Œuvre : Barbara Kroll
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De l’oubli l’image accomplie
N’étais-tu que ceci
Sur l’écran dépoli
De ma mémoire
Absente de tous les lieux
Privée de tous ses feux
Pareille à une périssoire
Sur les eaux agitées
D’une ancienne histoire
T’étais-tu dissoute
Dans les mailles de mon souvenir
Au point d’incessamment devenir
Ce nuage au loin
Cette cendre dans la buée de l’heure
Cette faute à peine absoute
Qui ne trouvait sa route
Cette image sans témoin
Cette chute qui te clouait à demeure
Dans ce corps de terre et de glaise
Dont rien n’émergeait
Qu’un éternel malaise
Jadis tu avais des yeux de braise
Des lèvres purpurines
Une haute poitrine
Des désirs immédiats
Des goûts d’apparat
Tout ce qui d’habitude apaise
L’amant de passage
Comble les fureurs de l’âge
Mais combien ton silence
Dans ce monde d’absence
T’amenait à cette solitude
Dont tu vivais le rude
Dont tu tressais les fils
A la manière d’un sombre exil
Tu étais au-delà
De toute compréhension
Tu étais en-deçà de toute décision
Pareille à ces fins nuages
Qui hantent les nuls rivages
Que traversent nos vies
Quand sonne l’hallali
Avais-tu au moins l’espérance
D’une proche délivrance
Ou bien te condamnais-je
Par une sotte intuition
A tourner sur ce manège
Qui menaçait d’être tragique
Te plaçant en une fiction
A l’allure de vaine supplique
Que ta bouche scellée
Que ton corps flagellé
Demeurent en leur vérité
Cette haute finitude
Dont tu parais atteinte
Cette vanité à la morne teinte
Cette lisse incomplétude
Voici ce qui t’éreinte
Et ourdit la toile de ta lassitude
Vois-tu il ne sera pas dit
Que je t’aurais aimée en vain
Je te remets à ton étrange destin
Il n’est de plus haute pensée
Que celle qui dit la liberté
Je t’en offre le subtil levain
Je n’attends nul merci
Seulement un éternel oubli
Une goutte de rosée sur ta main
Une pluie se levant au loin