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1 mai 2022 7 01 /05 /mai /2022 10:19
Ce gribouillis sur une feuille

Esquisse

Barbara Kroll

 

***

 

Un gribouillis

sur une feuille,

te disais-je,

un trait de plume

qu’un simple vent

pourrait biffer.

 

De ceci, tu n’avais cure,

t’accrochant à l’existence

telle la feuille au rameau.

Cependant les jours passaient.

 Cependant l’été tirait à sa fin

et l’amour, entre nous,

n’était plus que

cette vacillante

étincelle qui ne tarderait

à s’abîmer dans l’invisible

 poussière du temps.

Les jours à la suite des jours,

 ton image devenait cette illusion,

cette manière de spectre

à lui-même étranger,

une non-venue à l’heure

pleine de son Destin.

 

Un gribouillis

sur une feuille,

te disais-je,

un trait de plume

qu’un simple vent

pourrait biffer.

 

Une étrange aventure,

me disais-tu,

 l’eau d’une aquarelle se

perdant au ciel des saisons.

De ceci, je n’aurais pu

m’offusquer, te sachant

simple oiseau de passage

bientôt repris par

l’insistance de l’air.

 

Cependant les heures

 s’écoulaient.

 Cependant l’automne

s’annonçait

et le miroir dans lequel

nous percevions

nos silhouettes communes

se voilait comme

 s’il eût voulu

être à lui-même

sa propre perte.

 Un tain de plomb

s’abreuvant à sa

singulière lacune

 

Ton corps

de gloire

 et d’amour,

quel était-il alors,

 sinon cette griffure d’encre

 dont eût pu souffrir

un  parchemin ?

Tes cheveux,

ces minces lanières

 épousant la doline

de tes épaules ?

Le haut de ton buste,

ce tellurisme d’une pointe

acérée qui entaillait ta chair ?

 Ta main, cette courbure

qui saisissait le Rien,

s’agrippait à la margelle

 du Néant ?

 Si bien que je t’aurais crue

pareille à la visitation

d’un rêve,

 au badigeon blanc

de l’imaginaire

 sur l’illisible

marécage

 du doute.

 

Un gribouillis

 sur une feuille,

te disais-je,

un trait de plume

qu’un simple vent

pourrait biffer.

 

Je te disais ma nuit,

les blafardes échardes

qu’y imprimait

ton glissement

sur la pointe des pieds,

un effleurement

qui, jamais,

ne parvenait au

bout de son être.

Toujours en fuite

 de qui il était.

Tu me disais le peu

 de réalité qu’il y avait

à poursuivre une union

qui n’était qu’une

 réminiscence éteinte,

 une lumière se distrayant

de la courbe des yeux.

 

Cependant les secondes

s’égrenaient.

 Cependant l’hiver arrivait

avec sa résille de froid,

avec les boules d’ouate

de son frimas.

Nous n’avions plus

ni repère ni raison

d’espérer au-delà

de qui-nous-étions,

d’erratiques Figures

en quête d’elles-mêmes

 alors que le crépuscule

nous visitait à la façon

 de traits de graphite

qu’une gomme

anonyme effacerait.

Oui, effacerait

et nous ne nous

 reconnaissions plus

sur cette lisière

infinie d’indigence.

Il nous fallait demeurer

 malgré tout sur le

 pourtour des choses,

tâcher d’en éprouver

le cercle virtuel.

Quand, enfin,

pourrions-nous

nous éprouver

tels des Vivants ?

Nous étions si loin,

l’absurde si près dont

nous sentions

 l’haleine froide.

Tant de givre

 et une brume

glaçait nos bouches.

Je te disais le Silence.

Tu me disais l’Absence.

 

Un gribouillis

 sur une feuille,

te disais-je,

un trait de plume

qu’un simple vent

pourrait biffer.

 

 

 

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