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22 août 2013 4 22 /08 /août /2013 21:42

 

la

 

 

Simonet et moi, on réfléchit à l'aphorisme de Vergelin.

 

 

 D'un geste commun et fraternel, Simonet et moi, on se grattait la tête subséquemment aux propos étranges du Professeur es Sciences Humaines et on était encore dans une sorte d'embarras qui nous gênait aux entournures, quand le reste de la bande se rappliqua comme un vol d'étourneaux qui s'abat sur de larges frondaisons. Simonet s'empressa de les rejoindre en fredonnant quelques ritournelles de"Tonton Georges".

 

 

Les Colombins.

 

 

  Cependant que Calestrel sortait des miettes de pain béni d'une poche en papier où il y avait un ciboire dessiné dessus, et distribuait sa provende à la gent ailée, j'avisais le groupe des colombins et cherchaiAristote des yeux. Gavroche et Alphonse en profitaient pour se foutre une peignée à propos des croûtons; Cosette et Candide se tenaient un peu en retrait, n'osant guère se mêler à la curée; les Thénardier, par contre, bouffaient sans vergogne tout ce qui passait à portée de bec; Jean Valjeanessayait de mettre de l'ordre dans ce charivari alors que Javert, à peu de distance, observait la scène d'un œil méticuleux et policé. Le groupe des Grecs s'était rassemblé sur l'agora, à l'abri de la cabine téléphonique. Pythagore pique-niquait tout en arpentant, comme à son habitude, les dalles de pierre.Démosthène roucoulait, la bouche pleine.

 

Aristote.

 

  Aristote m'apparut enfin, juste à côté de la boîte à lettres, chipotant quelques miettes d'un air distrait. Voulant consulter ce dernier sans trop attirer l'attention de ses congénères, je m'essayai à roucouler à la façon des anciens Hellènes, mais ça ne faisait guère, dans ma gorge, qu'un bruit semblable au sifflet à roulette du Brigadier Debergeon, et c'est pourquoi je dus me résoudre à l'universel et fort compréhensible "Pssstt...Pssstt...", qu'Aristote perçut d'emblée comme l'expression d'une demande d'aide. Je me livrai donc à une discrète translation, tout à l'extrémité du banc vert, m'assis, pour une fois, sur l'assise, juste sur le bout des fesses, et glissai dans l'oreille invisible mais pertinente d'Aristote :"Aristote, j'ai un problème avec la dernière formule de Vergelin et j'aimerais bien que tu puisses me tirer d'affaire"Aristote me répondit qu'il consentait à m'accorder quelques minutes de son précieux temps pour qu'on fasse ensemble le tour du problème. Je rapportais donc les propos du Professeur Vergelin, soulignant ma perplexité à leur égard :

Labesse. - Voyage au centre de la Mère ?, mais ça veut rien dire, Aristote, c'est tout juste une absurdité !

Aristote. -  Jules, si tu le permets, je vais te livrer une information que tu sembles ne pas posséder et qui, j'en suis sûr, ne manquera pas de t'éclairer.

 

 

Vergelin explique à Aristote l'analogie entre la Place

et le retour dans la Matrice Primordiale.

 

 

  Et Aristote poursuivit, avec la méticulosité de celui qui est sur le point de révéler une vérité majeure :  "L'autre jour, alors que toi-même et ton aréopage n'avaient pas encore investi la Place, Vergelin est passé, avec l'Huma sous le bras et, lorsque j'étais en train de picorer quelques graines, il s'est adressé à moi en ces termes :                                                                                 

-  Aristote, tes amis n'ont pas encore rejoint l'agora, à ce que je vois ?

Et, comme j'opinais du bonnet pour confirmer les dires du Professeur, ce dernier s'est approché de moi et m'a glissé à l'oreille :                                                          

- Tu sais, "la bande de branquignols", comme dit Henriette, leurs réunions quotidiennes, c'est pas juste pour être dans le présent bien concret qui les entoure, c'est pas pour commenter les dernières nouvelles à la mode, pour papoter sur les comportements des Ouchiens et de leurs épouses, encore qu'ils s'en privent pas, mais tu vois, Aristote, leur station sur le banc vert, c'est plus profond que ça n'y paraît, c'est une recherche, une sorte d'anamnèse, de retour à soi et c'est surtout "un pèlerinage aux sources"pour paraphraser Lanza del Vasto, c'est une régression, et la Place, avec sa forme ovale, avec ses rangées de maisons qui font comme un abri, c'est exactement l'image de la TERRE élue, de la Grotte, de la Caverne, de la Matrice Primordiale, si tu vois ce que je veux dire et tes potes, quand ils y sont dans la matrice, bien au chaud, bien enfoncés jusqu'au cou, avec les platanes qui leur font juste l'ombre qui sied aux méditations, avec ce qu'il faut de paroles et de voix atténuées pour habiller les rêves, avec à peine un souffle d'air pour entretenir l'inspiration, eh bien les éternelles cariatides du banc public n'ont à soutenir au-dessus de leurs têtes qu'une pellicule d'eau et de chair, ils ont commencé le grand voyage à rebours, ils ne sont plus ni vieux, ni jeunes, ni adultes, pas même adolescents ou enfants s'amusant à faire rouler un cerceau dans une cour d'école, ils ne sont même plus des nouveau-nés aux touchantes rides juvéniles, aux fossettes où l'on pose des baisers, ils sont tout simplement des fœtus, des entités prénatales qui flottent dans leur bain amniotique, comme les Ouchiennes dans le spa deNelly, et ils font des ronds dans l'eau, sans doute des bulles embryonnaires et ils stationnent dans la douce conque sans se poser de questions, l'esprit critique ne les a pas encore saisis, pas plus que les projets, les rêves fous, les serments de fidélité; le quotidien leur a, jusqu'à présent, épargné les croche-pieds et le futur les concerne aussi peu que l'éclatement infime du gaz dans le silence des tourbières et leur "manque-à-bouger" annule le temps et on finit par ne plus les voir, fondus qu'ils sont dans le paysage éthéré et liquidien et, parfois, l'arroseuse municipale les brumiserait en même temps que l'assise verte qu'ils n'y prêteraient guère attention; ils sont très loin, inaccessibles, ils n'ont plus de langage, plus de mesure, plus d'étalon et c'est pourquoi leurs yeux sont si transparents, leurs bouches si muettes, leurs membres si soudés à leurs corps, leur souffle aussi léger qu'une brise de mer, et prenez garde à juste les effleurer, à ne pas tirer le fil de soie ténu qui entoure leur cocon; ils ne sont que d'insignifiantes chrysalides, des existences en sursis, ils n'ont pas encore décidé de fendre la membrane et de sauter dans l'abîme où campe la déréliction sous la figure du multiple; ils ont choisi le non-choix, le rattachement "ombiliforme", ils ont élu la TERRE-MERE dans laquelle ils migrent en s'invaginant, ils ont ainsi recréé l'unité primordiale, la dualité se fondant en l'unique et il serait bien criminel de les en priver de cette fantasmagorie qui allume des étoiles sur l'écran de leur tête, et il serait imprudent et un peu fat de les faire renoncer à leur petit cosmos; ils s'y trouvent si bien, tant c'est aménagé pour eux ce réceptacle imaginaire, tant c'est doux et accueillant, tant c'est la forme rassurante et subtile, équilibrée, tellement éloignée du chaos, de l'absurde, de la déraison. Alors y a pas de raison...

Aristote

  - Et, sur ces paroles en forme de suspension, Vergelin, comme à l'accoutumée, avait tiré sa révérence, laquelle m'avait laissé dans une grande perplexité, aussi bien que le contenu de son discours qui n'en finissait pas de faire des vagues sous le couvert étonné de mes plumes.

 

  

 

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