L’écharde claire du silence.
Photo © Tatiana-Maksimovich
Texte© Pascal Sauvaire
(Libre improvisation sur le couple
Texte-Image
Tatiana-Maksimovich
Pascal Sauvaire.)
Vide silence.
« Un vide entre deux corps,
Figurant mieux la chaleur
Que l’absence de bruit.
Solitude, vide et ce silence
Qui rend plus étroite encore,
La cause restant obscure.
Solitude, vide et ce silence
Donné par le regard
Où l’étendue domine.
Solitude entendue. »
PS.
Je te sais fiché dans la braise de la nuit, Toi, corps à la dérive. Toi corps du corps de la solitude. La béance est là qui appelle, l’abîme est là qui ouvre sa gueule et l’infinitude me saisit. D’un même geste d’une parole muette. Le remuement est si subtil qu’il est ombre de lui-même. Je te sais, Toi, lame d’effroi qui cloue ma gorge aux portes des demeures vides. Je te sais. Mais quel vent souffle donc qui incise mon âme de son feulement acide ? Rends-Toi au seuil des temples et immole-Toi à la démesure de l’Être. Oui, je nomme en Majuscule, je nomme en Majesté. Et pourquoi donc le Penseur nous aurait-il amené au bord du gouffre, au milieu de la béance verticale, oui, je dis Verticale, pour nous remettre à notre destin et nous y faire demeurer ?
Pourquoi la Question résonne-t-elle sur la margelle de ma conscience ? Ecoute donc la fontaine d’Ombre faire son bruit d’abeille dorée, son clapotis d’outre-ciel. L’eau est cette ressource que j’attends depuis l’antre étroit de ma bouche. Là, au sein des falaises blanches, il y a ce massif qui, incessamment déglutit, vomit ses gerbes d’existence. Là est la demeure de tout souffle, de toute disposition à l’arcature du Monde.
C’est du fond de la nuit qu’a lieu le jaillissement : une élévation de calcite blanche contre l’aspérité du songe. Cela se dresse, cela dessine la forme du doute, mais cela EST. Mais qui donc pourrait le nier ? Qui donc pourrait biffer d’un seul empan de ses yeux étroits l’Effigie de cire éclairée de l’intérieur ? Gemme solaire disant la persévérance du jour. Pierre lunaire disant l'empire sans fin du site nocturne. Et, debout, assigné à mon calvaire étroit, que me reste-t-il à dire, sinon « La cause restant obscure », mais la Cause est-ce cela par quoi nous mourons ? L’Ephémère surgissant de la poix, du Noir confondant, est-elle Celle par qui je vais pousser mon Esquisse jusqu’à son terme ?
Mais les doigts ne se referment que sur des tapis de brume. Brume, trois fois salutaire, d’autrefois, d’aujourd’hui, de demain, entre donc en moi et aliène-moi à ta mesure dernière. Qu’enfin je sache de quoi mourir est fait ! Est-ce l’abandon de soi, perte dans la cendre, reniement de son double de chair, grise ossification dans les catacombes du Ciel ? Qu’est-ce ? De questionner je suis las et mes plaintes vrillent l’espace. « Où l’étendue domine ». Mais quelle est donc cette domination qui me fait l’esclave du Temps ? Il passe en moi et étend ses rémiges et il ne reste rien qu’une absence sépulcrale.
Mais je le sais depuis l’antre obséquieux de mon entendement, « Un écart de silence Plus juste que la durée Qui se fend », et voilà que l’instant se dérobe à peine posé sur la vanité des choses. Ô écharde du silence. Ô Silence qui vis de ton étroitesse et m'en fais le don suprême comme le catafalque cahote sur les pavés avec sa charge d’éternité. Ô Silence qui arrache de ma langue les mots de l’impéritie, Silence qui clôture tout en même temps que s'abrite la parole donatrice de vie. Il ne saurait y avoir d’autre dimension pour ce qui surgit du Rien et fond sur moi comme l’aigle sur la proie.
Je suis muet, cloué dans la charnière étroite, « Solitude entendue », remise à la perte du jour, à la dissolution dans la gorge de ténèbre. Rien sur la Terre qui fasse signe et abrite. Les murs sont vides. Les volets clos. Les Hommes absents et le vent souffle son haleine rauque dans le corridor des masures. Une durée qui, jamais n’aura été, que dans la tête dévastée de quelque idole de plâtre. « Solitude, vide et ce silence », « Solitude entendue », je t’entends hurler à la Mort. La Souveraine. Seule, Elle sait m’étreindre et me faire demeurer dans l’absence éternelle des choses. Ce par quoi je vis et aussi bien m’absente.