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18 juillet 2020 6 18 /07 /juillet /2020 08:16

Cependant nous avons vécu

et les saisons ont passé.

 

Le Printemps était

cette touche virginale,

cette douce empreinte,

cette à-peine venue

dans le champ de l’heure.

Tous les jours

nous allions à la fontaine

 puiser une eau nouvelle.

Elle nous affermissait

dans la conscience

que nous avions

de nous-mêmes.

Elle ouvrait à notre jeunesse

le chemin sur lequel avancer.

 

Radieux !

 

L’Été arrivait sans crier gare.

Tout s’épanouissait à l’excès.

Tout s’élevait de soi

dans une manière de gloire.

Les filles étaient court vêtues.

 La lumière bondissait

sur les écailles brillantes

 des feuilles.

Les glycines chutaient

dans des cascades parme.

 On riait aux terrasses.

L’Amour bourdonnait

 telle une ruche ardente.

 

Admirable !

 

L’Automne glissait

 parmi les jours

dans ses belles teintes

de rouille et d’argile.

Les vignes flamboyaient

dans leurs vêtures pourpre.

Les guêpes faisaient

 leurs trajets incessants

 au milieu des pampres

et des vrilles.

On chantait autour des tables

dans le mauve du crépuscule.

On buvait le vin nouveau

dans de grands éclats de rire. 

 

Bucolique !

 

L’Hiver s’annonçait froid.

Les premiers frimas

poudraient les visages.

 On coupait du bois en forêt,

on faisait du feu

des petites branches.

 Lors des longues nuits,

autour de l’âtre rougeoyant,

on mangeait des châtaignes,

on buvait du vin nouveau.

On remontait le col

de sa pelisse.

La bise était acide

qui venait du Nord.

 

Rigueur !

 

Cependant nous avons vécu

et les ans ont passé.

 

Enfants,

nous demeurions

dans notre domaine originel.

Une maison aux volets rouges.

Un marronnier dans le jardin.

Des marrons avec lesquels

nous jouions.

La voiture du Père,

son long capot noir,

le bruit de son moteur pareil

 à la chute d’un torrent.

Le visage de la Mère, souriant,

sous ses boucles châtain.

L’amorce des jours,

 une promesse.

Une félicité à l’horizon.

Un ciel sans nuages.

 

Adolescents,

 nous agrandissions

le cercle.

Myriade de copains,

vol erratique d’étourneaux.

Premières passions.

Des livres, des échanges,

des filles.

Une ambroisie au coin

de chaque rue.

Un espoir au bout

de chaque sentier.

Premiers enivrements

 qui en supposent d’autres,

en appellent d’autres.

 

Adultes,

 tout faisait sens

 jusqu’à la démesure.

Le soleil brûlait au zénith.

Les cerfs-volants planaient

haut dans le ciel.

Les enfants riaient.

La table était joyeuse,

les discours prolixes,

les réussites allaient de soi

qui consonaient avec bonheur.

 

Âgés,

inclinés à la dette

de la mémoire.

Qui devient partielle,

parfois capricieuse.

Le Passé, loin là-bas,

faisant sa tremblante auréole,

un chatoiement qui semble

se suffire à lui-même.

La maison comme

port d’attache.

Le soleil est au nadir,

couché sur l’horizon,

flaque vermeil qui allume

 ses derniers feux.

Une bûche dans la cheminée.

Un trouble dans les yeux.

Les souvenirs qui planent

tel un vol de phalènes.

 Il faut baisser la lampe,

 la lumière est trop vive.

 

Cependant nous avons vécu

et la vie est passée

 

Où est-il l’encrier de l’école

dans lequel nous trempions

nos plumes Sergent-Major ?

Où sont les boucles,

les pleins et les déliés

que nous tracions

sur nos feuilles blanches ?

Où sont les feuilles du tilleul,

elles faisaient dans la cour

leurs traînées vives de papillons ?

Où les premiers émois amoureux,

les promenades et les mains

qui se scellaient,

dans la fenaison du jour ?

Où les marronniers,

nous nous amusions

de la chute de leurs fruits

sur le sol de pierre blanche ?

Où le lavoir animé

de conversations

et l’eau claire qui chutait

depuis le mystérieux trou

dans la roche claire ?

Où les longues aventures

dans les bosquets de chênes,

nous y élevions nos cabanes,

un refuge où nous retrouver

et dire le lieu de notre être ?

 Où tout ceci qui a eu lieu,

que le temps a repris

dans les intervalles serrés

de ses heures

de ses secondes ?

Où ?

Mais qui donc

 pourrait nous répondre ?

Un malin génie,

une bonne fée,

un être mystérieux

venu du fond des âges ?

 

Cependant nous avons vécu

et les saisons ont passé.

Cependant nous avons vécu

et les ans ont passé.

Cependant nous avons vécu

et la vie est passée.

 

*

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