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5 août 2013 1 05 /08 /août /2013 10:58

 

L'Autre : grille de lecture singulière.

 

 

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  C'est toujours pareil, parmi les hommes, comme une ligne de partage qui délimiterait, une césure qui les placerait les uns à côté des autres, en ferait des échantillons à placer sous la loupe du regard.  D'un côté les grands, de l'autre les petits; les chevelus, les chauves; les Noirs, les Blancs; les Futés, les Modestes du bonnet. Mais voyez-vous, tout ceci repose essentiellement sur les vertus de la dialectique, laquelle depuis les anciens Grecs, cherche à créer du paradoxe, à opposer les énoncés, leurs contenus, à différencier, à confronter. Or, si la dialectique est la forme qui convient aux agoras afin que s'y produisent échanges et discours, il en va tout autrement dès qu'il s'agit d'établir des catégories, des sortes de classifications selon lesquelles se répartiraient les Hommes, les Femmes, eu égard aux prédicats qui leur sont attachés.

  C'est ce que fait Henriette depuis la radicalité de son jugement, et, bien sûr, prenant l'amplitude de ses convictions pour la vérité toute nue, elle classe, d'un côté les Bien lotis, les Méritants; de l'autre les Insuffisants, les En-voie-d'accomplissement, comme s'ils émergeaient juste du limon et qu'une main démiurgique, sans doute, eût à les façonner afin qu'ils parviennent à une éclosion adéquate. Mais adéquate à qui ? Mais adéquate à quoi ? Mais bien évidemment au sentiment qu'a Henriette de posséder la bonne clé d'interprétation. Or, ce qui est vrai d'Henriette est aussi vrai pour chacun des Individus faisant sa marche obstinée sur le bout de Terre qui, pour un temps, lui a été alloué. Bien évidemment, vous aurez reconnu là les singuliers entrechats, les subtiles broderies avec lesquels toute conscience s'arrange, juste dans l'intention de pouvoir prétendre taper dans la cible, en plein milieu de sa signification majeure, à savoir la justesse de sa propre appréciation concernant les choses. Et les hommes aussi car, si l'on possède le bon outil, pourquoi ce dernier faillirait-il à sa tâche ?

  Le problème est bien celui qui pointe le bout de son museau chafouin, dont je suis sûr que vous aurez perçu ses trémulations vicieuses, tout comme le raisonnement biaisé qui lui est attaché. Si la taupe peut se contenter d'un jugement à courte vue, prélevant ici ou là une racine ou un tubercule sans en connaître la nature profonde - tout fait ventre identiquement dans les circonvolutions ombreuses de l'humus -, bien évidemment il ne saurait  être question de chercher à fouir le sol anthropologique de la même manière que celle utilisée pour le simple et naïf végétal dont le nom indique, du reste, la vie simplement végétative. Mais, me direz-vous, un jugement est bien possible concernant l'homme, la femme. La morale, la justice, l'amour se nourrissent bien de ces différences existant entre les individus afin que l'humain dispose d'un code selon lequel apercevoir la vérité ou son contraire, la fausseté, l'inexactitude à être.

  Certes. Non seulement un jugement est possible, mais il est indispensable à tout fonctionnement social. Il y aura toujours des humanistes et des délinquants; des esthètes et des matérialistes; des bons Samaritains, des  Prêtres et des Lévites longeant le corps du malheureux sans même lui accorder un regard. C'est ainsi, la nature humaine est une manière d'auberge espagnole, de caravansérail où se croisent dans une incroyable complexité pèlerins honnêtes et marchands véreux, ou bien l'inverse, la variété humaine tenant à la fois de la merveille et de la simple abomination dans un même geste continu d'exister. Sans doute n'y a-t-il pas de pomme sans ver ! Autant en prendre notre parti. Et maintenant, après ces allusions aux paraboles éclairantes et aux métaphores explicatives, il suffit de se reporter aux comportements de nos aimables protagonistes car, à leur façon, ils sont pareils à des images nous aidant à nous saisir du réel.

  Si Henriette, aussi bien que Jules ont le "droit", chacun à leur manière, de percevoir les objets du monde, ils ne procèdent pas identiquement, loin s'en faut. Henriette, en prise directe sur les choses, volontiers concrète et un brin expéditive se confie, le plus souvent, à des opinions instinctuelles, genres d'arc réflexe produisant du sentiment, de l'opinion (la doxa des Grecs), du prêt-à-porter de la pensée, de la mondanéité, de l'expression sur le mode du "on" : on pense comme Paul, comme Pierre et tout ceci, évidemment, court-circuite une bonne partie du libre-arbitre. Le libre s'évacue, ne reste plus que l'arbitre ! Ceci énoncé ne veut en rien signifier que l'insistance à être d'Henriette serait en une certaine façon, inférieure à celle de Jules qui, on l'aura compris, fonctionne lui également avec l'arbitre mais en ménageant, tout autour, une aire de liberté. Car, si apprécier une pomme peut se satisfaire d'une manière d'immédiateté perceptive : celle-ci me paraît meilleure; celle-ci moins goûteuse, en matière d'humain il convient de prendre des pincettes, à savoir de conférer au jugement une assise plus large. En définitive, tout est en ce domaine, relié à une question spatio-temporelle. Poser un jugement, pour Jules, suppose une antériorité d'appréhension du sujet dont il est question, en même temps que l'édification d'un vaste espace tout autour afin que celui-ci, cet empan de liberté, crée les conditions mêmes d'une possible vérité. C'est pour cette raison que pour Jules, identiquement à son ancien métier de Magasinier, c'est à la suite d'une longue expérience, d'une maturation des données réelles se présentant quotidiennement à lui, que va découler son activité de classification du divers - pour lui boulons, soupapes et biellettes -,  dans des catégories particulières. Car toute taxonomie doit nécessairement s'enquérir, bien en-deçà de l'événement actuel qui fait phénomène, des assises qui ont précédé son apparition et, déjà, apercevoir, bien au-delà de son actuelle structure, les formes possibles de son devenir. Pour faire référence à une métaphore facilement compréhensible : s'enquérir de la pomme ne peut avoir lieu qu'après avoir pris acte des racines qui l'ont portée à son éclosion et, déjà, de sa corruption, donc de sa disposition de s'abandonner pour laisser place à une autre génération de pommes.

  C'est simplement pour cette raison que Jules a élaboré une grille de lecture complexe, intégrant aussi bien la relation des ses Copains au registre de la sensorialité, des archétypes, des formes symboliques, des manières d'exister, grille que vous découvrirez lors de la prochaine publication et dont déjà, votre perspicacité aura tiré quelques anticipations. Et, pour clore ce propos sur notre perception du monde, disons que le mode d'approche, pour Henriette est "proximal" donc opérant dans un rayon d'action immédiat, alors que pour Jules, il est "distal" donc a priori éloigné du sujet à observer, ce recul lui assurant, cependant, une perception plus "objective" du réel. Pour autant, si vous questionniez Jules et Henriette sur la qualité de leur singulière approche, chacun serait persuadé d'avoir fait le "bon choix", tellement il est vrai que chacun de nous a une telle familiarité avec sa propre nature qu'y introduire le moindre grain de sable peut gripper la machine. Peut-être, en définitive, dans tout ceci n'est-il question que de rouages, de clavettes et de pignons s'emboîtant "naturellement". Ce n'est pas l'ancien Magasinier de la Manu qui nous contredirait, lequel cependant, fait fonctionner la machine à sa manière. Unique, bien évidemment !

 

 

 

 

 

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