Nous nous connaissions à peine et déjà vous me disiez le lien, l’attachement des êtres. Entre eux, mais aussi à ce qui les dépassait. Comme le ciel dépasse l’oiseau qui y trace son invisible vol.
Le lien du sol, d’abord. Nous étions tous les enfants d’un paysage, d’une rêverie, d’une rivière qui faisait son chant sous le frémissement des aulnes. Et je pensais à Julien Gracq, à ses « Eaux étroites », à l’Evre, cette merveilleuse comptine veillant au destin d’un enfant qui deviendrait écrivain.
Le lien du sang, ensuite. Ce rhizome qui court avec son bouquet pourpre parmi les légendes des généalogies. Ce sublime faisceau pareil au trajet des nerfs, à leur étoilement blanc que la peau recouvre de sa taie de silence. Et je pensais à Victor Hugo, à Léopoldine, à la nature blanchissant à l’aube, à la tristesse parfois qui fait du poète un marcheur égaré.
Le lien de la chair, pour finir, cet étrange nœud qui nous contraint et nous réduit à néant pour peu qu’il desserre son étreinte. Alors nous battons la campagne les yeux au frimas, l’âme en perdition. Car plus rien ne parle que le froid et la bise hivernale. Et je pensais à mes lectures adolescentes, à « Lady Chatterley », à ses baisers brûlants comme le feu. Mais je ne suis qu’un pauvre garde-chasse aux doigts gourds, à l’esprit entaillé par le doute et vous fuyez à l’horizon de ma pensée à mesure que, de vous, je trace l’esquisse au fusain. Pourquoi faut-il donc vieillir et laisser son manteau au vestiaire ?
Nous nous connaissions à peine et déjà vous me disiez le lien, l’attachement des êtres.