"Paysage nocturne avec un ciel d'encre noir"
Photographie : Patrick Geffroy Yorffeg
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Souffle le vent de la peur
Sur ces terres étroites
Elles disent l’avenue
De la Mort
La venue
De la Mort
Oui de l’Invisible
Qui chaque jour nous étreint
Elle notre Amante
Elle notre Muse
Qui nous distrait de nous
Pour mieux nous surprendre
*
Ainsi en va-t-il de la marche
Du monde
Un enfant est né
Dans sa juvénile patrie
Sourit aux anges
Aux ailes de tulle
Babille et susurre dans
Son berceau de chair rose
Son visage brodé d’innocence
Comment pourrait-il être
Ailleurs
Qu’en sa nasse d’amour
Qu’en son destin
Aux diaphanes portées
Ne diffère nullement de soi
Entièrement contenu
Dans son germe natif
Il est totalité
En son corps assuré
Il est infini
Dans le pli de son être
*
Vous gens de curieuse nature
Voyez donc combien sa grâce
Qui paraît immarcescible
Est ce fil de la Vierge
Qui toujours ne demande
Qu’à se rompre
Vie est ce miracle
En attente de sa fin
Ver est dans le fruit
Qui fait rumeur
Mortifère
Dernière
*
Alors n’aurez de cesse
Que de palper
Votre anatomie
D’y chercher
Ce grain mortel
Qui vous ronge de l’intérieur
L’avisé Montaigne disait
« La préméditation de la mort
Est préméditation de la liberté »
Apprenons donc à mourir
C’est là notre bien
Le plus commun
*
Plus d’un se croyait prémuni
Des atteintes
De la Noire Engeance
Et thésaurisait
Et régnait sur les Mortels
Et affirmait son invincible
Puissance
Tel qui disait ceci
Aujourd’hui dans son linceul
De pourpre
Dort du sommeil des Justes
Des Justes bons à rien
Qui par inconscience
Ou altière estime de soi
Avaient fait de la vie
Leur illustre gloire
Ne le sachant mais ceci
Est ultime vérité
Le Bon et le Juste
Le Méchant et l’Inique
Sont tissés d’une toile unique
Qu’un ver depuis toujours
A condamné à n’être
Que vêture mitée
Roupie de sansonnet
*
Vous mes frères
Qui comme moi vivez
À débusquer toute trace
De la Vénéneuse
Dès que bubon ou bien gale
Se manifestent
Dites-lui à la Léthifère
Que nullement ne la craignez
La désirez même
Tant son baiser vous ôtera
Bien des tracas
*
Ce n’est que conseil éclairé
Si l’Humaniste parlait
De liberté
Vu que Mort
Des pieds de nez ferez
À votre percepteur
À vos créanciers
Enfin à toute forme commise
À vous empêcher de valser
À votre guise
*
Nul n’est plus au sein
De son royaume
Que le Mort en sa Léthé
Que le Vivant en sa geôle
Là sont des lieux
De repos éternels
Nul ne viendra
Vous y rejoindre
Sauf contre son gré
Sachez ceci pour votre
Plus grand bien
Vos plus empressés laudateurs
N’ont qu’une hâte
Vous dépouiller
De ce qui vous appartient
Or rien plus que la Mort
Ne vous appartient
Telle la certitude
Des cœurs vaillants
Vous dépouillant
Ils ne gagneront
Que le Rien
*
Tendez donc les bras
À vos oppresseurs
Avec vous ils se jetteront
Tête la première
Dans le brasier du Tartare
Brûlant vous les regarderez
Se consumer
Au feu de la dernière vérité
Ciel au-dessus de vos têtes
Est toujours encre noire
Commise à votre perte
Mais perte est toujours gain
D’une condition nouvelle
Mortelle
Peut-être celle qui enfin
Nous dira son secret
Qui n’est que le nôtre
Comme Michel Eyquem
Dirons
« Il n'y a rien de mal
En la vie pour celui
Qui a bien compris
Que la privation de la vie
N’est pas mal »
*
Pour l’heure vivons
Allons au bal
Encore faisons un pas
Le dernier
Il ne nous sera nullement donné
De l’admirer
Déjà il sera éternité
*