebleu

Sacrebleu

Je lui fais la nique

Je lui fais la nique

 

4)  Quand du phantasme

Je vois les yeux

Et les cheveux

Et la queue

 

5)  Morbleu

     Parbleu

     Sacrebleu

 

6)  Je prends panique

Panique

Je prends mes cliques

Mes cliques

 

7)   Je lui fais la nique

La nique

La nique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 12:47

 

Honnies soient qui mâles y pensent (6)

 

 

 Il fit donc le serment de ne jamais révéler à Yvette-Charline ses variations libidinales sur les sentences populaires, réservant à plus tard de telles confidences pour les belles locataires des meublés parisiens qui, pour l’instant, n’étaient que des signes noirs et blancs dans le Petit Livre au maroquin rouge.

  La forte embellie amoureuse de Monsieur le Comte de La Marline de Clairvaux eut pu en rester à ce niveau déjà fort honorable si, au cours d’une des déambulations dont il était familier, autour et à l’intérieur de la Scierie de son grand-oncle Eustache-Grandin, il n’était tombé, par le plus grand des hasards, sur un carnet recouvert d’une grossière toile noire, qui avait glissé derrière les tiroirs du secrétaire en bois de merisier, couverture portant une étiquette à demi effacée, qu’il ne put déchiffrer que grâce au renfort d’une loupe de philatélie, au travers de laquelle apparurent deux mots : " JOUR "et "TIME ". La première hypothèse de Fénelon de Najac, sous l’emprise de l’émotion, fut la suivante : le premier mot, en français, faisait penser à un éphéméride; le second mot, anglais, ne pouvait se traduire que par TEMPS. Il se crut d’abord l’inventeur de quelques vers apocryphes que son Grand-oncle, poète à ses heures, avait dû dédier au Temps, par l’intermédiaire des Nymphes et qu’il avait tenus secrets, sous l’épaisse couverture de toile, derrière les tiroirs de merisier aux boutons de nacre.

  Pensant découvrir quelques sonnets en alexandrins, qui rehausseraient le blason familial d’une inscription au fronton des Belles Lettres, le Comte s’empressa de feuilleter le petit ouvrage, avec la même ardeur, il dut bien se l’avouer, que celle consacrée, tout récemment, à la lecture du Petit Livre Rouge. Or le rapprochement des deux ouvrages n’était pas aussi fortuit qu’il y paraissait au premier abord et l’on pouvait même établir, entre les deux, de troublants rapprochements, le petit livre à la couverture noired’Eustache-Grandin, semblant, en quelque sorte, dialoguer avec le Petit Livre à la couverture rouge qui voyageait dans le cabriolet, aux abords de la Comédie Française.

  A sa grande stupéfaction, doublée, cependant, d’un contentement qu’il ne put feindre longtemps, le Comte découvrit, dans les feuillets jaunis de l’opuscule de feu son Grand-oncle, force dessins obscènes (étaient-ils de sa propre main ?); quelques vignettes à caractère pornographique; des extraits, soulignés, de textes de Donatien-Alphonse-François Marquis de Sade, dont "Justine " et " La philosophie dans le boudoir ", une liste d’adresses personnelles, où ne figuraient que des sobriquets féminins du genre : Lili, Sucette, Chatamoureuse, Rebelote, Toboggan; des pages, en assez  grand nombre, écrites à la plume, où s’étalaient, en toute impudeur, tout un inventaire de frasques et de fantaisies, visiblement sous l’influence du pervers Marquis, qu’il semblait même parfois dépasser, en imagination et en cruauté.

  Afin de ne pas outrager la mémoire du Cher Disparu, avec lequel il se comportait en voyeur sans scrupules et sans morale, le Comte referma soigneusement le livre, rabattit la couverture noire, non sans y jeter un dernier regard, loupe vissée à l’œil, comprenant dès lors sa méprise. " JOUR " n’était que le début de JOURNAL, dont la finale avait été partiellement effacée. " TIME " n’était que la fin d’INTIME, dont l’initiale n’apparaissait qu’à condition de chasser la poussière qui la recouvrait.  JOURNAL INTIME, telle était donc la mystérieuse inscription tracée à la plume, en pleins et en déliés, qu’Eustache-Grandin avait pris soin de noter, l’agrémentant sur les côtés de sortes de culs-de-lampe du plus bel effet, et Monsieur le Comte, tout à la contemplation de la sublime calligraphie, se demandait s’il y avait une loi, un texte, un règlement qui interdît qu’on pénétrât les secrets d’un journal intime que, visiblement on n’avait pas cherché à dissimuler à la postérité, car, si tel avait été le cas, il eût suffi de livrer ledit journal à un autodafé et l’existence de ces quelques pages, derrière un tiroir de secrétaire, eût été réduite à néant. Quant au fait de savoir si le glissement du petit ouvrage derrière le tiroir avait été fortuit ou volontaire, ne changeait en rien la nature du problème et Fénelon de Najac, rassuré par le cours de ses cogitations, libres de tout remords ou d’un quelconque sentiment de culpabilité, s’installa dans une bergère confortable, quoique usée, y feuilleta distraitement les premières pages, pour s’absorber dans une lecture attentive et passionnée du "vrai " journal intime de l’ancien Maître des lieux. Il ne referma la couverture de toile noire qu’à l’approche de la nuit, regagna le Manoir où l’attendait Yvette-Charline au bout de la longue table en chêne de Sologne, sur laquelle les mets étaient servis près de verres et de couverts étincelant sous les feux des bougeoirs de cristal. Tout cet apparat, pas plus que les inhabituelles prévenances de son épouse, ne lui rappelèrent que ce jour était une des dates anniversaire de leur mariage.

 

 

 

 

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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 12:43

 

Honnies soient qui mâles y pensent (5)

 

 

  Aussi, Monsieur le Comte traversa-t-il une période essentiellement consacrée à relire ses poutres armoriées en y trouvant des sens divers et, force nous est de reconnaître, prosaïques, pour ne pas dire lubriques.

  "Montrer son béjaume. ", qui, en fauconnerie désigne le fait d’exhiber un jeune oiseau, symbole de l’inexpérience, sonnait, pour Fénelon de Najac, comme le fait d’exposer, avec toute l’impudeur qui l’accompagne, une partie anatomique habituellement dissimulée par le port de la culotte.

 " S’agiter comme un diable au fond d’un bénitier. ", évoquait en lui la vigueur d’un amant auprès de son amante.

  " Dans les petites boîtes, les bons onguents. ", était l’évidence même du plaisir promis par les jeunes filles en fleur.

 " La bourse ouvre la bouche. ", lui faisait penser à des pratiques dont Yvette-Charline n’était pas coutumière, du moins ne le sût-il jamais, si telles furent certaines pratiques de son épouse qui, alors, ne purent être qu’extra conjugales.

 " Mettre la bride en main. "ressortait à l’onanisme, sans autre forme de procès.

 " Mettre la bride sur le cou. ", malgré l’attrait que cette formule représentait, lui paraissait une impossibilité anatomique pour l’amant, à moins qu’il ne s’agît du cou de l’amante.

  " Il n’est si petit buisson qui ne porte son ombre. ", décrivait avec bonheur et poésie l’intime Mont de Vénus.

 " Trouver buisson creux. ", était selon lui, la condition même du refuge amoureux, car, faute de creux, il ne voyait pas comment dénicher le paradis promis.

" La belle cage ne nourrit pas l’oiseau. ", adage qui devenait plus évocateur sous la forme : "C’est l’oiseau qui nourrit la belle cage ".

  " Avoir des chambres à louer dans la tête. ", habituellement interprété comme le fait de n’avoir pas sa raison entière, s’amendait sous la forme du Petit Guide avec son répertoire des chambres réservées à Cupidon.

 " Brûler la chandelle par les deux bouts. ", lui paraissait anatomiquement peu réalisable, sauf à trancher la chandelle avant de l’offrir aux activités orgiaques.

" Il n’est si petit saint qui veuille sa chandelle. "relevait, pour lui, d’une confusion homonymique, correction que Monsieur le Comte effectua à même la poutre, biffant"saint ", le remplaçant par " sein ".

  " Le mou est pour le chat. "ne s’expliquait que par un fautif manque d’érection, ou par les vertus insuffisantes du félin.

 " Chat échaudé craint l’eau froide. "voulait attirer l’attention sur la nécessité du bon degré des ablutions avant qu’Eros ne décoche sa flèche.

 " Avoir un pied dans deux chaussures. "posait, pour le Comte, le problème des curiosités anatomiques qu’on ne voyait guère que sur les foires et qu’il résolut, par l’existence inconnue à ses yeux, de sexes bifides.

 " Chose défendue, chose désirée. "ne méritait, par son évidence, aucun commentaire particulier.

 " Un clou chasse l’autre. ",  lui paraissait la condition sine qua non que les hommes devaient appliquer pour faire valoir leur droit d’entrée et éviter, ainsi, une inconfortable cohabitation.

 " Trop tirer rompt la corde. "revenait à reconnaître que les excès en amour comportaient toujours des risques.

  " Il y a loin de la coupe aux lèvres. "lui semblait surtout dépendre de la position qu’on adoptait sur la couche avant de se disposer aux jeux de l’amour.

" Tailler des croupières à quelqu’un "Monsieur le Comte, dont la culture était pourtant étendue, ne savait pas qu’une pipe s’appelait également une croupière.

  " Il vaut mieux être percée d’une épée luisante que d’une épée rouillée. "Mieux valait dégainer souvent que laisser son épée dans son fourreau.

 " En limant on fait d’une poutre une aiguille. "sonnait à son oreille comme un avertissement, jurant qu’il consommerait sans commettre d’excès, préservant ses vieux jours d’une aiguille à chercher dans une botte de foin.

  Monsieur le Comte, érotisant ses proverbes entre les incunables qui ornaient sa bibliothèque; sachant bien que ni Rousseau ni Voltaire ne vendraient la mèche, prit tout de même l’habitude de clore ses méditations par l’adage suivant :

 

"Jamais homme sage et discret

Ne révèle à femme son secret. "

 

 

 

 

 

                                                                                                                                                                                                

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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 12:41

 

Honnies soient qui mâles y pensent (4)

 

 

  Le Comte regagna donc Labastide avec, en poche, d’appréciables contrats - les coupes de bois, il les ferait exécuter sans tarder parmi les grands arbres de La Devinière, autre propriété héritée d’Hugues-Richard - , en poche, également, le "précieux " viatique à la couverture rouge, qu’il avait pris soin de dissimuler dans le double fond de sa malle de cuir de Russie, non que la Comtesse eût l’habitude de fouiller dans les affaires du Comte, mais ce dernier voulait éviter qu’une hypothétique recherche livrât aux mains de son épouse le Petit Guide dont il aurait eu tout le mal du monde à expliquer la présence, défaut d’explication qui eût mis en péril une confiance réciproque qu’il était hors de question de sacrifier.

  A la fois rassuré par la mise au secret du petit guide, par la justesse de ses sentiments vis-à-vis de son épouse, le Comte vaqua à ses occupations habituelles qui se déclinaient en chasse, pêche, billard français, promenades à cheval, lecture, méditation des proverbes et dictons qui égayaient les poutres de sa Librairie. Les jours passant, ces multiples occupations occultèrent le Petit Guide qui menait une vie anonyme et secrète au fond du bagage du Comte dont le maroquin de cuir rouge " béguinait "avec le cuir de Russie. Cette promiscuité entraîna, chez Monsieur le Comte, une association d’idées qui, le plus naturellement du monde, le fit penser au proverbe " Il ne faut pas mêler les torchons et les serviettes ". Cet adage, fort répandu au XIX° Siècle, utilisait une habile mais désobligeante métaphore, qualifiait les domestiques de " torchons " et les bourgeois de " serviettes ".

  L’hôte de La Marline, de tradition humaniste, ouvert à la mixité des classes sociales, pensa, avec un plaisir non dissimulé, qu’il avait enfreint le code moral du siècle précédent par le simple fait de mettre en relation le "prolétaire" Petit Livre Rouge et " l’aristocratique" cuir de Russie.

  Le Lecteur averti aura bien sûr compris que la psychologie du Comte, du plus profond de son abîme, envoyait vers le conscient, quelques habiles sémaphores, mélangeant en toute impudeur, les Modestes et les Nobles.

  Cependant, si la conscience du Comte plongeait ses racines dans des motivations difficilement avouables, tout du moins auprès des éminentes familles solognotes qui étaient les hôtes habituels de La Marline de Clairvaux, pour autant son attitude n’avait nullement changé, pas plus auprès de ses fréquentations habituelles, que de ses domestiques ou de son épouse Yvette-Charline.

  Plusieurs semaines s’étaient écoulées depuis le retour de la Capitale, lorsque Monsieur le Comte s’aperçut qu’il manifestait plus d’empressement vis-à-vis de son épouse qui en avait ressenti, avant lui, les prémisses, du tréfonds de son intuition féminine. Les entreprises de Fénelon de Lamothe ne se heurtaient jamais à des fins de non-recevoir, Yvette-Charline ayant trop le sens du devoir, mais réservait à son époux un accueil dont la tiédeur s’expliquait par une éducation religieuse stricte lors de l’enfance, et qui l’avait peu disposée aux choses de l’amour.

  Le Comte, ayant pour sa femme, la plus grande estime, n’en tira aucune acrimonie et tout se passa alors, comme si son conscient, troublé par cette évidente retenue amoureuse, se fût réfugié dans les plis du subconscient où l’avait entraîné, à son insu, " La Vie Parisienne ", qu’il se mit alors à feuilleter assidûment, au milieu des livres de Voltaire et de Rousseau, accompagnant ce dernier, dans ses déambulations de " Promeneur solitaire "dont, toutefois, il ne partageait l’enthousiasme pour la botanique qu’à condition qu’elle accordât une attention suffisante aux simples en général, aux aphrodisiaques en particulier. Car, il faut bien l’avouer, et Rousseau nous pardonnerade ne pas suivre à la lettre les préceptes de son ouvrage "Emile ou de l’Education ", Monsieur le Comte, tout entouré de ses sentences et autres aphorismes, Monsieur le Comte bandait à leur seule évocation, ce qui l’étonna, faute de le troubler. Ce qui, surtout, le questionna, c’est que ces manifestations bien naturelles n’étaient aucunement comparables aux réflexes matutinaux qui visitaient tout homme normalement constitué, dès le lever du jour, le transformant en aimable angelot, papillonnant de ses ailes éphémères et diaphanes autour des fleurs féminines en vue de les butiner gentiment. Non, chez Monsieur le Comte, la bandaison était totale, sans compromission avec quelque autre forme que ce fût. Monsieur le Comte érectait dans la démesure, à tel point que le périscope de notre bon Jules Vernes dans "Vingt mille lieues sous les mers ", n’eût constitué qu’une aimable palinodie du phénomène qui habitait, tout le jour durant, son haut-de-chausse.

 

 

 

 

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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 07:46

 

Pour servir d'introduction à

 

"Honnies soient qui mâles y pensent".

 

 

   Ici vous est proposé un long texte à finalité essentiellement ludique. Au fil des jours, parmi la "mornitude" ambiante, les inconséquences de tous ordres, les essais de révolution, les progrès avortés, souvent le besoin se fait sentir de la nécessité d'une vigoureuse oxygénation des neurones, en même temps que d'une ouverture du corps à quelque chatoiement intérieur. Or ces mouvements intimes, ces menues trémulations épidermiques, ces intransigeances corporelles, nous n'oserions en faire l'aveu à quiconque, simplement en raison de leur tyrannie qui, souvent,  nous assigne à résidence. Nous sommes alors comme des gisants de pierre au creux de sombres cryptes ou bien enfermés dans une geôle identique à celle que Tommaso Campanella prit pour assise afin d'écrire sa merveilleuse utopie "La Cité du Soleil".

  Ce Soleil, celui de la connaissance platonicienne, pour prendre une autre métaphore pratique, nous le désirons, nous le souhaitons ardemment alors que, plongés dans l'obscurité de notre allégorique caverne, nous nous débattons continuellement avec les ombres, les illusions de toutes sortes dont notre vue est saturée. Mais ce que, de toute éternité,  nous voulons saisir  à la force de nos ténébreuses gesticulations, de nos somatiques syncopes, de notre architecture de chair, ce sont ces merveilleux fragments de lumière, ces minces irisations, ces rythmes de phosphènes qui sèment sur la toile désirante de notre peau les mille feux de la séduction. Car nous ne souhaitons que cela,  être séduits, séduites, - en ceci il n' existe aucune ligne de partage entre les sexes - afin qu'éclairés de l'intérieur nous puissions nous féconder selon une manière de parthénogénèse, comme si nous étions en mesure, par une sorte de grâce, de nous reproduire à l'infini sans que le principe de complémentarité nous soit nécessaire.

 Le récit érotique  n'agit guère autrement qui, touchant le Lecteur, la Lectrice, ne suppose aucune mixité pour parvenir à ses fins, à savoir créer de l'être. Merveilleux hermaphrodisme de gastéropode assurant lui-même sa propre descendance sans qu'il soit aliéné, pour ce faire, à  quelque altérité que ce soit. Car le Lecteur, la Lectrice, bien à l'abri dans leur cabinet de lecture ne désirent rien d'autre que la présence de leur précieux viatique imprimé afin de connaître une mince joie, laquelle, parfois, peut imiter l'assomption rendue possible par l'orgasme lui-même.

  On conviendra cependant que la poésie, la littérature peuvent se révéler capables de tels prodiges alors même que le corps, la jouissance ne sont nullement en cause. Certes. Mais qui donc, au fin fond de son ombilic, n'a jamais tricoté quelque fantasme capable de soulever les tables ? Et ceci sans qu'il soit besoin de convoquer un médium. L'énergie orgastique est de telle nature que, bien souvent, elle prend des allures de tornade ou bien de cyclone et il y faut tout le poids de la censure morale et des interdits bourgeois afin d'en neutraliser les effets. Alors nous nous plions aux fourches caudines du dictat social, alors nous rétrocédons vers une vie végétative où, sous les cendres, couve la braise.

  Le texte qui vous sera livré bientôt s'essaie à souffler sur les braises, à raviver cela qui s'était invaginé dans quelque repli épidermique mais n'attendait que l'occasion d'un tremplin pour, à nouveau, coloniser l'air, tout comme le fait, dans une magnifique turgescence métaphoriquement existentielle, la si belle crosse de fougère.

  Donc, cette fiction, entièrement  livrée à l'imaginaire, mettra en scène toute une aristocratie bien pensante dans le cadre d'une magnifique demeure solognote aux environ des années 1750. Jouera en contrepoint la faune rustique des Halles avec son inévitable bistrot auverpin. Et, pareillement au vaudeville ou au théâtre de boulevard, les amours seront pimentées  grâce à la rencontre de la roture et de la haute bourgeoisie. En quelque sorte le percheron tutoyant le yearling. Mais ceci dans le cadre de sentiments vrais, l'amour transcendant toujours tout ce qu'il touche. Le dialogue sera donc constant entre le milieu de la prostitution, les interventions des mères maquerelles, le monde feutré des affaires. Et Madame la Comtesse, sans même se douter un seul instant des frasques de son mari avec une Fille de joie, se livrera à d'étranges sabbats, en présence du gratin féminin provincial, dans des postures qui feraient pâlir d'envie ce bon John Cleland en personne. Le tout se déroulant dans la bonne humeur, la facétie, le saugrenu, manière d'attitudes non seulement libertines mais aussi libertaires, donc empreintes de l'esprit subversif de toute révolution, fût-elle sociale ou bien visant les mœurs. Un indispensable fil rouge permet à l'ensemble de tenir : sentences, soties, citations, proverbes, dictons émaillent le récit en maints endroits.

  Il s'agit donc d'une fable érotico-littéraire, genre de pastiche des romans érotiques du XVIII° siècle.

  Que votre lecture soit parsemée de bonne humeur, inventive, libre surtout des conventions de tous ordres. Condition sine qua non pour en déguster l'épineuse et "fornicatoire moelle".

  

PS : Puritains : s'abstenir - Libres Penseurs & assimilés : Entrer.

NB : Certains passages sont chauds, très chauds, dits certes dans une langue des plus  

         classiques, laquelle, cependant, n'atténue pas forcément la force naturellement  

         "éjaculatoire" de la petite sotie. Vous serez prévenu(e)s !

                                                                                                                                                                                          

 

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