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8 juillet 2013 1 08 /07 /juillet /2013 10:48

 

 

   L'amitié, ça paraît pas, mais c'est un brin complexe. On croirait que tout va de soi, que l'Ami, on est de plain-pied avec lui, que tous les Amis se ressemblent, qu'on est liés à eux par un cordon ombilical de même nature et que, donc, il n'y a guère de problème à se poser sur la manière de s'y prendre tellement le domaine des évidences est là. C'est ce que l'on pense en général et l'on continue son chemin sans se soucier de sa relation à l'Autre. Seulement il n'est pas rare qu'il y ait des erreurs de parcours, parfois la rivière unie se divise en plusieurs rameaux, parfois il y a même des pertes d'eau en des parcours souterrains, des résurgences ou bien de simples disparitions.

  Et, que l'on s'en offusque ou que l'on soit indifférent à un tel état de fait ne change rien au cours des choses. Cependant, pour ce qui est de l'amitié, si l'on y avait regardé de plus près avant de s'engager, si l'on avait jaugé la façon dont on se lie avec Pierre, avec Paul, son degré respectif d'engagement les concernant, on se serait vite aperçus qu'il y avait, sous la surface lisse et homogène, quantité de différences, de tourbillons, parfois d'eaux contraires. On aurait convoqué une perception plus adéquate du réel, on se serait lancés dans quelque hypothèse sur les raisons qui, en profondeur, motivent l'amitié; on aurait davantage pris en compte les facteurs subjectifs, les intérêts particuliers, parfois les calculs, les stratagèmes.

  Car l'amitié, si elle est un bien remarquable, n'est en rien frappée du sceau d'un quelconque absolu. Bien au contraire tout y est relatif, lié de près à ce que chacun porte à la façon d'une empreinte indélébile, à savoir les contours d'une singularité ne trouvant ni dans le temps, ni dans l'espace, de fac-similé, de modèle approchant. La rencontre, étant par définition, cette mystérieuse alchimie au cours de laquelle confluent en un même creuset quantité d'affinités, d'aimantations aussi bien que de répulsions, d'écarts, de conceptions plurielles de l'existence, l'on ne s'étonnera pas que les recherches de l'Autre se conjuguent de façons radicalement différentes. Dans l'amitié, Untel trouvera matière à plénitude, tel Autre prétexte à prendre acte d'un manque abyssal.  L'un sera entré dans une relation de confiance équilibrée où, entre les parties prenantes, s'établira un simple système de vases communicants : une manière d'harmonie se suffisant à elle-même. L'autre s'y sera invité, d'abord dans le souci de retirer du commerce avec ses semblables un quelconque profit.

  C'est un peu comme dans une cour d'école où se déroulerait un simple jeu de calots. Certains écoliers s'y adonneraient à un simple jeu d'échanges, sans plus, alors que d'autres n'y figureraient qu'à tirer quelque marron du feu. Sans doute la métaphore du jeu est-elle l'une des plus adéquates qui soient dès l'instant où il est question de partage dans une communauté humaine. Les enjeux, les parts, les gains ou bien les pertes, les enrichissements ou les débits ne sont jamais à parts égales. C'est comme au  jeu de Monopoly : certains ne rêvent que de la gloire que pourrait leur procurer une résidence Avenue Foch. D'autres plus modestes et certainement plus authentiques se contenteraient de côtoyer leurs voisins du côté de Belleville ou de La Villette, ravis à l'idée d'un partage équitable. Avec l'amitié peut-être convient-il de s'y reconnaître sous la forme d'une relation du plein et du vide. C'est toujours de manque ou bien d'excès dont il s'agit. Le fléau de la balance est rarement équilibré !

 

 

 

Les calots.

 

  Maintenant Bellonte est complètement arrivé, il sort les mains de ses poches, par politesse, il nous dit bonjour et il nous donne à chacun un gros calot avec plein de couleurs qui se mêlent dedans. C'est comme une tradition, Bellonte il nous refile toujours des calots quand il arrive, tout juste comme Sarias qu'on aperçoit maintenant du côté des cars de Pierson, et ça veut dire qu'il va pas tarder à nous rejoindre. A son tour Sarias, sans même enlever sa casquette à oreilles, il nous salue rapidement et il prend dans ses poches des calots de verre avec comme des algues et des arcs-en-ciel dedans et chacun en prend un calot.

  Comme d'habitude on cause de choses et d'autres et de plein d'autres trucs aussi et l'angélus de midi sonne à la cloche de l'Eglise d'Ouche et c'est bientôt l'heure de rentrer pour la soupe et, c'est là, vous allez voir la différence entre Bellonte et Sarias. Bellonte il remonte l'Avenue de la Gare en sifflant encore et il enfonce bien ses mains dans ses poches, d'abord parce qu'il fait frisquet, ensuite parce que ses poches elles sont vides. Sarias fait pareil pour l'Avenue, il la remonte, il descend sa casquette à oreilles sur les siennes d'oreilles et il enfonce pas les mains dans les poches, vu que les calots, ils prennent pas mal de place.

  Je sais pas si vous avez suivi mais, la différence elle est pas dans la tête blanche et découverte de Bellonte, en rapport avec la tête couverte de Sarias. La différence elle est dans les calots. Bellonte, quand il donne ses calots, c'est sans "arrière-pensée", c'est même tellement "sans arrière-pensée" que, quand il repart, il songe même pas à vous les demander, et même s'il y songeait, il vous dirait de les garder pour vous et même d'y mettre votre mouchoir brodé dessus, alors que ce vieux renard de Sarias, en arrivant, il vous les refile ses calots, mais avant de partir, alors qu'il visse sa casquette sur sa tête, il fait "pssst", "psssst", et en même temps il recourbe plusieurs fois l'index vers sa poitrine, en forme de crochet, et ça indique qu'il veut tout simplement qu'on les lui refile ses calots.

  Où je veux en venir avec mon exemple des calots ? Eh bien, c'est simple : c'est seulement pour montrer que Bellonte et Sarias ils fonctionnent pas sur le même principe en tant qu'amitié et partage avec les Autres. Bellonte, il se met du côté du PLEIN; Sarias, du côté du VIDE. Ça veut tout simplement dire que Bellonte, du côté de l'amitié, il te donne tout ce qu'il a à l'intérieur de lui, il retourne complètement ses poches et après elles pendent comme deux oreilles de teckel, de chaque côté du jogging. Sarias, lui, il te donne aussi tout ce qu'il a au-dedans de lui, mais juste avant de partir, ça lui fait un tel VIDE au milieu de la peau, qu'il te les redemande ses calots, et comme ça il peut repartir tranquille et même il est plus riche en partant qu'en arrivant, parce que, sur les calots, y a les traces de ses copains, celles de Garcin, de Pittacci, Calestrel et les autres...et elles lui tiennent compagnie et, comme ça, il a l'impression d'être jamais seul, il a toujours un peu du "Club des 7" au fond de ses poches, et ses poches à lui, sont gonflées comme des baudruches.                                                                                                        

 

 

 

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