Photographie : Blanc-Seing
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Pourquoi fallait-il
En cette fin d’hiver
Que les choses se donnent
À l’orée des songes
Dans cet inscriptible
Si flou
Si atténué
On aurait dit un rien
Sous des voiles
Dissimulé
*
Il n’y avait nulle certitude
À exister
Nulle empreinte qui eût dit
Notre évanescent passage
Seule une réalité tronquée
Un regard confisqué
Une plaie ouverte
Suppurant ses gouttes
Une sève oblitérée
*
Était-ce l’annonce du printemps
Une saison encore inconnue
Un temps indéfini
Une équinoxe arrivait
Une équinoxe partait
Flux reflux
Mortes-eaux
Vives-eaux
Âmes et corps ballotés
Jamais les vagues
N’en finiraient
De faire leur cruel
Va et vient
Tantôt le plein de l’onde
Tantôt le creux du ressac
Et les mains griffaient
Le vide
Que tressait une pluie
De brume
*
La cimaise de l’être
Etait comme dévastée
Vaste plaine balayée
Par le vent
Les yeux étaient
À la peine
Résilles blanches
À l’angle des paupières
On voyait et ne voyait point
On marchait et demeurait
On espérait et s’attristait
Dans le même instant
Dans le fléau de l’heure
Qui semait
Son abrasive trille
*
Ô ivresse du jour
Qui ne s’abreuvait
À rien d’autre
Qu’à sa propre vacuité
Mais regardez donc ces arbres
Ces efflorescences du bois
Fouettées par leur propre finitude
De ceci qu’y a-t-il à dire
Sinon à pleurer
A enfouir son visage
Dans un tissu de larmes
Une pluie abondant
Dans l’abîme
Se révulsant
Dans le néant
*
Ces arbres qui puisent
À la Terre
Font offrande
Au Ciel
Que reste-t-il de leur puissance
Sinon cette affliction
Cette perte de soi
Dans les ramures d’air
Que reste-t-il
Ce ne sont que torches grises
Flammes consumées
Consternantes dérisions
Plus rien ne fait signe
Qui s’étoilerait
Au noroît
De la conscience
*
Où donc sommes-nous
Nous qui avons disparu
Car l’on ne saurait se montrer
Sous le dénuement de l’arbre
L’arbre cette lumière
Qui nous dit le luxe
De sa croissance
La force de sa présence
Sous les orages
Sous les tempêtes
Image de l’homme
En ce qu’il voudrait être
Qu’il ne sera jamais
On ne se mesure
Nullement
À la Nature
À ses hautes dictions
L’arbre n’est arbre
Qu’à sa propre mesure
Étalon de son immense sagesse
Témoin de son endurance
Juge de sa longévité
*
Que sommes-nous
Nous les hommes
Pour oser nous confronter
À leur grandeur
À leur altière destinée
Nous les adorons
Leur dédions la branche de gui
Arbres de vie
Sources du sacré
Yggdrasil-arbre-du-monde
« Destrier du Redoutable »
Nous les honorons
Les abattons
En un même mouvement
De l’âme humaine
Exemplaire
Faillible
Immensément faillible
*
Mais quelle sève nouvelle
Courra donc sous l’écorce
Un simple sang blanc agonisant
La ressource de vives-eaux
Arbre nous t’attendons
Avec confiance
Abaisse donc
Le tumulte du jour
Afin qu’y trouvant place
Nous puissions creuser la nôtre
Hors ceci nous seront absents
Immensément absents
*