Calder : un dessein d'enfant.
Source : Google Images.
Calder. L'évocation de ce seul nom et, déjà, le rêve est à portée de main. Nous voulons dire par là que nous pouvons le toucher, nous l'approprier comme un enfant le ferait d'une poupée faite de rafles de maïs et de quelques bouts de chiffon. Car, évoquer Calder, c'est faire immédiatement référence à une manière de jeu, à une existentialité ludique, à une vision ingénue et colorée de la vie. Tout y est joyeux, comme chez son ami Miro, tout y est animé, prêt à se mouvoir, à imiter les fragments de verre du kaléidoscope. Tout y est simple, combinaison des trois couleurs primaires comme chez Mondrian.
Soudain, la sculpture est devenue facétieuse, spontanée, biomorphique, pareille aux pétales, aux feuilles sous la risée du vent. Et ces minces effigies de tôles, espiègles, volatiles, réunies par un fil arachnéen, tellement inapparent. C'est comme si un cerf-volant peinturluré avait soudain envahi le ciel, y imprimant ses arabesques colorées. Une douceur en acte. Un glacis à l'usage du vent. Une aquarelle qui, d'aventure, pourrait se fondre dans les coulures de pluie. Des ailes d'oiseau, disons de diamants à tête rouge, pris dans les remous d'air au-dessus des mangroves. Mais peu importent les métaphores, elles seraient innombrables et, jamais ne remplaceraient l'original.
Mais comment donc Calder, partant de simples bouts de tôle qu'il relie par des tiges de fer parvient-il à tant de légèreté, à tant d'élégance ? Mystère de l'art sans doute. En tout cas nous regardons ces mobiles avec des yeux d'enfants, un peu comme on le fait des jouets en bois de Torres-Garcia ou bien de quelques poupées polychromes inventées par le génial Picasso.
L'œuvre de Calder est simplement fascinante. Nous ne nous en lassons pas. Nous pourrions demeurer, longtemps, face à ces merveilleux objets en mouvement, tant l'analogie avec la figure du carrousel est hautement visible. Or, a-t-on vu quelqu'un, enfant ou bien parent, se soustraire de bonne grâce à sa bienveillante giration. Le rêve n'est fait d'autre chose que de cette ivresse, de ce "perpetuum mobile" dont , nous-mêmes, sommes tissés jusqu'en la moindre de nos cellules.
Et, comment ne pas évoquer alors, les splendides Stabiles, monstres monumentaux d'acier peint, lesquels, malgré leur gigantisme, nous invitent pareillement à l'évasion, à l'émerveillement. Là est la marque insigne du grand artiste qui, d'un matériau usuel, banal, parvient à faire une œuvre indépassable dans le temps. Car ce Maître du fer est inimitable, tout comme le sont, avant lui, César avec ses magnifiques compressions ou bien Anthony Caro assemblant avec un rare bonheur poutrelles d'acier et grilles ouvragées. Parfaite maîtrise de la matière qui, dans un même empan du geste, réunit l'infiniment grand à l'infiniment petit. Jamais cosmologie ne trouve meilleure application. Merci Calder de nous procurer autant de bonheur !